08 Mai 22 Arcade Fire – ‘We’
Album / Columbia / 06.05.2022
Pop
Cinq ans sont passés depuis qu’Arcade Fire a mis pour la première fois un coup au flan de sa discographie avec Everything Now qui, derrière quelques singles trompeurs, n’est jamais parvenu à masquer son manque d’inspiration. Depuis, le monde a changé, chacun est passé par une inévitable remise en question, et le couple Win Butler – Régine Chassagne ne fait pas exception. Seuls aux commandes de ce nouvel album par la force des choses, tous les musiciens ayant été poussés à retourner chez eux avant d’entrer en studio alors que le pays se paralysait, les deux figures charismatiques du groupe ont tranché quant au message qu’ils ont voulu passer avec We, leur album le plus court et cohésif à ce jour : dénoncer les comportements trop individualistes et anxiogènes qui font la matière de la première moitié du disque, pour mieux défendre la notion de solidarité, de collectif et d’espoir sur la seconde.
Si la démarche est louable, elle ne fait pas forcément un bon album. Sauf qu’Arcade Fire fait preuve ici de tant d’honnêteté, met tant de coeur à son oeuvre qu’il en résulte un sixième opus venant non seulement gommer le seul faux-pas en date, mais aussi rivaliser avec les plus belles lignes de sa carrière. C’est donc en parvenant à faire de chaque chanson un tube et la promesse d’un grand moment live que le combo traine d’abord ses revendications sur des chemins disco rappelant Reflektor (le dyptique Age of Anxiety), puis pop en empruntant la sensibilité dont ont pu faire preuve les Beatles ou David Bowie par le passé. Sur la paire End of the Empire pointant le déclin de l’Amérique, Win Butler semble ainsi se mettre à nu en jouant la carte d’une touchante simplicité.
Puis on retourne le disque et le ton change. Plus joyeux, plus lumineux mais en totale cohérence avec ce qui les a précédés, The Lightning I-II soufflent l’importance du vivre ensemble. A la manière de ses premiers albums, Arcade Fire se montre plus fédérateur que jamais et, grands refrains à l’appui (Unconditional I (Lookout Kid)), sonne l’heure d’une grande messe qui fera à n’en pas douter renaitre les sourires sur les visages d’un public trop longtemps privé de ce genre de plaisir simple. Car si la volonté du groupe de remettre chacun sur de bons rails est aussi louable qu’utopique, il reste cette facilité insolente qu’il a à écrire des chansons dont il est très difficile de se détacher après écoute. Certains contradicteurs – dont une partie s’est pourtant appliquée à faire d’Arcade Fire le groupe incontournable qu’il est aujourd’hui – expliqueront certainement cela en lui reprochant le côté parfois trop édulcoré de sa musique.
Pourtant, des mélodies immédiates dont Butler et Chassagne ont le secret, jusqu’à leur authenticité qui transpire de tous les sillons de cet album, en passant par la formule retrouvée des premiers disques, tout ici semble avoir été pensé pour rassembler un public qui s’est parfois égaré en route. Humble bien qu’ambitieux, intemporel de la première à la dernière de ses 40 minutes, We – parfaitement produit par Nigel Godrich venu à la rescousse pour mettre de l’ordre dans les idées du duo – renoue avec un Arcade Fire réconcilié avec tous, mais aussi avec lui-même.
A ECOUTER EN PRIORITE
Age of Anxiety II (Rabbit Hole) End of the Empire I-III, The Lightning II, Unconditional I (Lookout Kid)
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