BC Camplight – ‘Shortly After Takeoff’

BC Camplight – ‘Shortly After Takeoff’

Album / Bella Union / 24.04.2020
Glam kitsch

Paradoxes, contrastes, provocation, et coups du sort sont les ingrédients de la vie comme de la musique de Brian Christinzio, aka BC Camplight. Shortly After Takeoff, troisième volet de sa ‘trilogie mancunienne’, correspond en tout point à cette description, et semble à son tour marqué par l’étrange malédiction qui auréole toute sa carrière.

Originaire de Philadelphie, Brian Christinzio sort ses deux premiers albums aux Etats unis, et va jusqu’à collaborer avec The War On Drugs ou Sharon Van Etten sans que ces expériences demeurent impérissables. Frappé par une sorte de schizophrénie nourrie par les succès d’estime, et une carrière qui au final ne décolle pas, il se laisse emporter dans les drogues et l’alcool.

Ce sont alors des fans anglais qui l’invitent à traverser l’Atlantique et à se remettre au travail. Il fait de ses angoisses un matériau mordant de noirceur et d’ironie, et commence sa ‘trilogie’, dont chaque publication est frappée par le sort. En 2015, le lendemain de la sortie de How To Die In The North, il est extradé d’Angleterre faute de papiers en règle. Il lui faudra 18 mois pour pouvoir retourner à Manchester. En 2018, son père décède la veille de la parution de Deportation Blues. Obligé d’annuler tournée et promo pour retourner aux Etats-Unis, il sombre dans une profonde dépression.

Cette année, alors que la promo de Shortly After Takeoff démarre, les radios annulent la programmation du single Cemetery Lifestyle, jugé trop ironique et malaisant en période de confinement. Reste à espérer que Back To Work devienne l’hymne de la reprise tant il serait dommage de se priver des inspirations de ce bricoleur imprévisible, dont les montages d’échantillons rappellent volontiers les sonorités des premières livraisons de Eels (I Only Drink When I’m Drunk, Back To Work). Shortly After Takeoff rappelle aussi le goût pour les claviers kitsch et les envolées de choeurs grandiloquents de Weyes Blood (I Want To Be In The Mafia, Shortly After Takeoff, Arm Around Your Sadness), tandis que Born To Cruise scrute ouvertement du côté du psychédélisme pop de Temples ou Tame Impala.

BC  Camplight aime la provocation et les contrastes, et cela s’exprime dans l’album par la multiplication (l’abus ?) des échantillonnages, posés les uns à côtés des autres. Ca marche plutôt bien sur certains titres : I Only Drink When I’m Drunk porte dans son titre tous les paradoxes et l’absurdité de son auteur, mais son ouverture sur un riff western progressivement ralenti, et les ruptures qui émaillent toute sa durée sont efficaces. Le mix est plus brutal sur Cemetery Lifestyle, mais on se plait à retrouver un riff funky bien dansant. C’est dans les mots que Ghosthunting nous cueille au foie : Christinzio parle de la mort de son père à la manière d’un sketch, sur fond de rires enregistrés, puis enchaîne avec une magnifique ballade psychotique, sa voix angélique, haut-perchée retombant dans les basses d’une rythmique et d’un sax terrifiants. La rupture entre le motif robotique de Back To Work et la mélodie magnifique est plus lourde à encaisser, la ballade Arm Around Your Sadness et le pop Born To Cruise sont parsemés d’une collection de sons de claviers art-rock, même de thérémin, assez dispensables.

De son propre aveu, la musique de BC Camplight se tient au-dessus du gouffre de sa folie, toujours à la recherche de l’expression la plus à même de transcrire ce qui le traverse. C’est aussi déroutant que riche, aussi brillant que perturbant, et ne laisse donc pas indifférent.

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A ECOUTER EN PRIORITE
Ghosthunting, Back To Work, Cemetery Lifestyle, Born To Cruise


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