On y était! Retour sur le Primavera Sound Festival 2013

On y était! Retour sur le Primavera Sound Festival 2013

Fin mai, c’est toute la communauté indie rock européenne qui était en émoi, partagée entre l’excitation de ceux qui avaient fermement décidé de se rendre à Barcelone pour l’édition 2013 du Primavera Sound Festival, et la frustration des autres qui avaient du s’en abstenir. Et pour cause, une fois encore, l’évènement a fièrement défendu son statut de rendez vous incontournable en alignant une programmation qui donnait sévèrement le tournis, laissant le festivalier à ses choix, majoritairement cornéliens aux vues des groupes qui se succédaient sur les quatre scènes du Parc del Forum. Mowno y était du jeudi au samedi, a tenté d’en voir le maximum, a marché autant qu’il a pu – avec parfois l’impression d’avancer à contre courant de la foule – et vous raconte.

Jeudi 23 mai
WILD NOTHING – METZ – CHRIS COHEN – DINOSAUR JR – DEERHUNTER –
HOT SNAKES – MENOMENA – PHOENIX

C’est avec l’espoir de trouver le soleil catalan que l’on décolle de Paris. Deux heures plus tard, souhait exaucé, parfait pour prendre la température de la ville et s’en aller visiter les nombreux disquaires ne manquant pas l’occasion de remplir leurs bacs et profiter d’une clientèle considérablement élargie le temps d’un week end. C’est donc en fin de journée seulement que l’on rejoint le Parc del Forum, lieu des festivités déjà bien rempli. Et, à voir les métros bondés se succéder, la queue empruntée par le public pour y récupérer son pass n’a pas fini de s’allonger. A l’extrêmité, Wild Nothing (photo ci-dessous) est déjà sur scène et aligne ses quelques pépites pop garage devant un parterre plus ou moins distrait, mais réactif quand résonne notamment le toujours appréciable “Summer Holiday”, plus ou moins de circonstance.

Quelques centaines de mètres plus loin, c’est une des révélations de l’année qui s’apprête à faire trembler la scène Pitchfork. Sans chichi, avec une constance impressionnante, Metz déroule généreusement son excellent premier album, avec pourtant ces quelques gimmicks et automatismes que seuls ceux ayant déjà eu la chance de croiser les Canadiens ces derniers mois auront perçu. La débauche d’énergie n’enlèvera rien à la performance voisine de Chris Cohen. Confortablement assis derrière ses fûts, l’ancien Curtains ne manque pas de séduire et conforter un public restreint mais connaisseur, venu chercher dans ses mélodies imparables un peu de cette chaleur capable de rivaliser avec un vent de mer de plus en plus frais.

C’est presque le coeur déchiré qu’il nous faut écourter pour espérer voir un quart d’heure des mythiques Dinosaur Jr (photo ci-dessus), auteurs d’une prestation en demi teinte sur une scène Primavera presque trop grande pour qu’on puisse les apprécier comme il se doit. Alors que les riffs de Jay Mascis se heurtent aux rafales, on tourne le dos pour tenter l’expérience Deerhunter qui, sans qu’on le sache encore, sera LE groupe phare de ce cru 2013. Vêtu de sa robe zébrée, le barjot Bradford Cox se dresse devant ses acolites multipliant les tubes des deux derniers albums pour livrer un des grands moments de cette première soirée barcelonaise. A peine redescendus de ce concert magique que Hot Snakes tabasse son répertoire sur la scène ATP, endroit bien moins propice que les clubs visités quelques mois plus tôt sur la route du festival anglais, et pour lequel il remontait sur les planches.

Enième aller-retour pour un énième contraste: sur la scène Vice, Menomena emboite le pas de Sean Nicholas Savage pour un set comme toujours de grande classe, mais un peu trop tardif au regard du répertoire proposé, brillant de groove et de mélodie mais quelque peu hypnotisant au goût de festivaliers majoritairement en quête d’un second souffle. Restait alors un choix qu’on n’avait pas prévu de faire: alors que Death Grips est en tournée européenne sans son incroyable batteur Zach Hill, en grande partie responsable de sa folie scénique, on préfère se rabattre sur la pop édulcorée des frenchies de Phoenix (photo ci-dessus, vidéo ci-dessous), tête d’affiche du jour. Certes l’album n’a pas laissé de grands souvenirs à nos écoutilles, mais force est d’avouer que le groupe maitrise parfaitement l’exercice live, porté qu’il est notamment par un batteur impressionnant. Les plus sceptiques auront d’ailleurs l’occasion de le vérifier lors de la prochaine édition de Rock en Seine.

Vendredi 24 mai
MULATU ASTATKE – KURT VILE – TOKYO SEX DESTRUCTION – DOPE BODY – DJANGO DJANGO – SHELLAC – LOCAL NATIVES – NEUROSIS – BLUR

C’est la fin d’après midi et on s’offre un début de journée tranquille dans l’Auditorium qui accueille la musique ethnique de Mulatu Astatke, hypnotiseur de génie. De quoi recharger les batteries avant d’attaquer un vendredi pour le moins chargé, forçant à se dédoubler. Ainsi, à chaque extrêmité son ambiance puisque, ici Kurt Vile aligne ses titres folk, là les locaux de Tokyo Sex Destruction investissent une des petites scènes sponsorisées du festival pour livrer leur rock/soul à un public conquis d’avance.

A peine le dernier cri des espagnols donné que, un peu plus loin, Dope Body balance son noise rock. Torse nu face à la mer et son vent froid, le chanteur Andrew Laumann se tortille pour défendre du mieux possible son dernier album “Natural Body”, avec néanmoins trop peu de conviction pour qu’on ne se laisse pas séduire par l’idée d’aller voir ailleurs. De l’autre côté du festival, chez Django Django (photo ci-contre) par exemple, même si la formation – trop appliquée – ne réussira jamais à emporter la foule et égaler l’efficacité de son excellent premier opus. Certains groupes ne sont pas vraiment faits pour les festivals, en voici une illustration.

Alors que, pour d’autres raisons, on aurait aisément pu les mettre dans la même catégorie, Shellac – grand habitué de Primavera – laisse parler son expérience pour lever les derniers doutes. Dans une salle comme en plein air, la magie opérée par la bande d’Albini fait mouche. Entre classiques et nouveaux titres, le trio tient toutes ses promesses tout au long d’un set assez court qui nous laissera avec l’impatience d’un prochain album déjà annoncé. C’est donc rêveur qu’on se lance dans une nouvelle traversée du goudron barcelonais, pour rejoindre un Local Natives qui, bien qu’auteur d’un bon concert, se révèlera bien trop docile pour nous changer véritablement les idées.

Cela, c’est Neurosis qui s’en chargera. Sur la scène ATP, à la veille de sa venue parisienne, les légendes – définitivement les brutes de la journée – se dressent face à une audience toute acquise à leur cause, balancent la sauce, et font parler la puissance de leur post métal avec une maitrise que seule l’expérience permet. Dans un tout autre genre, on le vérifiera ensuite chez Blur (photo ci-dessous), juste après une mise en bouche surprise offerte par la présence de The Wedding Present. Evènement du jour, la venue de Damon Albarn (photo ci-contre) et ses sbyres tient elle aussi toutes ses promesses. Le public du Primavera se voit offrir par les anglais un best of en bonne et due forme, avec en prime une générosité et un plaisir qu’on n’attendait pas.

Samedi 25 mai
BETUNIZER – DEERHUNTER – THEE OH SEES – WU TANG CLAN –
NICK CAVE & THE BAD SEEDS – CRYSTAL CASTLES

A force de braver le froid, et l’accumulation de fatigue aidant, pas d’autres choix que de s’économiser en ce dernier jour. On verra donc délibérément moins de groupes que prévus. Précédé d’une réputation qui dépasse largement les frontières espagnoles, Betunizer conservait logiquement son statut d’inmanquable. Compagnon de route récurent de Papier Tigre, le groupe de Valence n’a pas tardé pas à démontrer que sa présence ici n’avait rien d’un coup arrangé. A la hauteur de ses trois excellents albums, le trio a déroulé un set à la fois noise, technique et mélodique, avec souvent ce petit plus rythmique qui n’a pas manqué de fédérer au sein d’un parterre forcément parsemé, mais définitivement conscient de la qualité de ce qu’il entendait.

La motivation aura eu raison de Mount Eerie et Mac DeMarco, la file d’attente gigantesque menant à l’Auditorium d’Apparat aussi. Il faut dire que la dernière ligne droite offerte par ce samedi n’était pas vraiment venue pour beurrer les tapas. D’abord, Deerhunter (photo ci-contre) s’est vu offrir une nouvelle occasion de briller en remplacement de Band Of Horses, retenu à l’étranger en raison de conditions climatiques défavorables. Le groupe d’Atlanta a évidemment confirmé que sa prestation deux jours plus tôt n’avait rien de miraculeuse. Puis les incontournables Thee Oh Sees se chargaient de justifier toute leur réputation scénique sur une scène ATP qui n’aura jamais autant attiré de monde durant cette édition du Primavera. En 12 titres, les californiens – forts d’une énergie et d’un charisme que beaucoup (sur la scène garage notamment) doivent leur envier – ont mis tout le monde d’accord, satisfaisant les fans sans manquer de conquérir les novices.

Il a pourtant fallu une nouvelle fois tronquer son plaisir pour espérer voir les ultimes morceaux d’un Wu Tang (photo et vidéo ci-dessus) plombé par quelques absences, qui avait donné rendez vous à la frange hip hop du public du Primavera. Sans véritable surprise, le Clan interprétait quelques titres attendus, non sans ce contexte quelque peu bordélique et jenfoutiste auquel les américains s’adonnent trop souvent en Europe. Une légère déception, tout sauf une surprise, qu’on s’en allait noyer dans les graves de Nick Cave & The Bad Seeds (photo ci-dessous) qui, à l’autre bout du Parc, s’apprêtaient à laisser parler leur classe internationale en partageant leur prestation équitablement entre quelques classiques et un dernier album de toute beauté. A vrai dire, alors que la nostalgie commmencait déjà à gagner les rangs, le crooner offrait l’ultime bouffée de plaisir de notre Primavera qui s’achèvera sous les coups de burin de Crystal Crastles, pour le moins incompatibles (en ce qui nous concerne) avec les charmes des produits locaux et boissons énergisantes alcoolisées. On a beau avoir perdu quelques points de vie durant ces trois jours, une seule idée nous obsèdait au moment ou l’on passait tant bien que mal la sortie: revenir.


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