Bank Myna – ‘Volaverunt’

Bank Myna – ‘Volaverunt’

Album / Araki / 25.02.2022
Post rock – Drone

Début décembre 2021, Anna Von Hausswolff faisait les titres des grands quotidiens, son concert prévu à l’église Notre Dame de Bon Port de Nantes étant annulé sous la pression de manifestants catholiques intégristes. Les ancêtres de ces gens-là avaient dû condamner quelques sorcières au bûcher au XVIIème siècle, et l’artiste suédoise semble être considérée comme une de leurs héritières. Affublée du terrifiant qualificatif ‘sataniste’, elle a pu s’estimer heureuse ce soir-là que la justice expéditive aux allumettes n’ait plus cours.

La question ce soir-là : ‘pourquoi organiser des concerts rocks dans des églises alors qu’il y a des endroits prévus pour cela ?’. Parce que tout ce qui porte l’étiquette rock ne descend pas du déhanché d’Elvis Presley. Il y a des musiques plus profondes, plus spirituelles qui pourraient prendre une autre ampleur ailleurs que dans la relative fadeur d’une SMAC de préfecture. Un lieu sans âge pour une musique hors du temps. Un endroit où, une fois passé les portes magistrales, le silence est parfait. Quand on écoute Volaverunt, le premier album des parisiens de Bank Myna, on ne s’imagine pas ailleurs que dans un lieu de culte. Un lieu de culte d’avant, quand les religions ne symbolisaient pas la folie des hommes et que tout n’était pas encore recouvert d’or et de sang.

Des cloches ouvrent l’album d’ailleurs, elles sonnent le début d’une nouvelle nuit. Alors, les rues désertes sont lentement envahies de guitares droniennes et une voix s’élève vers la voûte céleste. Mais le ciel est sombre, Los Ojos de un Cielo sin Luz est le titre de ce morceau qui vient instaurer le paysage musical dans lequel nous évoluerons. The Open Door débute dans une atmosphère de prière bouddhique, striée d’amples mouvements d’archer avant une lente montée en intensité. La phrase ‘The open door you cannot see‘ est alors répétée à l’infini sur grondement métronomique pendant que des bruits rampent sur les sols arides. Après ça, une balade au clair de lune – alors que le ciel commence à roser à l’est – est la bienvenue. Quand la nature s’éveille, Aurora (Vi ska sova) – ‘nous allons dormir‘ en suédois, ndr – nous amène lentement au pays des songes. Les deux derniers morceaux restent dans cette veine puissamment contemplative : Sleep of Reason semble naviguer à la lisière de nos peurs quand Des Mains, Des Yeux s’endort sur un poul calme et régulier.

Bank Myna a été lumineux sur son premier EP de 2016, enchanteur sur le païen Forest in my Head, single paru en 2018. Le voici ténébreux, et en même tant d’une rare beauté. Le son du groupe a évolué du post-rock vers le drone minimaliste qui joue avec les silences, mais le bourdonnement ne s’éteint jamais. Un furtif roulement de tambour vient le raviver avant que la batterie se fasse plus puissante, jusqu’au martèlement sourd. Là dessus, la voix ensorcelante de Maud achève de faire de Volaverunt une œuvre mystique et spirituelle, qui laisse l’auditeur se perdre dans un imaginaire sans limite. Volaverunt signifie ‘Elles s’envolent‘ en latin. C’est aussi, et avant tout, le nom qu’avait donné Francisco Goya a une de ses gravures représentant la duchesse d’Alba s’élevant, dans laquelle le groupe y a trouvé une certaine résonance : ‘la représentation d’une figure libre à la beauté magnétique et amère, une incarnation de liberté et d’affranchissement des codes‘. Des mots qui font en effet fortement écho aux cinq titres qui composent ce premier album de Bank Myna.

VIDEO
ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE
Los Ojos de un Cielo sin Luz, Open Door

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