
14 Sep 21 Amyl & The Sniffers – ‘Comfort to Me’
Album / Rough Trade / 10.09.2021
Punk rock
Suite aux éclatants featurings d’Amy Taylor avec des pointures telles que Sleaford Mods, Viagra Boys ou encore Tropical Fuck Storm, on était impatients d’avoir des nouvelles fraiches d’Amyl And The Sniffers. Amy Taylor, c’est d’abord une voix reconnaissable entre mille, à la fois claire, scandée, braillarde et infatigable – une voix de forte tête, ce qui n’empêche pas de déceler un soupçon de vulnérabilité et d’innocence fleur bleue sous la carapace parfois. Quant au personnage de la jeune australienne, il pourrait être vu comme le chainon manquant entre Kathleen Hannah et Iggy Pop, avec en bonus le coffre de Poly Styrene des X-Ray Spex et la gouaille de Dave Vanian des Damned. Un tableau idéal, où finalement le seul hic est que la musique d’Amyl And The Sniffers n’était pas toujours à la hauteur de ce personnage haut en couleurs… Le premier album éponyme des melbourniens, d’abord taillé pour la scène, restait certes sympathique à bien des égards. Mais si ces derniers ont toujours assumé avec une humilité rafraichissante leurs débuts amateurs, ainsi que leurs productions balancées à la va-comme-je-te-pousse (dans le mosh pit), on était peut-être en droit d’attendre un peu mieux vu le potentiel et le charisme de leur attachante leader.
Comfort To Me répond-il à ces attentes ? En partie, oui. Le son s’est affirmé, que ce soit aux guitares ou à la batterie, grâce à un temps de maturation plus long pendant les périodes de confinement et l’expertise du mix livré par Nick Launay. Le travail du producteur d’IDLES, Nick Cave et Anna Calvi permet ainsi à Dec Martens de faire sonner au mieux sa six-cordes, qui alterne sans efforts hooks secs et anguleux boostés à la fuzz ou à l’octaver (voir les intros de Hertz, Don’t Fence Me In ou Choices, quasi post-punk) et courts soli baveux bien rock’n’roll, voire hard rock (Security, Freaks To The Front). Et avec un tel décor derrière elle, Taylor est toute à son aise pour poser des phrasés parfois très originaux, probablement inspirés par sa passion annexe pour le rap. L’hymne d’ouverture Guided By Angels, véritable manifeste sur la passion et l’énergie qui guide Amy dans ses moindres actes, est le meilleur exemple de cette alchimie simple et directe explorée d’un bout à l’autre de ce second album, quelque part entre punk à la Wipers, garage, rare touche binaire early hardcore, et tradition pub rock australienne. Il est toutefois dommage de constater qu’une partie des compositions n’est pas au niveau des réussites cités plus haut. Maggot, Capital ou Laughing s’éparpillent ainsi sur des passages quelque peu dispensables. Don’t Need A Cum (Like You To Love Me) est un court épisode psychobilly qui frôle la parodie et laisse perplexe. Et finalement, mis à part sur quelques titres plus recherchés mélodiquement parlant—tel No More Tears—certains auditeurs risqueront de ressentir une forme de lassitude face à un ensemble qui reste relativement linéaire, en dépit de l’efficacité générale qui se déploie ici.
Amy Taylor, Dec Martens, Bryce Wilson et Gus Romer revendiquent un style sans prétention, on le sait. On pardonnera donc aisément ces quelques défauts. Mais cette bienveillance est surtout possible parce que Taylor arrive le plus souvent à transcender la grammaire basique de ses musiciens en un propos qui ne ressemble qu’à elle. Parfois revendicatives, sur les droits des femmes (Don’t Fence Me In, Choices) ou sur la politique en Australie (Capital), les paroles de Comfort To Me ont souvent aussi le mérite d’éviter les clichés prêchi-prêcha autour de ces thématiques, grâce à une spontanéité et un pragmatisme sans prise de tête qui sont tout à l’honneur du quatuor. En atteste par exemple le plus lent Knifey, complainte grunge assez poignante où Amy voudrait pouvoir admirer les étoiles dans un parc sans devoir se protéger d’éventuels agresseurs avec un couteau. ‘I ain’t that tough’, confesse-t-elle, et venant de sa part, on sait que ce n’est pas du misérabilisme, juste un constat lucide sur elle-même et le monde qui l’entoure. De même, le retors et menaçant Snakes est un retour très personnel sur l’enfance de la chanteuse, prenant pour point de départ les serpents qui pullulaient autour de la bicoque où elle a grandi pour filer une métaphore sur les différentes mues qu’elle a traversées depuis. Ce genre de mue, on espère vivement qu’il est aussi en cours musicalement parlant pour les quatre australiens. Parce qu’à l’écoute de certaines des réussites de Comfort To Me, on se dit que le venin qui pourrait un jour sortir de ces mâchoires-là a moyen de devenir encore plus fatal que la morsure laissée par ce disque. Et ce jour-là, bien malin sera celui qui pourra se permettre de faire sa langue de vipère à propos d’Amy et de ses petits camarades.
A ECOUTER EN PRIORITE
Guided By Angels, Security, Hertz, No More Tears, Don’t Fence Me In, Knifey, Snakes
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