11 Oct 19 Big Thief – ‘Two Hands’
Album / 4AD / 11.10.2019
Indie folk
Big Thief aurait pu se laisser porter par la vague médiatique et sillonner longuement les routes pour défendre le récent U.F.O.F, album d’une ampleur telle qu’il aurait pu être suivi d’un long silence, du congé nécessaire pris par ceux qui ont côtoyé les cimes. Mais le groupe n’aime pas les abris et le repos, et préfère la césure au confort. En sortant un nouveau LP quelques mois seulement après le précédent, il ne semble pas s’accommoder non plus des règles en vigueur dans le marketing musical. Cette absence totale de calibrage, ce coup de pied envoyé aux bonnes manières de l’industrie font probablement de Big Thief le groupe le plus remarquable de la fin des années 2010. Chez lui, les titres, les enregistrements, le rythme effréné des tournées semblent dictés bien plus par la nécessité que par la stratégie.
Two Hands est présenté comme le jumeau terrestre de U.F.O.F. qui représentait le groupe dans une atmosphère éthérée et baignée de vert chlorophylle. La pochette de ce nouvel album le laisse apparaître dans des teintes brunes, sèches, en cadre serré devant l’écorce d’un arbre. On pourrait presque voir ce processus comme un manifeste artistique. Présenter deux facettes de la sensibilité du groupe : l’une céleste, l’autre terrestre, avec ce que cela implique en terme de composition, de production, ou d’enregistrement.
Dès les premières notes de Rock And Sing, on sent cette approche esthétique différente. On y retrouve le sentiment de proximité très grand des albums précédents, mais il n’est plus appuyé par les détails de production. C’est l’enregistrement live qui nous donne l’impression, non plus de sons susurrés, mais d’une proximité physique du groupe. Ancré dans le sol, face à nous. Adrianne Lenker a enregistré la quasi intégralité des pistes de voix en une prise. La réussite du rendu physique est totale. Des titres comme Forgotten Eyes ou Not sembleront familiers aux auditeurs qui ont vu Big Thief en concert. Ils ont été joués lors de la tournée et sont rendus de manière similaire sur l’album. Cette expérience de l’enregistrement live pour approcher l’authenticité est un principe finalement assez classique, et peut être un écueil pour certaines formations. Chez les New Yorkais, il trouve tout son sens. L’authenticité nécessaire d’un groupe souhaitant proposer une vision brute de sa musique.
On peut se demander pourquoi ce retour à la terre s’imposait après être allé si loin. Le terrestre recèle en effet moins de magie, dans l’imaginaire collectif, que le céleste et l’inconnu. Two Hands est donc délesté, à dessein, de ce qui faisait l’une des particularités de son prédécesseur. Le magique trouve son reflet dans le sanguin, le charnel, les cordes vocales écorchées, les bruits d’amplis (notamment sur les magnifiques The Toy et Not). Musicalement, les mélodies n’ont rien à envier à leur jumeau. L’ancrage est différent : dans le sol. Comme s’il fallait reprendre pied, comme si la fréquentation trop assidue des OVNIS avait été périlleuse. A voir comme Lenker chante ‘The toy in my hand… is real‘, comme pour s’en assurer, on comprend cette nécessité de (re)prises avec le réel. Le seul regret, mince, est que ce disque ne soit pas sorti le même jour que U.F.O.F. Pour en faire le plus beau twin album des dernières années.
A ECOUTER EN PRIORITE
Forgotten Eyes, The Toy, Two Hands, Not, Cut My Hair
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