
19 Mar 21 Tomaga – ‘Intimate Immensity’
Album / Hands in the Dark / 26.03.2021
Krautrock 3.0
Difficile de considérer ce nouvel album de Tomaga au même titre que ses prédécesseurs, tant l’émotion qui l’entoure vient tout bouleverser. Comment juger la performance en sachant que Tom Relleen a tout fait pour l’achever avant de lâcher prise en août dernier face au cancer de l’estomac qui le rongeait depuis seulement six mois, laissant seule Valentina Magaletti récolter les lauriers d’un travail en duo des plus inspirés. En dix titres libres, demandant – comme beaucoup d’autres de leur discographie – quelques écoutes avant d’être apprivoisés, Intimate Immensity offre un ultime instantané de la richesse musicale et de l’ouverture d’esprit des deux acolytes, du champs d’action laissé à leurs expérimentations sans pour autant qu’elles virent à l’ésotérique.
Si, depuis ses débuts, la curiosité et la singularité se sont toujours faites ressentir à l’écoute de l’oeuvre de Tomaga, c’est plus que jamais cette main tendue qui frappe ici dès lors qu’on s’immerge dans ce nouvel album à la chaleur toute analogique. Intimate Immensity offre ainsi un réel confort dans ses répétitions obsédantes (Idioma), même si le malaise n’est jamais très loin (British Wildlife), comme soufflé par la Grande Faucheuse en approche. On aurait d’ailleurs parfaitement compris que le groupe cède à la morosité d’un tel couperet tombé, qui plus est, dans le contexte pandémique que l’on connait. Mais, fort de sa classe, de son talent, et de son élégance, c’est le contraire qui s’est produit.
Sans forcément qu’elle s’accompagne d’une lumière aveuglante, c’est une beauté réelle et incroyablement légère qui irradie de chacun des sillons de ce disque (More Flowers), et qu’on respire à plein poumons tant elle ouvre l’horizon (Mompfie Has to Pay). Entouré de quelques invités contribuant pleinement à la diversité comme à la profondeur inédite de son oeuvre, Tomaga multiplie les coups de génie inattendus : en rendant hypnotiques des sonorités qui fleurent bon le sable chaud du Sahara, en invitant la voix de Cathy Lucas (Vanishing Twin) sur un Very Never délicieusement papillonnant, ou en ramenant tout le monde sur Terre à la faveur de percussions martiales redoutables d’efficacité (The King of Naples). Et que dire de son art du contrepied quand il répond à une techno acoustique envoutante (British Wildlife) par la douceur du field recording (Reverie For Fragile Houseplants) ?
Durant tout leur parcours commun, Tom Relleen et Valentina Magaletti ont su comme personne user de leur sorcellerie de l’arrangement, bousculer les principes du rock pour mieux les marier à leurs essais électroniques. Parti trop tôt, à l’apogée de sa carrière, pas de doute que ce duo tragiquement coupé dans son élan ne manquera pas de révéler toute son importance au fil des années à venir. En attendant, poussé par ce morceau titre clôturant une discographie exemplaire sur un trip hop intemporel, Tomaga peut partir en paix.
A ECOUTER EN PRIORITE
Mompfie Has to Pay, Very Never (My Mind Extends), The King of Naples, Intimate Immensity
No Comments