
25 Mar 21 Bell Orchestre – ‘House Music’
Album / Erased Tapes / 19.03.2021
Post rock expérimental
Il aura fallu douze années et une pandémie pour que la formation montréalaise nous offre un successeur à l’excellent As Seen Through Windows, qui les voyait déjà rivaliser avec le meilleur de la scène post-rock locale pourtant pas dégueulasse.
C’est que deux des fondateurs de Bell Orchestre, Sarah Neufeld et Richard Reed Parry, outre qu’ils multiplient les projets solos et collaborations souvent passionnants, sont aussi membres d’un autre groupe montréalais à la notoriété autrement plus importante, à savoir Arcade Fire. Formé avant le succès explosif de ce dernier qui l’a quelque peu éclipsé, Bell Orchestre n’en développe pas moins une musique instrumentale passionnante et indéfinissable, à la croisée de multiples genres contemporains, et qu’on qualifiera de post-rock faute de qualificatifs plus adéquats.
Avec une œuvre inspirée tant par l’électronique d’Aphex Twin que le minimalisme d’Arvo Pärt ou encore Talk Talk, on ne s’étonne guère que ce troisième album ait trouvé un écrin idéal chez les anglais de Erased Tapes, qui héberge déjà de grands noms de la musique contemporaine et néo-classique. House Music, dont le titre renvoie davantage au lieu de sa conception qu’à son genre, voit pourtant le groupe explorer une musique plus libre et spontanée que sur ses disques précédents, et livrer sans doute son œuvre la plus personnelle et aboutie. À la manière du Bitches Brew de Miles Davis, House Music est en effet issu d’une longue jam d’une heure trente entre les différents instrumentistes éparpillés dans la maison de Neufeld située dans le Vermont, jam qui a été ensuite découpée et réassemblée dans une démarche de composition instantanée collective rappelant les meilleurs moments de Can.
Le disque s’écoute ainsi comme une longue plage instrumentale tissée à partir d’une courte boucle de contrebasse pour ensuite se laisser emporter à un rythme effréné dans des paysages chatoyants en mouvement constant et d’une richesse instrumentale saisissante. Dès l’introduction, le violon et la pedal steel se croisent et s’entremêlent pour former un tissu de lumière sur House, pour ensuite être rejoints par les cuivres et les chœurs en une cavalcade épique sur Dark Steel.
Vient ensuite le climax de l’album, la montée psychédélique de What You’re Thinking et de Movement, où percussions tribales, kalimba, chœurs fugaces, cuivres, violons et sons électroniques s’éparpillent et se rassemblent dans un étrange fouillis qui n’en demeure pas moins fouillé. À l’issue d’une brève et unique respiration, la traversée reprend de plus belle avec Colour Fields, qui évoque un Do Make Say Think sans guitares, pour ensuite entamer sa lente coda dans un brouillard ambient du plus bel effet.
Si les moments de flottements paraissent inévitablement liés à cette démarche de composition spontanée, c’est aussi en ces instants de tous les possibles, où les esprits de ces musiciens talentueux et inspirés se rejoignent pour donner forme à de nouveaux imaginaires collectifs, que résident les attraits les plus rares et précieux d’un orchestre qui ne l’est pas moins.
A ECOUTER EN PRIORITE
IV. What You’re Thinking, V. Movement, VII. Colour Fields
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