
24 Mar 19 Apparat – ‘LP5’
Album / Mute / 22.03.2019
Electro pop
L’aventure Moderat qu’Apparat a brillamment mené avec ses potes de Modeselektor ayant pris un peu de recul, chacun est retourné à ses petites affaires, avec plus ou moins de succès disons-le d’emblée. Car si Gernot Bronsert et Sebastian Szary ont manifestement perdu la main durant ces quelques années de collaboration à en croire l’insignifiant Who Else récemment sorti, Sascha Ring – lui – prouve avec ce LP5 qu’il n’a rien laissé en chemin de son inspiration débordante comme de son infini talent. A tel point qu’il laisse aujourd’hui mesurer toute son influence sur un trio mis depuis dix ans sur le piédestal de la musique électronique.
Le conceptuel Krieg Und Frieden (2013) mis à part, voilà huit ans qu’on n’avait donc plus entendu Apparat seul aux commandes. Le temps s’est fait long et le manque grandissant de réentendre le berlinois qui, ici comme sur ses précédents albums, renouvelle sa confiance envers le violoncelliste Philipp Thimm pour renouer avec sa beauté et sa délicatesse de toujours (Caronte). Celles qui l’amènent à se montrer perfectionniste jusque dans les moindres détails de ce nouveau disque intime et quelque peu introverti, volontairement plus exigeant que les hymnes pop signés chez Moderat dont on entend pourtant quelques réminiscences post dubstep (Heroist).
Ici donc, crépitements, fissures, et autres arrangements délicats dominent les mélodies faciles. Jamais en revanche ils n’estompent la douce mélancolie qu’on est toujours venu chercher chez Apparat, renforcée par des ambiances souvent cinématographiques, et surtout par un chant envoûtant (Laminar Flow, Outlier) qui, lové dans de magnifiques ballades pop, n’est pas sans adresser quelques clins d’oeil à Radiohead dont l’ombre flotte toujours plus ou moins sur chacun des albums de Sascha Ring (Dawan, Heroist, Brandenburg, Caronte).
Mais c’est le cap franchi par Apparat en termes de production qui magnifie définitivement ce cinquième album incarné par une poignée de titres ou tout est réuni pour souligner sa franche réussite. Dans les arrangements notamment, qui donnent eux à seuls ici toute la mesure du travail abattu par le berlinois : ces cuivres et instruments à cordes enregistrés au cours de sessions d’improvisation en groupe avant d’être réduits à de délicats et discrets accompagnements millimétrés (méthode héritée de Kried Und Frieden, ndlr), ces parties rythmiques auxquelles John Stanier (batteur de Battles) a contribué pour qu’électronique et acoustique nous envoient plus fort en orbite (Dawan au penchant drum’n’bass, In Gravitas).
Plus encore qu’à la sortie du magnifique The Devil’s Walk en 2011, Apparat rejoint définitivement l’élite de la musique électronique en signant un nouvel album qui ne s’écoute pas seulement, qui se vit aussi, et librement pour une fois puisque son auteur n’a pas souhaité le conceptualisé. Désormais au service des rêveurs plutôt que des danseurs, l’allemand matérialise ici toute l’ambition, l’invention et l’émotion qui caractérisent son identité musicale, sans jamais tomber dans la prétention et la démonstration : un autre point commun avec Thom Yorke qui est ni plus ni moins à la pop ce qu’Apparat est devenu à la musique électronique. Voilà qui en dit long.
A ECOUTER EN PRIORITE
Dawan, Heroist, Caronte, In Gravitas
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