Avee Mana – ‘Inner Life’

Avee Mana – ‘Inner Life’

EP / Hazard / 05.05.2023
Rock psychédélique

En 2019, Who the F…Is Francky Jones ? et sa tonalité psyche-dreampop avait fait surgir de l’ombre Avee Mana. Son groove fluide et subtil, rehaussé de notes de guitares aussi délicates que lumineuses, imposait un climat rêveur et contemplatif, à la douce sensualité, que ne parvenait pas à perturber les soudaines accélérations à la fin de certains morceaux. D’emblée, l’excellent niveau musical des marseillais ne manquait pas d’étonner : ce son clair et précis sans jamais être aseptisé, cette irrésistible souplesse et efficacité rythmiques, la voix toujours juste et maniant l’anglais avec aisance… Il faut l’avouer, tout cela n’était pas des plus fréquents dans l’hexagone. Le deuxième EP, Inner Life, s’aventure avec audace et détermination sur des territoires résolument plus rock, mais avec cette agilité qui lui permet, toujours au bon moment, de s’élever vers des mélodies plus éthérées. L’espace sonore, grand ouvert, est parcouru avec aisance et élégance : les guitares, parfois pesantes, nous clouent au sol pour, l’instant d’après, nous faire quitter terre en devenant cristallines avant de finalement nous plonger dans l’élément liquide sous l’effet de la réverbération. Avee Mana prouve ici que son inspiration est de plus en plus riche et pertinente, ce qui lui permet de varier habilement les climats sans jamais perdre de vue la cohérence de la mélodie.

Inner Life, le premier single, montrait déjà cette volonté de tempérer davantage une mélodie vocale marquée Dreampop par plus de rugosité dans l’instrumentation. Et cette tension entre agressivité et délicatesse était particulièrement bien gérée par une dynamique rythmique à la fois percutante et dansante. Les six titres de cet EP vont d’ailleurs, chacun à leur manière, pratiquer cette alternance bienvenue de climats contrastés, tantôt lourds et saturés d’électricité, tantôt légers et limpides. I’m a Toy semble pourtant se déverser dans les hauts fourneaux du Stoner, mais le gimmick de guitare à la Tom Verlaine, que l’on entend au milieu du titre, ainsi que la clarté de la voix, permet au morceau d’échapper à une formule trop prévisible en lui donnant ce surcroît d’ambiguïté qui intrigue et incite à renouveler l’écoute. Même chose pour Witchcraft avec son refrain rappelant He’s Waiting des Sonics et qui, avant de se terminer par des déflagrations typées Garage, s’offre une belle envolée psyché particulièrement réussie. La relecture pertinente de Space Fish, déjà présente sur le premier EP, ainsi que If You Want Me avec son côté Tame Impala, rappellent davantage les sonorités aquatiques des débuts discographiques du groupe, mais avec des incursions hors de l’eau assurées par un chant aérien.

Cet art du contraste atteint son apogée avec ce morceau de bravoure qu’est Bending Sky. S’il fallait lui trouver une ascendance, ce serait Young Man’s Dead, le chef d’oeuvre emblématique des Black Angels, mais avec un tempo ralenti permettant d’entrevoir de larges espaces entre les notes. Cela commence suspendu à une mélodie vocale évoluant en apesanteur pour laisser affluer, lentement, des vagues de guitares menaçantes, se densifiant progressivement, à la manière de nuées orageuses. Entre les roulements de tonnerre de la batterie, des décharges électriques zèbrent un ciel imaginaire, soulignant son ampleur et laissant entrevoir son immensité lumineuse en même temps que sa profonde obscurité. Puis, la musique se fait lancinante, lente dérive dans des espaces fantasmagoriques où s’évanouit la frontière entre la mer et les cieux. Enfin, les dernières déflagrations achèvent de dégager un horizon dont on ne sait s’il est lourd de menaces ou plein d’espoir. Une chose est sûre, Avee Mana, en pleine possession de ses moyens, est à l’image du funambule qui orne la pochette de son second EP : maintenant l’équilibre au milieu de nulle part, résistant à la tentation du vide et, confiant en ses possibilités, regardant vers de sublimes hauteurs qu’il se sait capable d’habiter quoi qu’il en coûte.

VIDEO
ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE
Inner Life, I’m a Toy, Bending Sky


Tags:
,
Pas de commentaire

Poster un commentaire