Baklavaa – ‘Sleep Running’

Album / 20/20 – Crass Lips / 28.02.2020
Punk noise

La photo printanière qui vient illustrer Sleep Running ne reflète en rien le punk noise atmosphérique de Baklavaa. Pourtant, l’habile ouverture Sugar Water aurait pu laisser présager une suite faite d’appels d’air et de grands espaces. Mais comme sur leur précédent disque, Dane On (2016), les quatre de Baltimore ont décidé de contrecarrer nos certitudes tout en jouant sur le terrain de l’inconfort.

Solidement structuré autour de sa charpente basse-batterie, enfin servi par une production à la hauteur de son propos, le groupe affirme ce qu’il sait faire de mieux : développer des structures torturées. Désormais moins fougueux ou en tous sens, il s’exprime alors pleinement dans sa musique exigeante, appuyé par des voix volontairement noyées dans les effets pour enfoncer le clou de la noirceur.

A raison, car tant en surface qu’en profondeur, Sleep Running est d’une richesse surprenante. Truffé d’ambiances bruitistes, de plans intelligemment ficelés et de mélodies salutaires, Baklavaa tire de chaque titre une substance aussi étrange qu’insolite. Une sève nichée quelque part entre le feeling d’un Shipping News et le climat d’un lointain The Cure de l’époque Pornography. Toujours impeccable que ce soit sur les morceaux mid-tempo (A Thousand Dinner, Winter, June), instrumentaux (Sleep Running) ou enragés (Mouthing, Bleacher), le quatuor fait preuve à chaque instant de cohérence et de consistance. Jusqu’à se révéler superbe lorsqu’il se permet des revirements soudains (Dsnylnd, Glowing House).

Malgré la complexité de son univers tordu, Baklavaa a bien fait de se pencher sur nos perceptions obscures et d’affirmer clairement sa position. En tenant ainsi ce cap réfléchi, il réussit avec la manière à créer un trouble permanent. Sleep Running est certes un exercice qui demande le travail de plusieurs écoutes pour en saisir pleinement la substance, mais il a l’impressionnante vertu de sonner juste.