Alabaster dePlume – ‘Gold’

Alabaster dePlume – ‘Gold’

Album / International Anthem / 01.04.2022
Jazz

Au sein de la bouillonnante scène londonienne navigue un véritable ovni. Musicien, tout autant que poète et arrangeur, Gus Fairbairn – aka Alabaster dePlume – déploie depuis une bonne décennie une musique quelque peu anachronique. Signé sur le passionnant label International Anthem, son nouvel album Gold ne fait pas offense au talent de son géniteur et nous convie à découvrir sa lecture du monde.

A Gente Acaba (Vento Em Rosa) donne parfaitement le ton et nous prépare à un voyage de plus d’une heure dans le monde féérique d’Alabaster. Comme posé sur un océan sans houle, le mancunien distille ses sons de saxophone sirupeux. Que ce soit les murmures des vocalistes ou une basse délicate (Don’t forget You’re Precious), il nous offre une parenthèse pour souffler dans un monde déchiré. Mais alors que vous vous apprêtiez à sombrer dans la phase plus profonde de votre sieste dominicale, le musicien vous en extirpe soudainement. Des rythmes plus énervés apparaissent sur Fucking Let Them, alors que des sons bizarroïdes animent The World is Mine, qu’on imaginerait sans mal dans un film de Kusturica ou de Jarmusch avec une voix évoquant Tom Waits.

Gold fait figure de petit astéroïde semblant s’être posé sur Terre par erreur. Découvrant l’ampleur de la dévastation, l’humain appréhende ce nouveau monde avec douceur, s’en empreignant, l’apprivoisant… lentement. Loin des envolées énervées et tout aussi irrésistibles de ses voisins londoniens ou américains, Alabaster dePlume s’apparente à un baladin virevoltant, effleurant le sublime plutôt que le martyrisant, apôtre d’une poésie délicate (I’m gonna say seven). Des murmures féminins ou touches de piano parfument cet album d’une odeur printanière faisant suite à un hiver délétère. Même les éclats de voix de Falle Nioke (Again) demeurent tamisés.  Des passages plus obscurs mais sublimes comme sur le sépulcral Visitors YT15 – Jerusalem, Palestine, aux paysages reichiens parfumés d’accents africains de Broken Like, il nous parachute dans son univers sans concession. Ses spoken words permettant eux de synchroniser ces sons, tel un chef d’orchestre ayant finalement recouvré la voix.

Par son processus créatif, Gold est également un projet singulier. Le poète anglais a dû mettre en musique pas moins de dix-sept heures de sessions avec une vingtaine de musiciens réunis au Total Refreshment Centre de Londres – lieu qui a vu défiler de nombreux talents de la nouvelle scène jazz UK – aucun n’ayant été autorisé à écouter la musique au préalable. Les mélodies To Cy and Lee: Instrumentals Vol. 1 avaient déjà marqué les esprits par un concept hors du commun fait d’improvisations, de collages et fruit d’une rencontre avec des personnes à handicap. Le résultat était époustouflant bien que difficile à appréhender. Alabaster propose avec Gold un moment d’apaisement. Loin de sombrer dans la mélancolie, il nous offre au contraire un disque varié et cohérent. Oscillant constamment entre beauté et nouveauté, Gold s’appréhende tel un funambule parcourant de longs mètres au-dessus du vide béant; une expérience inhabituelle, parfois inconfortable, mais d’une redoutable beauté.

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ECOUTE INTEGRALE

A ECOUTER EN PRIORITE
Again, Broken Line, A Gente Acaba

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