
30 Avr 23 Beach House – ‘Become’
Ep / Sub Pop / 22.04.2023
Dream pop
À l’occasion du Record Store Day 2023, Beach House sort des placards une poignée de morceaux inédits. La circonspection est légitimement de mise avant de se lancer dans la lecture de Become, car si le fameux groupe de Baltimore n’est pas connu pour évoluer significativement album après album, comment un rebut de session d’enregistrement de son dernier opus pourrait-il retenir l’attention ? Gardons toutefois en tête que, depuis 2018, Beach House expérimente à sa mesure, prudemment donc, mais sûrement. Après avoir marqué irrémédiablement les années 2010 avec les emblématiques Teen Dream et Bloom, puis assuré leur statut d’icône de la dream pop avec Depression Cherry, Victoria Legrand et Alex Scally s’étaient associés avec Sonic Boom aux manettes de la production pour un septième album qui marquait en quelque sorte un point de rupture dans leur histoire. C’est dans ce même état d’esprit que les deux artistes ont sorti Once Twice Melody en 2022, intégralement produit par leur soin. Là où cet ambitieux double album de près d’une heure et demi pouvait se montrer qualitativement inégal et traîner en longueur, Become se présente sous les traits d’un EP de cinq titres, format que le duo n’avait pas encore exploité jusqu’à présent et qui possède un avantage non négligeable : celui de la concision.
Ces faux nouveaux morceaux n’auraient pas détonné au menu du dernier album, étant sensiblement produits dans la même veine à grand renfort d’effets en tout genre pour consolider les sonorités massives et englobantes de la musique, telle une cathédrale de pop rêveuse. C’est particulièrement le cas de Holiday House et de Black Magic, chansons jumelles par leur construction en couches instrumentales et vocales qui se superposent les unes aux autres en une étourdissante montée en puissance jamais vraiment résolue. Mais quelques détails épars tendent à prouver que Become peut se démarquer de son origine. Davantage noyé dans une panoplie de reverbs, plus linéaire, le chant fait aujourd’hui définitivement partie des éléments qui génèrent cette ambiance organique et cinématographique, quasi mystique, qui a pris toute la place de la spontanéité et de la naïveté des débuts. On se surprend ainsi à frissonner à certaines inflexions de voix discrètes dans American Daughter, dignes de cette période du tournant des années 2010 où la voix de Legrand n’a jamais été aussi intense et expressive.
Approchant les vingt années de carrière, le groupe américain présente un parcours exemplaire à la progression constante et consistante. Le ‘toujours pareil’ qu’on serait parfois tenté de lui reprocher peut se révéler être autant sa grande force que sa pardonnable faiblesse, à la manière d’autres groupes à la patte sonore stable et bien connue, comme Yo La Tengo ou The Radio Dept. Ballade mazzy staresque où voix et chœurs croisent de beaux arrangements de cordes sur un tempo nostalgique, Devil’s Pool fait dans le déjà-entendu mais se distingue du lot par sa richesse mélodique et émotionnelle, au même titre que le morceau éponyme, qui est une nouvelle preuve de la remarquable capacité de Beach House à clôturer des albums avec une solennité à la fois intimiste et sublime.
Qu’on les connaisse depuis hier ou depuis toujours, la familiarité avec laquelle la voix et les claviers de Victoria Legrand et les arpèges de guitare d’Alex Scally résonnent dans le petit monde de chacun offre une épaule, une étreinte qu’on ne saurait intuitivement refuser. Passée la première impression, bonne ou mauvaise, c’est écoute après écoute que la séduction peut opérer durablement, attendant le moment où le cerveau abandonne sa revue critique au profit d’un laisser-aller total dans le flot d’émotions que convoque la musique. Become s’affirme ainsi comme une véritable belle surprise et n’est pas à prendre à la marge de la discographie de la formation. Du haut de ses vingt-cinq minutes, il offre un condensé de là où en est Beach House aujourd’hui, mais aussi de son inaltérable pouvoir d’attraction
A ECOUTER EN PRIORITE
Become, Devil’s Pool, American Daughter
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