Alex G – ‘God Saves The Animals’

Alex G – ‘God Saves The Animals’

Album / Domino / 23.09.22
Folk 3.0

Alex G n’a pas trente ans et sort déjà son neuvième album.  Acclamé à domicile depuis quelques années, le natif de Pennsylvanie a un succès plus confidentiel de notre côté de l’Atlantique. Les américains ont peut-être un don pour identifier les ovnis et les reconnaitre à leur juste valeur.

Le parcours d’Alex Giannascoli est celui d’un type guidé par le plaisir de l’expérimentation, de la production, et du songwriting depuis ses 11 ans, âge ou il bidouillait déjà sur sa guitare et le Mac de ses parents, avec ce que cela offre comme double possibilité : celles de la composition et de la production. Son premier album sort lorsqu’il a 17 ans, totalement D.I.Y., une marque de fabrique qu’il conservera des années durant. À vrai dire, God Save The Animals est même son premier opus enregistré avec l’aide de professionnels, dans six studios différents. Le fait de confier le mixage à divers techniciens vient sceller la curiosité et les volontés exploratrices du jeune homme, et leur donner une ampleur nouvelle, même si ces caractéristiques étaient déjà palpables sur les disques précédents, en particulier sur son prédécesseur House Of Sugar.

Giannascoli vient donc d’une folk DIY qui aime jouer avec les expérimentations d’arrière- plan, et s’il aime citer Elliott Smith en influence majeure, ses premières productions nous auraient davantage conduites à Sentridoh ou aux premiers albums de chambre de Smog. Par le sens particulier du jeu sonore de chaque titre, l’américain prend des distances avec ses qualités intrinsèques de songwriter dans la manière de les présenter. Un recul ludique qui flirte avec une forme d’autodérision de production, et qui le différencie en cela du chanteur de Between The Bars ou de ses émules, comme Andy Shauf pour ne citer que lui.

Le transition technique ou le transfert de compositions très marquées par le do it yourself et enregistrées à la maison, à un studio d’enregistrement pro est souvent une épreuve du feu, l’artiste perdant en intensité émotive et en signes distinctifs ce qu’il gagnera en qualité acoustique. Et l’idée de confier ses titres à plusieurs techniciens en tirant le meilleur d’eux-mêmes constituera à n’en pas douter un tournant dans la carrière d’Alex G.

Tout semble être un possible terrain de jeu dans God Save The Animals. Tout est questionné, abordé par la tangente. Alex G n’affectionne rien autant que le dérapage contrôlé. Dès After All, on ne sait s’il a pitché sa voix ou s’il a confié le lead à Molly Germer, avant d’opter en fin de titre pour cette option. Runner transpire l’Amérique, et assure une belle place à l’intéressé sur le podium des songwriters les plus doués du moment. Le narrateur du titre semble être un chien qui a fait plein de bêtises, une trame suivie à plusieurs reprises : ainsi, sur Mission, on peut entendre le chanteur se vanter d’avoir été sage et de ne pas être allé à la cuisine… À musique d’ovni, paroles hors-sol. Ces traits extra-terrestres créent des passerelles d’analogies avec Big Thief, monument d’une folk toujours à la marge. Et force est de constater que la comparaison est aussi flatteuse que méritée. La voix est parfois mise à l’envers, parfois autotunée (Cross The Sea) donnant au morceau une prestance de RnB déglinguée ou d’hyperpop auto-dérisoire. En même temps, avec des paroles comme ‘I Have To Put The Cocaine In The Vaccine’ chanté sur un air d’easy listening, difficile de ne pas sourire.

Toutes ces distances, le socle ludique du tout, ainsi que les timbres différents apportés par autant d’ingé-sons auraient pu déboucher sur un ensemble indigeste ou surfait. Il n’en est rien. C’est même l’exact opposé qui se produit. Il y a une cohérence de l’ensemble, et la pureté de Miracles, sommet émotionnel de l’album, vient colorer de ses lueurs le reste de ce neuvième long format. L’autodérision elle-même se charge de force poétique, et l’amusement à la lecture des paroles se teinte d’une empathie réelle pour les animaux, comme l’illustre la pochette de sa soeur Rachel Giannascoli, également aux frontières du kitsch mais recélant bien plus de qualités qu’il n’y parait au premier regard. Il aura fallu du temps pour que la musique d’Alex G atteigne ce stade de maturation. Depuis 2010 et son premier album, cela nous fait un bon douze ans d’âge. Pour le whisky, c’est un signe de qualité. Pour la musique d’Alex G, tout autant. On parierait d’ailleurs aisément qu’elle compte bientôt parmi les meilleures de la cave.

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