Aquaserge – ‘The Possibility of a New Work’

Aquaserge – ‘The Possibility of a New Work’

Album / Crammed Discs / 15.10.2021
Avant rock

Le nouvel album du groupe français le plus inventif de ces dernières années relève du grand écart périlleux entre disciplines musicales que tout semble a priori opposer : comment réconcilier la spontanéité et l’énergie d’une musique rock au sens le plus large avec l’approche écrite souvent abstraite de la musique contemporaine ?

Pour Aquaserge, la question est vite répondue. Avec le même esprit facétieux et intrépide qui caractérise leurs précédents disques, le quintet devenu nonet pour l’occasion relève un défi artistique des plus ambitieux en s’attaquant à une relecture des œuvres de quatre compositeurs avant-gardistes plus ou moins connus du XXème siècle (Edgar Varèse, Morton Feldman, Gyorgy Ligeti et Giacinto Scelsi).

On devine évidemment, connaissant les énergumènes, qu’il ne s’agit pas ici d’un hommage académique et ampoulé, mais bien d’une occasion pour le groupe d’arpenter de nouveaux terrains de jeu en s’appropriant avec une joie non dissimulée les inventions sonores et musicales de ces grandes figures contemporaines. Entre jams atonales aux accents psychédéliques structurées à la manière des partitions graphiques de Feldman, ruptures de tons brutales et explorations micro-tonales et timbrales inspirées de Scelsi formant autant de drones angoissants, Aquaserge réussit ici l’exploit d’extraire toute la sève émancipatrice d’une musique parfois austère en y insufflant une énergie toute contagieuse.

Le groupe parvient même à glisser au passage quelques chansons, dont le fascinant titre d’introduction (Un grand sommeil noir, œuvre de jeunesse d’Edgar Varèse adaptée d’un poème de Rimbaud) porté par le timbre nonchalant de Julien Gasc en contrepoint de la voix magnétique d’Audrey Ginestet, dont on a du mal à comprendre qu’elle n’ait pas été mise en lumière plus tôt (hormis sur l’excellent single Si tu t’en vas). Cette configuration en miroir se retrouve encore sur les deux versions alternatives d’Only, vignettes offrant quelques moments de légèreté appréciables au cours d’un trajet majoritairement traversé de dissonances. On se risquerait presque à qualifier de pop ces quelques instants contrastant de manière saisissante avec les expérimentations sonores virant à l’abstraction pure (Nuit Terrestre (à Gyorgy Ligeti) et ses battements hypnotiques).

En digne héritier des innovateurs de la scène de Canterbury, Aquaserge parvient à nouveau à faire cohabiter avec une facilité et un naturel déconcertant musiques populaires et musiques savantes en refusant radicalement toute forme de hiérarchie entre ces différentes disciplines musicales. Mais The Possibility of A New Work ne ressemble en définitive à rien d’autre qu’à un album d’Aquaserge, parcouru de ces fulgurances poétiques et digressions psychédéliques dont ils ont le secret.

VIDEO
ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE
Un grand sommeil noir, Comme des carrés de Feldman, 1768° C (à Edgar Varèse)


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