Cosse – ‘It Turns Pale’

Album / NMAS – A Tant Rêver du Roi / 10.02.2023
Post rock noise

‘La valeur n’attend pas le nombre des années’ serait-on tenté de dire à propos de Cosse. Car après un premier EP qui avait surpris son monde en 2020, tant par sa fraîcheur que par son intensité, cette jeune pousse de la scène hexagonale nous revient à présent avec son premier long format, It Turns Pale, venant corroborer tout le bien que l’on avait initialement pensé d’elle.

Parmi les toutes premières compositions du groupe – figurant initialement sur sa maquette Made in China (2016) puis ré-enregistrée ici en session live – Crazy Horse ouvre les hostilités avec ses montées en tension résolument addictives, tant au niveau des lignes de guitare que du chant : June of 44 ou Shipping News ne sont ainsi jamais bien loin… Tantôt doux, tantôt possédé voire écorché, mais toujours fragile et touchant, le chant s’affirme d’ailleurs comme l’une des marques de fabrique de Cosse. Lola Frichet (Pogo Car Crash Control) – qui tenait la basse jusqu’ici, son départ ayant été annoncé tout récemment – vient poser par endroits ses chœurs envoûtants, et ainsi amener une subtile dose de légèreté, même de rêverie, à la musique des Parisiens (la fin du morceau It Turns Pale évoquant, par exemple, Grizzly Bear). A l’inverse, le très Sonic Youth Tangerine nous propose un échange de voix schizophrène débouchant sur un cri plaintif et désespéré (‘There… is… no… way… out!‘).

Tout le long du disque, à travers ses larsens maîtrisés et ses mélodies et harmoniques dissonants, nos quatre musiciens affirment ici le noise rock et le post-rock comme principaux socles de leur son. Pour autant, ils ne se privent pas d’aller taquiner d’autres univers parallèles, qu’il s’agisse de pointes de psychédélisme à la manière d’In Limbo ou Go To Sleep de Radiohead (Braindow), de slowcore/shoegaze de Slowdive (Slow Divers, forcément…), de math-rock (le final de Sinner God) ou encore de post-punk (Mind Facilities). Mais ces quelques digressions stylistiques du meilleur goût n’entament en rien la cohérence de l’album. Mieux, elles amènent encore un peu plus de contraste et de singularité à l’ensemble.

De l’écoute de ces dix titres, on ressort avec le sentiment d’avoir affaire à un savant dosage entre simplicité et efficacité d’un côté, et minutie (voire complexité) de l’autre : probablement le meilleur d’une certaine urgence punk alliée à des années de conservatoire pour certains des membres du combo, le tout parfaitement exécuté, avec une profondeur de son ensorcelante (cette reverb omniprésente…). Cosse vient donc de nous offrir un nouvel opus tout bonnement enivrant et déconcertant, très certainement le fruit d’une intense réflexion et collaboration, et bien parti pour figurer tout en haut de la pile des disques qui marqueront 2023. Le moindre doute n’est plus de mise : il faudra dorénavant compter avec ce quatuor qui a encore probablement suffisamment d’idées en stock pour nous maintenir durablement en captivité.

A ECOUTER EN PRIORITE
Evening, Sinner God, Easy Things, Braindow, Mind Facilities, It Turns Pale

Photos : Non2Non