
08 Nov 23 bar italia – ‘The Twits’
Album / Matador / 03.11.2023
Indie post punk
Mystère, mutisme et productivité, un adage parfait pour décrire l’année 2023 de bar italia marquée notamment par la sortie attendue et acclamée de Tracey Denim chez Matador : une réelle première invitation dans l’univers diaphane du trio avant une tournée conséquente confirmant définitivement l’intérêt d’un public de plus en plus large pour ses performances épurées, en adéquation avec une image toute en retenue portée par une Nina Cristante à l’allure éthérée, aux robes fluides et aux cheveux de fée. Complétée par le duo Jezmi Tarik Fehmi et Sam Fenton (Double Virgo), la formation dégage une puissance collective d’une sensibilité nue. Une esthétique léchée qui fait écho à la couleur de ses compositions. On les retrouve donc avec The Twits, nouvel album mixé par Marta Salogni dont les mélodies brumeuses voyagent toujours entre Sonic Youth et des influences Shoegaze.
Certains disques provoquent un maelstrom de sensations, forcent le mouvement, le saut, la danse. D’autres invitent simplement dans l’intimité, offrent à l’oreille, sans apprêts ou sophistications, le quotidien et les états d’âmes de ses auteurs. The Twits dispose de ce pouvoir d’attraction. Le trio nous y balade au gré des compositions, de la mélancolie aux mélodies plaintives, du romantisme à l’indie rock pêchu, dans une conversation à trois voix qui ressort comme l’élément clé du LP. Le chant, que l’on sait dissonant chez bar italia, se déploie sur un large spectre, du chuchotement à l’aigu brisé sur de nombreux couplets de Nina, aux graves caverneux de Sam et Jezmi sur My Little Tony pour ne citer que lui. Une belle illustration des failles humaines, de l’anxiété provoquée par la routine urbaine, qui sera la plus poignante sur Sounds Like You Had To Be There.
De son côté, l’instrumental, qu’il prenne l’allure d’un blues lancinant ou d’un riff Brit Pop, reste en toile de fond. Il agit comme un aplat de couleur prêt à recevoir les pulsions des trois narrateurs et ponctue leur propos sur l’amour, les relations humaines et les déceptions. Tout en nuances, il appuie l’aspect contemplatif lors de sections rythmiques aérées avec la basse de Brush w Faith et le piano de Shoo, ou gagne en intensité sur les guitares saturées de Twist et la batterie frénétique de Worlds Greatest Emoter. L’aspect bruitiste des Sonic Youth ou le côté sombre de Slint transparaissent également, mais le disque conserve cette douceur, parfois même ce romantisme, avec un son jamais trop profond ou puissant. Les compositions restent assez courtes, comme des étoffes que le groupe serait en train de découdre fil par fil, pour n’en laisser que l’essence.
Ce nouvel album de bar italia offre un plongeon sonore dans la complexité de la vie de jeunes artistes. Un mélange flou de flux contraires, d’une confiance et d’une folie parfois, d’une posture traversée par une fragilité, d’une sensibilité à fleur de peau qui dépasse le medium de la musique. Cette façon de se livrer dans un univers dépouillé résonne avec les toiles et les textes d’Issy Wood, artiste plasticienne et musicienne dont les œuvres naviguent entre souvenirs, introspections et obsessions. Si, musicalement, The Twits ne surprend pas réellement, il enrichit encore l’univers érigé par Nina, Jezmi et Sam. bar italia semble réfugié dans un autre temps, s’évertuer à créer sans cesse tout en appréhendant ses insécurités. Cette force immersive parvient à créer un moment de partage fugitif, maintenu captif par les sons.
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