Ben Shemie – ‘Desiderata’

Ben Shemie – ‘Desiderata’

Album / Joyful Noise / 15.07.2022
Pop contemporaine expérimentale

En septembre de l’année dernière, alors qu’on discutait avec lui à l’occasion de la sortie du récent album de Suuns, Ben Shemie nous le confiait : il venait d’achever un enregistrement en compagnie du Molinari String Quartet, parmi les orchestres contemporains les plus célèbres en son pays. Ne restait plus qu’à pouvoir l’écouter. C’est désormais chose faite : au moment même où James Webb, le télescope à infrarouge de la NASA, nous envoie les images les plus profondes jamais prises de l’univers, Desiderata tombe du ciel, et avec lui le témoignage ‘d’une âme errante à la recherche de sens dans un monde de poussière d’étoiles et de mirages astraux‘. Un signe ?

L’inspiration de Ben Shemie est comme un puit sans fond. Seul ou avec ses acolytes, il surprend, défie le temps, prend à contre-pied en évitant soigneusement les faux-pas. Ici porté par les cordes qu’il a invité pour interpréter sa pop expérimentale et singulière, il fait de cette succession de compositions galactiques une bande originale de film de science fiction imaginaire, inspirée de maitres du genre, Cliff Martinez et Richard Strauss en tête. Mais le canadien ne se contente pas de jeter le présent à la face du futur : alors que résonne The Departure, il ouvre littéralement ici les portes d’un univers parallèle où nos repères sont chahutés.

Enregistré en seulement deux prises au célèbre Hotel2Tango, l’antre des Godspeed You! Black Emperor, Desiderata se montre aussi pop qu’il peut se révéler radical, à l’image de son dytique central aux pôles inversés (The Tower). Attiré par l’expérimentation totale mais encore trop attaché à la pop pour y succomber totalement, Ben Shemie fragmente sa voix, la transforme juste assez pour rester audible et lui ôter tout dernier signe d’appartenance à notre planète, tandis qu’il mélange les sons industriels, trip hop et breakbeat jusqu’à ce qu’on ne puisse plus vraiment les nommer (The Eye, The Passage).

Passionnant dans ses passages les plus transcriptibles, parfois malaisant dans ses arcanes, Desiderata saute de puits de lumière en trous noirs, plus ou moins magnétiques selon qui s’en approche. Mais que les réfractaires au jusqu’au boutisme se rassurent : entre quelques poussées immodérées, l’album offre quelques moments suspendus auxquels se raccrocher, notamment une poignée de titres attestant de l’influence de Shemie sur le dernier album de Suuns (The Mirror, The Future Indefinite, le trompeur The Other Being, The Return). Puis il y a The Past Continuous, l’ovni parmi les ovnis, une chanson douce et débordante de mélancolie sur laquelle il chante sur fond de messages de répondeur téléphonique, sans jamais qu’on entende un familier ‘téléphone, maison’. Etrange jusqu’au bout.

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ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE
The Mirror, The Future Indefinite, The Past Continuous, The Return


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