
14 Oct 22 Lost In Kiev – ‘Rupture’
Album / Pelagic / 21.10.2022
Post rock synthwave
Avec un nouveau disque tous les trois ans, Lost in Kiev semble avoir trouvé sa vitesse de croisière, et on ne peut qu’être impressionné par le chemin parcouru au fil des années : à l’instar de ses compatriotes de Birds in Row, Regarde les Hommes Tomber ou encore Celeste, le quatuor est progressivement parvenu à imprimer son nom dans nombre de têtes au-delà des frontières hexagonales. Certes, ses signatures successives sur Dunk!records puis Pelagic ont certainement un peu fait effet de catalyseurs, mais le groupe a surtout su développer son propre style et convaincre de l’intensité de ses prestations live – d’autant plus chère au public post-rock – à travers l‘Europe.
Comme à son habitude, Lost In Kiev nous revient avec un album-concept : après les thématiques du voyage (Motions), de la nuit et des rêves (Nuit Noire) et de l’intelligence artificielle (Persona), Rupture traite des changements brutaux qui peuvent advenir, que ce soit au niveau des sociétés humaines, de la biodiversité ou du climat. La crise écologique – celle-là même que beaucoup croyaient surtout réservée aux ‘générations futures’, mais dont la sévérité commence dès à présent à se manifester – apparaît d’ailleurs explicitement : le titre Solastalgia (relatif au sentiment d’éco-anxiété ou, pour être tout à fait exact, d’éco-réalisme) côtoie Dichotomy (celle entre l’Homme et la nature) et l’enchaînement Another End is Possible / But You Don’t Care.
Prison of Mind, l’un des deux seuls titres chantés, semble en partie pointer du doigt les marchands de doute – plus communément appelés ‘lobbyistes industriels’ – qui n’ont eu de cesse depuis une bonne quarantaine d’années de freiner des quatre fers l’action de la communauté internationale vis-à-vis du changement climatique (‘They tear us apart to hide their lies’ / ‘find a reason why we shouldn’t fight, before they figure out how to fade away’). Pour autant, vu le côté plutôt énigmatique du texte, impossible de savoir si cette interprétation vise dans le mille… Ce dont on est sûr en revanche, c’est que son auteur, Loïc Rossetti (The Ocean), pousse ici certaines facettes assez méconnues de sa palette vocale et parvient à intensifier encore un peu plus l’ensemble. Le reste de l’album est entièrement instrumental : exit, donc, les samples de voix façon Microfilm ou Godspeed You! Black Emperor des précédents opus.
Niveau son, le groupe persiste et signe : les synthés – l’influence de Vangelis, revendiquée par les quatre – sont plus que jamais présents et la basse toujours autant mise en avant, celle-ci n’hésitant d’ailleurs pas à poser ses propres riffs ici et là. La symbiose entre post-rock, post-metal et synthwave est ici parfaitement réussie, et le quatuor semble, par ailleurs, prendre un malin plaisir à vouloir brouiller les cartes entre les différentes ambiances pour mieux nous surprendre. Ainsi, sur We Are, la montée progressive convoque le LP Lux d’Ez3kiel, jusqu’à ce qu’un riff pesant façon Cult of Luna ne vienne enfoncer le clou en bout de course, si bien que l’on croirait presque entendre au loin les hurlements de Johannes Persson. Et, alors que Digital Flesh nous embarque dans une mélodie mélancolique à la This Will Destroy You chavirant ensuite vers un post-rock electro dansant à mi-chemin entre Maserati et Errors, le morceau final, Rupture, alterne arpèges classieux dignes de Mono et envolées stratosphériques de God is an Astronaut, avant de se dissiper sous forme de nappes vaporeuses rappelant M83. Passages sombres et plus lumineux se succèdent, cela pour probablement tenter de matérialiser les variations émotionnelles entre inquiétude et espoir que tout un chacun est amené à ressentir face aux changements environnementaux en cours, et à l’apathie générale actuelle de notre société moderne.
Rupture apparait comme le disque à la fois le plus varié, le plus équilibré et le plus audacieux des parisiens jusqu’alors, mais également le mieux produit : la patte d’Amaury Sauvé (Birds in Row, It It Anita, Bison Bisou) est passée par là, et l’enregistrement en mode live, propre à ce dernier, a certainement servi la dynamique des morceaux. Ceux-ci ne révèleront complètement leurs nombreuses qualités qu’après un certain nombre d’écoutes : une fois passé ce cap, bien malin celui qui parviendra à en décrocher.
A ECOUTER EN PRIORITE
We Are, Solastalgia, Digital Flesh, Prison of Mind, But You Don’t Care
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