Bambara – ‘Stray’

Bambara – ‘Stray’

Album / Wharf Cat / 14.02.2020
Post punk

Souvent comparés au parrain Nick Cave et ses ballades meurtrières, les frères Bateh et William Brookshire – influencés par Leonard Cohen ou certains écrivains gothiques – excellent par leur talent de narrateur et mélangent avec maestria le surréaliste et le sublime, le romantique et le profondément tordu. Sur Stray, Bambara s’éloigne du son de Shadow on Everything à travers des paysages sonores atmosphériques tout en préservant son approche lyrique, cinématographique et sonore du rock. Si son précédent effort pouvait être qualifié de film gore, celui-ci serait plutôt un long métrage d’horreur à combustion lente, une version plus sombre et macabre de ce qu’il fut. Les 10 titres sont imbibés d’une adrénaline pure et de riffs de guitare façon Duane Eddy sous amphets, abondés d’un souffle glaçant ‘Twin Peak-esque’. Au lieu de suivre un récit cohérent, le trio new-yorkais raconte des histoires courtes de personnages qui se chevauchent mais, malgré cette déconnexion entre les morceaux, les récits mettent en évidence l’inéluctabilité et l’acharnement de la douleur et de la mort. Autant ils semblent avoir l’intention de pousser leur délire au maximum – de part l’immédiateté abrasive de leur musique et la violence effroyable qui imprègne leur vision de l’Americana – autant ils sont capables de produire un son poli, sans pour autant enlever son bord brut.

Le Miracle opère dès l’entame avec une rafale rythmique et des synthés de klaxons inquiétants qui nous entraînent dans un monde sinistre et nous plongent dans une atmosphère étrangement douce. Douceur dont l’interaction plus loin avec des éléments abrasifs – ligne de basse épaisse, violons sombres et guitares hurlantes – crée un son élogieux qui contraste avec l’histoire de la chanson et son personnage principal. Au sein de ces paysages sonores, le chanteur Reid Bateh s’interroge sur l’attitude séductrice d’une strip-teaseuse abandonnée par ses parents après l’avoir stérilisée de force. L’imagerie de sa performance s’intensifie au fur et à mesure que l’instrumentation explose, jusqu’à ce que les synthés initiaux remplacent le chaos et que lentement la musique s’éloigne. Heat Lightning est quant à lui un clin d’œil au son gothique de leur album précédent, et propose un syncrétisme entre percussions punk et riffs twangy. Ici, Reid fait étalage de son jeu de plume avec des images vives d’une version personnifiée de la mort conduisant de nuit.

Alors qu’on pénètre lentement dans ce cimetière brumeux et désolé, Sing Me to the Street introduit un chœur féminin paradisiaque et des sonorités d’orgue. Ces nouveaux motifs sonores dans le catalogue du groupe adjugent le morceau le plus onirique du disque alors que les chœurs de Drew Citron (Public Practice) et Anina Ivory-Block (Palberta) créent un contraste d’une beauté envoûtante avec le baryton ivre de Reid. Bien que le son post punk énergique de Serafina et Ben & Lily nous semble plus familier, Death Croons, Stay Cruel et Made for Me ont ce rythme beaucoup plus paisible oscillant entre new-wave et rock gothique. Avec l’explosif Sweat, Reid livre l’une de ses meilleures performances vocales à ce jour, avec une ferveur presque religieuse, preuve que  Bambara trouve constamment de nouveaux angles pour transmettre son message. Tandis que les chansons précédentes se concentrent sur les événements qui conduisent au décès, il déchire ici son cœur en abordant l’expérience de la mort. En plus de celle-ci, le final Machete combine des motifs lyriques tels que les rêves, l’ivresse et les relations. C’est l’une des coupes les plus dévastatrices de l’album tant elle fusionne, à travers les cinq minutes d’exécution, la voix teintée de douleur de Reid à des lignes de guitare anxieuses qui deviennent de plus en plus fébriles à chaque seconde qui passe.

En plus de son lyrisme vif et de son expérimentation sonore, l’une des forces de Stray réside dans la dynamique des personnages évoluant dans son monde dystopique. Les récits qui propulsent ces chansons sont un mélange captivant d’horreur noir et de surréalisme mettant en valeur les paroles et la production très raffinée du groupe. Le style narratif cauchemardesque, souvent sombre, non sans humour et ironie, anime l’album, offre une expérience d’écoute déchirante, ou chaque chanson est distinctive et mémorable, ajoutant de nouveaux éléments à la traditionnelle thématique sonore de Bambara. Le genre de disque qui se glisse sous votre peau, vous donne le pouls et vous invite dans une sorte d’obscurité se situant juste au-delà de votre zone de confort.

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ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE
Miracle, Heat Lightning, Sing me to the street, Serafina, Ben & Lily, Sweat, Machete


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