
25 Jan 21 Bicep – ‘Isles’
Album / Ninja Tune / 22.01.2021
Electro
De leur jeunesse à Belfast passée à écumer le mythique club Shine, Andrew Ferguson et Matthew McBriar ont appris une chose : rien de tel qu’une piste de danse pour réconcilier des communautés que les aléas de l’histoire s’obstinent à vouloir séparer. Cet état d’esprit, le duo ne s’en est jamais départi. Émigrant chacun de leur côté vers la Perfide Albion, les deux amateurs de house (mais pas que) n’auront pas mis de temps à se retrouver, grâce à la création de leur blog spécialisé FeelMyBicep, devenu ensuite label à l’origine de soirées réputées pour tous les fans d’IDM vivant outre-Manche. Réunis à Londres en tant que programmeurs et DJs sous le nom de Bicep, Ferguson et McBriar ont finalement signé chez le légendaire Ninja Tune, et enchaîné tournées mondiales et collaborations prestigieuses (avec Hammer et Simian Mobile Disco, ou pour des remixes de Blood Orange et 808 State—sans compter celui que Four Tet a fait de leur propre Opal). En un clin d’œil, la scène électronique mondiale leur a donc ouvert grand ses portes, et Bicep ne s’est évidemment pas fait prier.
Mais depuis, 2020 est passée par là, et d’autres aléas de l’histoire ont mis leur grain de sel, coupant net cette dynamique. Dans ce contexte particulier, le second LP du duo, Isles, reprend la formule de son premier effort éponyme, en poussant les curseurs au maximum, comme pour souligner la promesse de jours meilleurs. En témoigne le morceau d’ouverture Atlas, classique instantané dont le subtil effet de phase alterne entre euphorie soudaine et mélancolie discrète. Dès lors, le décor est posé. Isles est un archipel de sous-genres reliés par le même sens affuté de l’harmonie ou de la mélodie : house à tendance psychédélique donc, mais aussi electro plus compacte, breaks jungle, ou encore abstract hip hop. Se démarquant des estampes pointillistes et savantes d’un Floating Points, ou du minimalisme un peu mécanique de Rival Consoles – autres pointures actuelles de cette riche scène britannique – Bicep joue lui la carte de l’hédonisme et de l’amplitude, dans une tradition qui relierait Orbital hier à Jamie xx aujourd’hui. L’idée maîtresse ici, c’est d’être direct et de (se) faire plaisir. De faire dodeliner les têtes au rythme des basses et du beat. De faire bouger les fessiers. De faire danser, tout simplement.
Aussi efficace soit-il rythmiquement, Bicep n’en oublie pas moins d’habiller ses paysages sonores avec des textures que ne renierait pas un Boards of Canada. Son atout majeur, jamais aussi bien exploité que sur Isles : l’utilisation de couches vocales invitant à la transe et au lâcher-prise. De Apricots à Sundial, en passant par Rever, tout y passe : échantillons de voix bulgares ou de mélopées hindi, ritournelles entêtantes en première ligne, chœurs féminins éthérés au fond du mix, la voix est ainsi souvent mise à l’honneur. Bicep serait-il charmé par le chant des sirènes ? La bio officielle décrit par exemple le duo assis dans un kebab, activant comme des malades leur appli Shazam pour identifier une obscure pop song turque à la radio. À l’écoute des voix de Isles, on a envie de croire à autre chose ici qu’aux habituelles licences poétiques de ce genre de textes promotionnels.
Ajoutez à cela des nappes de synthés modulées qui puent l’analogique à plein nez (Saku, Rever encore), et une tracklist cohérente de bout en bout, et vous obtiendrez un disque qui passe à une vitesse folle, même s’il ne prétend jamais révolutionner la musique électronique. ‘Detroit, Delhi, Durban and Derby, all in one place’ déclare encore la bio. En d’autres mots, le ‘Future Sound of London’, riche de son histoire, et regardant l’avenir – ainsi que le reste du monde – avec une certaine confiance. Ferguson et McBriar, ambassadeurs pour une structure d’aide aux jeunes musiciens appelée Youth Music, n’iraient probablement pas nous contredire ici.
A ECOUTER EN PRIORITE
Atlas, Apricots, Sundial, Saku, Rever
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