Orval Carlos Sibelius – ‘Territoires de l’Inquiétude’

Album / Fondation Arcana / 03.02.2023
Pop psychédélique

On entre dans un album d’Orval Carlos Sibelius comme dans la quatrième dimension, sans jamais y être vraiment préparé. Pour mémoire, dans ses clips, on a successivement sombré dans des limbes psychés lomographiques, puis erré aux côtés d’un général romain dans le métro. Dans ce troisième album, ses Territoires de l’Inquiétude nous accueillent au son médiéval d’un cromorne, nous invitant à réfléchir au sens de la vie, pensée comme un sandwich triangle sans jambon…

Avoir les portes de la perception grandes ouvertes et un solide sens de la dérision sont un préalable pour apprécier pleinement les variations de cet homme orchestre au savoir-faire insolent, pour qui l’univers est suffisamment harmonieux pour qu’il réussisse à confronter, au hasard, chacun de ses éléments en évitant systématiquement la faute de goût. C’est ainsi que la musique médiévale précédemment évoquée vient allègrement percuter les modulations synth-pop (Dernier Contact, Idéal Défunt, Ma Famille Mon Métal) ou les tentations atonales.

A l’image d’un Philippe Katerine, avec lequel il partage cette voix haut perchée faussement naïve, son cosmos est vaste, imprévisible, les images toujours improbables, mais Orval Carlos Sibelius réussit à éviter de nous perdre complètement en raccrochant chaque fois ses saynètes à des détails de notre quotidien, en leur conférant la dose parfaite d’humour et de mélancolie qui les rendent imparables.

Les dix titres s’enchaînent ainsi rapidement, surtout que le musicien va à l’essentiel. Pas de démonstration outrancière de son talent, pas de remplissage, de bridge, d’intro, de solo, le message est toujours bref (rarement plus de 3’30) et direct, ce qui n’empêche aucunement de remarquer sa maîtrise des compositions et des machines. Les mélodies sont inoubliables, subtiles et audacieuses, et génialement soulignées par toute une gamme d’encorbellements synthétiques.

Les Territoires de l’Inquiétude où nous promène Orval Carlos Sibelius ne devraient effaroucher que ceux dont l’esprit ne peut se départir des standards et de la conformité. Pour les autres, l’esprit n’a pas fini de vagabonder, jusqu’à l’ultime Mont Glorieux des Possibilités.