Amon Tobin – ‘Fear in a Handful of Dust’

Album / Nomark / 26.04.2019
Glitch jazz

Étrange carrière que celle que s’est construit Amon Tobin. Arrivé tel un prophète en plein changement post-moderne de la fin du siècle dernier, le compositeur anglais né au Brésil – qui se dit mauvais musicien et refuse le titre de DJ – revient après huit années d’absence avec un nouvel ovni inclassable, fait de collages et bricolages d’une complexité décoiffante. Album nocturne, souvent anxiogène, rarement mélodique, on est face à du jazz-glitch déconstruit bien que particulièrement soigné.

L’album démarre d’une façon familière avec des cordes structurées sous forme de percussions rythmant une mélodie de plus en plus enivrante (On a Hilltop Sat the Moon). Et il faudra passer par un désert fait de deux morceaux déconstruits avant de goûter à Pale Forms Run By, courte oasis mélodique annonçant des échauffourées avec d’autres expérimentations casse-têtes. Les rythmes déconstruits de Three Different Hat Sizes, suivis des montées de voix encastrées dans des nappes ambiantes, rappelleront l’excellent travail de Cristobal Tapia de Veer sur la bande originale de série anglaise UTOPIA, bien que Tobin semble à tout prix éviter l’ancrage émotionnel pourtant nécessaire à l’affect.

Et ce n’est que lors d’écoutes répétées, alors que l’auditeur cherchera désespérément des moments harmonieux, qu’il se rendra compte que le titre de l’album annonçait en réalité la couleur d’entrée de jeu : Fear in a Handful of Dust, de la peur dans une poignée de poussières. Car c’est bien de cela dont il s’agit. Amon Tobin construit des monuments auditifs qui retombent tels des charpentes en mal de clous ; des vents contraires qui emportent avec une extraordinaire brusquerie ses sons créés maison à l’aide de divers instruments (flute, instruments à corde, générateurs électroniques – le tout modifié à souhaits).

L’album se termine sur l’un des uniques morceaux planants de l’album, Dark as Dog. Et l’on est bien en mal de mots pour décrire cette étrange musique, à la fois remarquablement originale et tout autant déconcertante. Un paysage textural riche, dont on se demande quelle forme il prendra en live.