29 Mar 24 Pretty Inside – ‘I Care About You’
Album / Flippin Freaks – Les Disques du Paradis / 05.04.2024
Indie rock – Power pop
À partir de quand l’indie rock, cet incommensurable égrégore devenu peu à peu étendard, s’est-t-il vu déposséder de son innocence ? Combien de groupes se sont progressivement perdus dans la pose, délaissant la sincérité de leurs débuts pour se fondre dans la masse et atteindre ainsi l’inertie créative ? Est-ce là purement la faute des gros labels, de la popularité intergénérationnelle de tubes plus ou moins prédestinés ou d’une intention qui, dès le départ, était en fait biaisée, intéressée, opportuniste ? La volonté de faire un disque simple sans être idiot, direct sans être maladroit et surtout sincère sans tomber dans la mièvrerie est alors devenue le lot d’une poignée d’irréductibles dont fait désormais partie Pretty Inside.
Groupe bordelais pilier du Flippin’ Freaks, formé autour du songwriting aiguisé d’Alexis Deux-Seize, Pretty Inside (chez qui on retrouve des membres de Lucien Phare, Opinion ou Pierre Gisèle) propose aujourd’hui une facette studio plus en phase avec sa passion dévorante pour les concerts, son expérience de la scène et sa dimension collective, forcément incandescente. Enregistré en l’espace d’une semaine dans une maison de campagne, l’approche de ce nouvel album rappelle celle d’un Neil Young et de son Crazy Horse avec ses prises captées sur le vif, sa volonté de saisir des émotions fortes avant qu’elles ne s’évanouissent définitivement, prises dans le vortex des répétitions. Dans la console de Eòin Ó Coas (yyellow), les frasques électriques prennent alors une dimension quasi photographique, figeant les instants et les sons comme les images d’une émotion, d’une sensation. Aucune distance alors ? Pas tout à fait, et c’est là qu’est le point fort du disque : de l’urgence de cette collection de chansons-express en ressort un grand frisson qui, loin d’être éphémère, s’inscrit aussi dans la durée grâce à ses mélodies habiles et ses refrains mélancoliques qui semblent autant devoir à Grandaddy qu’au Velvet Underground, le tout saupoudré d’une bonne dose de Pixies pour la dimension faussement dadaïste promise par des formes plus variées qu’il n’y paraît. Excédant rarement les trois minutes sans pour autant abuser des tempi rapides, les douze morceaux de ce I Care About You ne manquent pas de nous dévoiler des obsessions vieilles comme le monde mais ô combien essentielles ; mais c’est encore peut-être Alexis qui en parle le mieux.
‘Ce disque, on l’a pensé comme un coup de vent, une bouffée d’air frais, avec l’objectif d’aller au plus simple, de laisser l’évidence se dicter d’elle même. Il y a un truc complètement inconscient et intuitif dans tout ça, y compris dans l’écriture, avec un regard presque blasé qui offre un certain recul sur les relations humaines et amoureuses. Il peut y avoir beaucoup d’hypocrisie dans les relations de couple, avec la peur de se retrouver seul. Parce que quelque part, quand on dit ‘je t’aime’ à quelqu’un, quand on dit ‘je tiens à toi’, ça peut tout aussi être protecteur, bienveillant et altruiste que très intéressé, comme une façon de réclamer la même chose en retour. Ce paradoxe me fascine, et j’aime quand les choses sont ambiguës’.
Si certains titres semblent directement hérités de l’univers du premier disque (Like Glue) et que d’autres semblent au contraire explorer de nouveaux territoires (I Care About You, la bouleversante Big Star), les brûlots énergiques ne manquent pas (Scream For Love notamment) et font définitivement basculer le peak meter dans le rouge. Pretty Inside part ainsi toujours d’un cri du cœur, caché derrière les larsens. Un cri d’amour pour ses idoles et plus généralement pour la musique qui l’a toujours alimenté et fait vibrer. Une communion qui se la joue donc tout sauf solo, à l’image de ce couple de canaris se tournant le dos, enfermé dans une cage figurant sur la pochette, sublime métaphore des pièges amoureux capturée par l’objectif de Raymundo Del Sofa. Moins immédiat qu’il n’y paraît, spontané sans être bâclé, I Care About You vise juste. Et tant pis pour les imperfections puisqu’après tout, la vie en est aussi chargée, sans toutefois nous délivrer toujours autant d’amour que celui contenu dans ce disque.
A ECOUTER EN PRIORITE
Life Inside a Jelly Bean, Morning Comes, Big Star, Is It Me Or Is It You
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