05 Mar 07 Amon Tobin – « Foley Room »
[Album]
05/03/2007
(Ninja Tune/Pias)
Oui, dans le fond, la musique d’Amon Tobin est finalement assez prévisible, preuve en est cette touche personnelle reconnaissable qui plane au-dessus de tout ce dont ce Canadien, Brésilien d’origine, accouche musicalement. Mais, il est aussi un des rares producteurs actuels de la musique électronique à susciter l’impatience, la curiosité, et l’excitation dés qu’un nouvel album est sur le point d’arriver. Cette approche personnelle de la musique quelque peu atypique aura au moins permis à ses quelques disques de ne pas vraiment prendre de rides au fur et à mesure que les années passent. Surtout depuis le sublime « Supermodified ». Depuis, Amon Tobin ne cesse de creuser, se remet en question pour avancer, se laisse séduire par des projets originaux comme le dernier « Chaos Theory« , bande originale du jeu vidéo « Splinter Cell » auquel il ne pouvait que facilement s’intégrer. Pour cela, il a parcouru un nombre incalculable de disquaires, toujours à la recherche de galettes qu’il allait décortiquer afin d’en extraire de nombreux extraits qu’il reconstruisait ensuite. À sa façon toujours
Comme si cet exercice était devenu trop simple, trop routinier, Tobin a cette fois décidé d’opter pour une nouvelle démarche de composition. « Foley Room » (salle de bruitage), le titre de ce nouvel opus, dit finalement tout. Pourquoi se faire servir sur un plateau quand on peut soi-même aller chercher sa matière première, le choix et l’originalité en prime? Cette question, Amon Tobin se l’est forcément posé, et n’a pas réfléchi longtemps pour trouver la réponse. S’inspirant du travail des bruiteurs, il est parti parcourir l’Amérique du Nord, muni de micros à bande, pour aller capturer des sons aussi banals qu’originaux: ustensiles de cuisine, moteur de moto, le voisin chantant sous la douche, des hurlements de tigre, le festin d’un chat de gouttière ou des fourmis mangeant de l’herbe, pour n’en citer que quelques-uns. Et il faudrait ne pas connaître Amon Tobin, et sa science extrême du détail, pour penser qu’il reproduirait et utiliserait toute cette matière sans la passer à la moulinette, l’affubler d’effets impensables, la déformer, et la manipuler jusqu’à la brouille totale des pistes. Amusez vous par exemple à reconnaître ces sonorités, et vous vous rendrez vite compte que la partie n’est pas gagnée d’avance
Ce petit génie s’est donc attelé à une expérience à s’arracher les cheveux, a aussi fait appel à des musiciens du Kronos Quartet pour enrichir cette immense banque de sons, pour ensuite triturer le tout et en ressortir la musique sombre, cinématographique, et angoissante qu’on lui connaît, presque concrète cette fois, sans pourtant transformer ce « Foley Room » en une oeuvre pointue et difficilement digeste. Mais attention, Amon reste Tobin et ne tombe jamais dans la facilité. Son approche de composition quelque peu tordue est seulement cette fois adoucie par des beats accessibles (« Esthers », « Keep Your Distance », « Big Furry Head », le très rock « Always ») et des mélodies plus évidentes (« Ever Falling », « Bloodstone », sorte de valse légère et tragique, les cordes funéraires de « The Killer’s Vanilla », la harpe de « Horsefish », les nappes de « At The End Of The Day »), tout de même contrebalancés par quelques titres plus expérimentaux (« Kitchen Sink », « Foley Room »)
On le dit à chaque nouvel album de ce sorcier de Ninja Tune: Amon Tobin sort là son meilleur album. Plus qu’une facilité journalistique, il faut plutôt y voir, à raison, sa capacité à se renouveler, à continuellement avancer. Le Brésilien nous offre là l’occasion de goûter à une expérience nouvelle, d’entendre une véritable symphonie des temps modernes dont il est le chef d’orchestre incontestable. Jetez notamment un oeil sur le DVD d’une vingtaine de minutes qui accompagne ce disque, pour vous faire une idée du travail effectué, et vous rendre compte de la richesse incroyable de ce « Foley Room », photographie du monde qui nous entoure. Bluffant
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