ANNA – ‘The Fun’

ANNA – ‘The Fun’

Album / Howlin Banana – Another Records – Les Disques du Paradis / 20.09.2024
Indie pop

Anna fait de l’étrangeté un art. Le groupe de Tours, mené depuis 2013 avec ses premiers enregistrements sur cassette par Martin Vidy, est passé maître dans la combinaison d’une séduction pop, simple et immédiate, avec une expérience de la désorientation et du pas de côté. Avec son nouvel album, The Fun, il atteint un niveau de qualité inespéré. Non pas que les précédents albums fussent médiocres, loin de là, mais ils renvoyaient à un monde caractérisé par une tendance au repli sur soi qui en fixait tout naturellement les qualités – nombreuses – comme les limites. Aujourd’hui, Anna ne s’est pas contenté d’ouvrir les fenêtres, il s’est carapaté au dehors et s’est magnifié au contact de tout ce qu’il y a trouvé. Ce qui étonne surtout ici, ce sont les changements d’échelle que pratiquent les chansons de The Fun. On y trouve une exploration assez fine de l’intime et des petits détails du quotidien, avec le cortège d’émotions ambiguës qui va avec, mais brusquement abandonnée au profit d’une contemplation de la sublime ampleur du monde extérieur. Tout se passe comme si, de l’intérieur même d’un bourgeon, on assistait en accéléré à son éclosion en fleur, surpris par sa beauté et par celle de l’environnement dans lequel on découvre celle-ci enracinée.

Dès Names, le titre ouvrant l’album, on peut voir ce qui va caractériser celui-ci jusqu’à son terme : une mélodie à tomber par terre, suivant de multiples directions sans jamais se casser la figure, soutenue par une prodigieuse rythmique, aussi complexe qu’efficace. Antoine Hefti à la batterie fait virevolter les chansons en tous sens avec une aisance fascinante tandis que la basse de Thomas Lion les fait ondoyer avec une souplesse grisante, mais sans jamais perdre de vue – ou plutôt d’oreille – le chant d’enfant égaré et émerveillé de Martin Vidy. C’est sensuel mais aussi, grâce aux claviers de Hugo Torre, aérien ; le mouvement de la chanson se sert des évolutions du corps pour s’élancer avec lui à la rencontre de ce qui l’entoure. Isolated enchaîne idéalement avec son refrain enchanteur, et Concrete impose avec force l’impression ressentie depuis le début de déambuler dans un jardin féerique, et de s’enthousiasmer de tout ce qu’on y rencontre. On repère bien des choses que l’on connaît déjà, mais en s’en approchant on se laisse surprendre par la spontanéité et l’infinie diversité de cette nature. Cinema, à sa manière, prolonge cette démarche, et qu’importe que le jardin dont nous parlions précédemment se métamorphose en salle obscure, lieu de la fiction la plus artificielle qui soit, pourvu que celle-ci nous apporte son lot de surprises. Quiet Loves offre une parenthèse méditative, avant d’aborder l’une des pièces maîtresses de l’album, le morceau éponyme, dont l’alternance entre les couplets, tranquilles et délicats, et le refrain généreux et ouvert, fait mouche. MOAM avec son clavier de fête foraine et Almost Fun, parachèvent le disque en laissant de côté les éclats pop pour déployer la complexité inquiète de leurs structures, et quand quelques touches de piano rêveuses et la voix se taisent progressivement, on sait qu’il va falloir retrouver à regret la réalité plus prosaïque du quotidien.

Le cinquième album d’Anna, est aussi celui qui en révèle tous les talents. Il y a là une approche ludique de la musique, que l’on sait liée à une formidable maîtrise technique ne cédant jamais à la démonstration et rendant ce disque aussi dansant que contemplatif. Comme si, au fond, les auteurs de The Fun avait réussi ce petit miracle de devenir momentanément comme une bande d’enfants s’amusant avec le savoir-faire d’adultes expérimentés.

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A ECOUTER EN PRIORITE
Names, Isolated, Cinema, The Fun


1 Commentaire
  • Zikaebo
    Posté à 09:23h, 24 septembre Répondre

    Un subtil son suave et pertinent , pas mal ! Merci pour la découverte

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