18 Nov 16 Stones Throw, 20 ans et toutes ses dents
Il y a cinq ans, alors que nous l’interviewions à l’occasion du quinzième anniversaire de son label devenu institution underground, Peanut Butter Wolf (photo ci-dessus) montrait toute son humilité et son éthique en refusant de se considérer comme un acteur majeur de la scène hip hop. Pourtant, à défaut peut être d’avoir véritablement influé sur l’évolution du genre, le californien a incontestablement sa part de responsabilité dans l’émancipation de toutes les générations rap qui se sont succédées sur la côte Ouest des Etats Unis depuis 1996. Et tout cela grâce à son flair, ses goûts, un engagement à toute épreuve, mais aussi une attirance sincère pour l’expérimentation, qui l’ont très souvent amené à signer des artistes méconnus, et par la même occasion à s’aventurer vers de nouveaux territoires, jusqu’au rock et à l’électro dans lesquels il a su trouver tout autant d’intérêt.
Parce qu’il n’est pas question pour lui de se cantonner au hip hop. Chris Manak – de son vrai nom – aime trop la musique pour s’imposer de telles barrières. Une passion qui s’est révélée très tôt quand, dans sa plus tendre enfance, il n’avait qu’une idée en tête : enrichir sa collection de disques alors qu’il compilait déjà des pépites soul/funk sur cassette, et par là-même succomber progressivement à une boulimie musicale l’amenant à écouter le plus de choses possibles. C’est à la fin des années 80 – suite à l’écoute des sorties Sugar Hill, Tommy Boy et Cold Chillin – que le jeune homme s’est tourné plus franchement vers le hip hop, alors qu’il s’alliait à son pote Charizma pour envoyer un message clair au rap de la côte Est : la Californie ne sera plus seulement gangsta rap. Le duo signa alors sur le label Hollywood Basic dont Peanut Butter Wolf subira plus tard les orientations artistiques : une ‘souffrance’ dont les futurs artistes Stones Throw ont bénéficié ensuite, PBW refusant d’appliquer les mêmes principes au sein de son propre label créé en 1996 histoire de remonter la pente trois ans après le meurtre de son acolyte survenu alors que le duo connaissait une médiatisation croissante, mais aussi dans le but de donner enfin vie à ce qu’ils avaient réalisé ensemble.
La suite est plus connue de tous. Alors que Stones Throw accouchait d’une première réalisation posthume, Peanut Butter Wolf voyait l’horizon se dégager en tombant sous le charme de Lootpack, tout juste auteur de son premier Ep et derrière lequel se planquait Madlib (photo ci-contre). Les deux ne se quitteront plus. ‘Soundpieces: Da Antidote’ s’ajouta rapidement au catalogue naissant, tout comme les multiples projets du producteur (Quasimoto, Madvillain avec MF Doom, Yesterday’s New Quintet à obédience plus jazz) et ceux de J Dilla pour lequel il débordait de compliments. Ensemble, ils ont d’ailleurs donné naissance à Jaylib qui restera à jamais un classique Stones Throw, et fondé une nébuleuse qui accueillera au fil du temps une palanquée de Mcs talentueux – de MED à Oh No, en passant par Strong Arm Steady – capables de s’engager dans une guerre artistique créative avec leurs concurrents de la côte Est, Def Jux en tête.
Le décès de J Dilla comme l’arrivée d’internet et sa nouvelle façon de consommer la musique furent deux obstacles à se dresser sur le chemin de Peanut Butter Wolf, pourtant le californien décida ne pas dévier sa direction d’un iota. N’écoutant que lui, il poussa Stones Throw – toujours en pleine Madlib-dépendance – vers d’autres genres musicaux, qu’ils soient soul, psychédélique, ou post punk. Jusqu’en 2010 et le succès planétaire d’Aloe Blacc – précédé de peu par celui de Mayer Hawthorne – qui marqua le début d’une nouvelle ère pour le label. Dès lors, les prises de risque souvent salutaires se sont parfois avérées peu rentables (Vex Ruffin), à l’exception de quelques-unes qui ont contribué à laisser Stones Throw vaquer parmi les plus solides défricheurs du business musical : Quakers (projet hip hop du Portishead Geoff Barrow), Jonwayne, The Stepkids, ou Dam Funk.
Car, en 2016 comme en 1996, Stones Throw ne cède à aucun chant de sirène, et ne se laisse guider que par un propriétaire laissant constamment les clés de son oeuvre à ses convictions et son feeling unique. Alors que le label fête son vingtième anniversaire cette année, c’est tout un public conscient du travail accompli qui salue encore et toujours sa précieuse richesse. Retour sur une ascension unique en son comme en vidéo.
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