04 Oct 24 A Place to Bury Strangers – ‘Synthesizer’
Album / Dedstrange / 04.10.2024
Noise shoegaze
Le groupe qualifié du ‘plus bruyant de New-York’, A Place to Bury Strangers, est de retour avec Synthesizer, un septième opus à vous faire vibrer les tympans ! Il y a des formations qui se complaisent dans la répétition, d’autres qui explorent sans cesse de nouvelles directions. APTBS fait partie de ces artistes qui défient les frontières du bruit et du rock, flirtant constamment avec la limite entre le son et l’agression auditive. Leur nouvel album, encore une fois, n’est pas une simple collection de morceaux, mais une expérience sensorielle brute et intense. Fondé en 2003 à New York, le trio mené par Oliver Ackermann est à géométrie variable, et cette fois-ci, il s’est entouré de John et Sandra Fedowitz, réciproquement à la basse et à la batterie. Quelle que soit la formation, le groupe s’est très vite taillé une réputation pour ses concerts dévastateurs et son mélange audacieux de noise rock, de post-punk et de shoegaze. Son style est souvent comparé à The Jesus and Mary Chain ou My Bloody Valentine, mais avec une touche plus industrielle, presque mécanique, grâce aux pédales d’effets customisées par Ackermann lui-même (via sa compagnie Death By Audio). Avec cette nouvelle salve, les new-yorkais poussent encore plus loin les limites du bruit maîtrisé. Chaque morceau semble chercher à recréer le chaos, mais sous cette tempête de distorsions et de réverbérations, on perçoit une profonde mélancolie, un souffle postapocalyptique qui traverse le disque.
Si l’origine du nom du groupe reste inconnue, cette expression suggère une image sombre et énigmatique, qui peut évoquer des thèmes tels que la mort, l’isolement ou le mystère. Pour notre part, il nous plonge dans nos souvenirs d’enfance, à la conquête de l’Ouest américain avec ces bons vieux westerns-spaghetti. Il nous vient à l’esprit une possible réplique qui reflète bien le ton général de ce type de film : ‘il n’y a pas de place pour les étrangers ici… Sauf peut-être dans une tombe‘. L’analogie entre la musique de APTBS et cette forme de cinéma n’est pas anodine tant Don’t Be Sorry nous happe musicalement comme si ‘la horde sauvage’ était sur le point de passer à l’attaque, après que le son brutal et sauvage de l’introductif Disgust nous mette radicalement dans le bain. Les guitares raclent le macadam, le texte est destructeur et empli d’un profond mal-être. Nous retrouvons cette idée de perte de contrôle, de crise intérieure, de lutte émotionnelle sur It’s Too Much, Bad Idea. Cette douleur profonde, au sens large, se traduit musicalement par ce mur du son qu’Oliver Ackermann cherche en permanence à dépasser, outre mesure ! Si cet aspect de la musique prédomine dans le son de APTBS, il y a aussi la voix du leader, souvent mixée dans les morceaux de manière à se fondre avec la texture sonore dense et distordue du groupe, ce qui lui donne un effet lointain, presque spectral (Join The Crowd). Cette manière de chanter peut paraître nonchalante, voire hypnotique, mais donne une certaine froideur émotionnelle aux compositions. En parlant de froideur, Fear of Transformation, au rythme électronique et mécanique, est un monte-charge anxiogène. La peur est une obsession, presque vivante. La peur de l’avenir, d’un futur désillusionné dans lequel tout serait faux, superficiel et déshumanisé (Plastic Future). La peur de l’Amour aussi (You Got Me, Have You Ever Been In Love) ? L’amour semble ici être un désenchantement, et cette question si simple et romantique, une quête de sens. Enfin, le labyrinthique et plus mélodieux Comfort Never Comes (7’49), surfe à mi-chemin entre résignation et frustration.
Avec Synthesizer, A Place to Bury Strangers continue de repousser les limites du bruit et de l’expérimentation, offrant une expérience auditive aussi déroutante que cathartique. Si vous êtes à la recherche de douces mélodies, d’harmonies luxurieuses et de pensées positives, passez votre chemin ! Oliver Ackermann et ses acolytes nous plongent dans un chaos sonore maîtrisé, où chaque morceau semble résonner comme un cri désespéré dans un monde en perdition. Cet album est un véritable exutoire pour les âmes tourmentées, et confirme que le bruit, quand il est bien orchestré, peut-être une forme d’art à part entière !
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