ANOHNI & The Johnsons – ‘My Back Was a Bridge For You To Cross’

ANOHNI & The Johnsons – ‘My Back Was a Bridge For You To Cross’

Album / Secretly Canadian / 07.07.2023
Folk soul

La native du Sussex vient enfin soulager les attentes. Il y a quelques semaines, It Must Change, premier single annonciateur, n’avait pas manqué d’amplifier la curiosité des fans, avant que Sliver of Ice promette à son tour un nouvel opus flirtant avec les cimes. Aussi esthétiquement épuré qu’émotionnellement intense avec ses paroles travaillées par la culpabilité, l’extinction et le deuil (de Lou Reed en particulier), ce deuxième extrait transportait déjà l’auditeur, tel le kick de certaines drogues, de manière quasi instantanée dans un ailleurs aussi envoûtant et doux qu’existentiellement questionnant.

My Back Was A Bridge For You To Cross est littéralement habité d’esprits soul. Les vocalises d’ANOHNI en trémolos ou vibratos successifs virevoltent, le groove est présent et entrainant, tandis que le texte vient malicieusement gommer tout le potentiel feelgood, comme l’enthousiasme rythmique. En atteste le refrain de Can’t dont les paroles ‘I don’t like this place’ sont chantées avec un réel entrain. On peut danser mais soyons prévenus : ce sera sur des cendres, devenues ces dernières semaines le revêtement de surface dernier-cri pour les artistes hantés par les problématiques écologiques.

Depuis son précédent album, ANOHNI est de ceux-là. Le climat ayant entamé son chant du cygne depuis 2016, les perspectives décrites sur My Back Was A Bridge For You To Cross sont travaillées de l’intérieur par l’apocalypse promise. En témoigne Why Am I Alive Now? sur lequel la chanteuse compare, à l’heure des extinctions de masse, la vie à une forme de châtiment. Forte de cette capacité à incarner vocalement l’oppression et la souffrance sans jamais verser dans le pathos, ANOHNI a aussi, de manière plus singulière encore, ce don lyrique lui permettant d’exprimer avec une puissance incroyable ce que l’on trouverait excessif ou surjoué par d’autres. Ainsi, Scapegoat, titre phare de l’album traitant de transphobie, avance en montagne russes, par va et vient entre violence du fond et beauté de la forme. ‘I can punch you and take all of my hate into your body’, chante-t-elle en trémolos affectés, sur la corde, dans un climax dont la force n’a peut être eu d’égale que sur Caroline Says II de Lou Reed, justement.

On ne sort pas totalement indemne de telles intensités, ANOHNI nous invitant à la rejoindre dans ces périls qu’elle dépeint. Pris comme dans un tourbillon de couches vocales aux accents homérique de sirènes, on se laisse emporter voire envouter par There Wasn’t Enough provoquant des frissons incontrôlés le temps d’écouter la superbe conclusion You Be Free, et déjà d’appuyer sur replay pour déclencher de nouveau le kick. Lyrique, addictif, beau à tomber par terre.

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ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE
Sliver Of Ice, Scapegoat, Rest, There Wasn’t Enough, You Be Free


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