Bermud – ‘Oceans On The Moon’

Bermud – ‘Oceans On The Moon’

Album / We Are Not Alone / 07.02.2025
Indie grunge shoegaze

Dès les premières notes d’Oceans On The Moon, le deuxième album de Bermud, ressurgissent les impressions qui rendaient si touchant Chetter Hummin, l’oeuvre inaugurale du groupe angevin. Cette tension que l’on croyait déceler entre les désirs si vifs de l’adolescence et les devoirs de l’âge adulte est toujours présente, et nous ramène à nouveau à nos propres oscillations intérieures, à cette tendance que nous avons à vouloir rester fidèle à ce que nous avons été tout en ressentant l’obligation de se changer soi-même pour se créer un avenir. Dès Lullaby, le premier morceau, l’atermoiement est évident. Les guitares nous précipitent dans les années 90, du côté de Sonic Youth ou Dinosaur Jr, mais la voix, tentée par un repli sur soi désabusé, trouve, au moment même où elle semble devoir flancher, la force d’ouvrir les yeux sur le monde pour en épouser les contours sinueux.

Si cela suffit pour établir une continuité entre ce nouvel album et le précédent, on se plaît à découvrir tout ce qui a changé dans l’expression d’Elliot Aschard, le fondateur, compositeur et producteur de Bermud. On pourrait parler ici d’évolution, mais métamorphose serait finalement un terme plus approprié, à condition toutefois de considérer le processus de transformation comme inachevé. C’est que tout est plus affirmé et cohérent sur ce nouveau disque, ce qui amène à croire que la personne qui s’y révèle n’est plus tout à fait la même que par le passé. Si Chetter Hummin laissait transparaître l’hétérogénéité de ses influences, et montrait dans le développement de ses morceaux des points de bascule entre un shoegaze vaporeux et un grunge forcément plus dense, Oceans On The Moon crée un environnement sonore plus homogène, faisant fusionner ses inspirations avec plus d’habileté et, du même coup, se montre plus déterminé dans l’affirmation de son identité propre. Les mélodies, qui étaient déjà le point fort de Bermud, trouvent ici un écrin à leur mesure, permettant d’apprécier leur délicate mélancolie ainsi que la manière dont elle se font parfois bousculer, mais de façon moins abrupte qu’auparavant, par un traitement plus agressif des guitares.

On retrouve des moments de rêverie tirant légèrement du côté de la dreampop, comme avec les très réussis 6 Miles, Fallen Moon ou Ignorance, mais ces morceaux, structurés avec davantage de rigueur et rappelant quelque peu Fontaines DC, dessinent avec précision leur monde onirique, comme s’il s’agissait de ne pas se laisser porter par leurs élans imprévisibles et indolents mais au contraire d’en prendre possession avec énergie pour finalement les transposer dans le réel. Un autre changement notable dans la démarche d’Elliot Aschard vient des titres plus enlevés, qui possèdent une rugosité et un tranchant qui les démarquent des tendances grunge du passé – trop lourdes, trop adolescentes finalement – pour frayer davantage soit du côté d’un rock plus sombre et plus noise à la BRMC ou The Jesus And Mary Chain sur l’excellent Striken God, lequel voit sa frontalité massive et incisive décuplée par les intonations étonnamment grave de la voix, soit de la power pop à la Weezer sur, notamment, Anyway. On peut certes percevoir un peu plus de monotonie dans l’enchaînement des trois derniers morceaux, mais sans que cela fasse un instant oublier l’émouvante sincérité qui se dégage de l’ensemble.

Ce deuxième album de Bermud s’offre finalement comme une bande-son de l’entre-deux, de cet instant charnière où l’on regarde en arrière sans vouloir se laisser happer par la nostalgie, tout en scrutant l’horizon avec un désir de renouveau. Oceans On The Moon est ainsi comme un rêve qui se déploie, mais un rêve cette fois-ci lucide qui, s’il n’a pas encore pour objectif de changer le monde, aura au moins pour lui de vouloir commencer à le défier.

Photos : Ameline Vildaer

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A ECOUTER EN PRIORITE
Lullaby, 6 Miles, Striken God, Fallen Moon


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