22 Avr 24 Binidu – ‘//’
Album / Kythibong / 05.04.2024
Folk expérimental
Quelques notes. Un accord. Une idée. Une ligne. Un son. Un signe. Puis le silence. Quelques notes. Une mélodie. Une voix. Une ligne. Un son. Un signe. Ou deux plutôt. Double slash, de travers, puis un monde, un disque, un frisson. D’arpèges en pulsations frénétiques, de stases en mouvements liant l’espace et le temps, l’aventure Binidu (s’)impose, avec ce troisième essai (plus que) transformé, une nouvelle signature, bien différente encore de celle qui marquait ses deux précédents efforts.
Dès le premier morceau, apparente caresse qui prend son temps comme des préliminaires qui ne diraient pas leur nom, nous voici face à un groupe qui sait s’y prendre avec les questions de rythmes, de mouvements et d’exploration des sens. Organiser le silence pour mieux comprendre le bruit, bâtir la paix pour mieux appréhender la fureur. Tout est sous tension, pourtant tout restera apaisé. De paysages sonores émergents en mondes sous-jacents, de surfaces monochromes en reliefs multicolores, la voix narrative au timbre impeccable de Vince Dupas (My Name Is Nobody), rappelant par moment celle de Robert Wyatt, fait des miracles aux côtés des ingénieuses trouvailles de ses comparses (Jean Baptiste Geoffrey et Jérôme Vassereau, tous deux échappés de La Colonie de Vacances et de leur duo initial Pneu). Des groupes qui se mêlent, se réinventent, dialoguent et nous parlent par fréquences interceptées et même par miroirs interposés.
More Tropical Rain prend ainsi la suite du Tropical Rain de Nouvel Ancient (2018), son précédent album, tandis qu’Underunderwater fait lui référence au Under Water de son premier effort, Yes!, publié il y a maintenant onze ans. Des morceaux qui dépassent souvent l’exercice de style empreint de figuralisme pour nous plonger dans un monde riche en couleurs, en harmonies aventureuses, en rencontres hasardeuses mais toujours heureuses, dans un continuum méditatif édifiant. Des titres qui oscillent entre quarante-trois secondes (le furtif morceau tout en contrepoint qui donne son titre au disque) et plus de dix minutes (l’ouverture We Grew Appart) et nous rappellent que ces découpages presque artificiels ne sont que des prétextes pour former une unité, un véritable ensemble, tel un voyage passant par autant d’étapes que nos seuils de perception daigneront l’accepter. Sans oublier, bien-sûr, l’humour caractéristique de ces musiciens, comme en témoigne le final ubuesque 3521, morceau plus enlevé et surtout en décalage vis-à-vis du calme léthargique régnant sur la majorité des idées et motifs de ces six compositions.
Plus minimaliste mais aussi plus touchant, le labyrinthe mental de Binidu sacrifie sa dimension noise pour se faire plus intimiste, imprégné des territoires défendus jadis par Talk Talk et plus récemment par des productions comme celles de caroline ou de Daniel Blumberg, misant sur une certaine aridité formelle pour atteindre un son plus rugueux et développer des textures nouvelles. Une semaine après la claque du deuxième disque de Rank-O, Tours est définitivement la ville de tous les possibles, et ce n’est pas avec des disques comme ceux-là que l’on s’en plaindra.
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