Sonic Youth fête les 30 ans de ‘Goo’

Sonic Youth fête les 30 ans de ‘Goo’

Le 26 juin 1990, deux ans après le chef d’œuvre indétrônable Daydream Nation, Sonic Youth sort Goo, son sixième album et le premier pour la major DGC Records. Classique presque instantané pour la majorité des fans, le disque propulse la formation new-yorkaise à l’apogée de sa reconnaissance commerciale (96e position au Billboard 200) et annonce une orientation relativement plus pop qui se prolongera avec son successeur, Dirty. Si certains morceaux sont ainsi plus accessibles, à l’image du single Kool Thing, Sonic Youth ne délaisse pas pour autant son identité avant-gardiste, son approche expérimentale : des explosions bruitistes et anxiogènes comme sur le titre hommage au film noir de 1945, Mildred Pierce, des collages sonores, des overdubs noises aux effets de reverse (Mote), la production s’inspire de l’approche de la musique concrète et explore les possibilités de l’art acousmatique qui se traduira par l’appellation ‘art-rock’.

Goo comporte aussi son lot de featurings : J Mascis de Dinosaur Jr. intervient sur trois titres et produit notamment les démos de l’album que le groupe, mécontent de la production finale et de l’approche plus commerciale et easy-listening des producteurs Nick Sansano et Ron Saint Germain, sortira l’année suivante via son fan club, le label pirate Sonic Death. Si la collaboration avec J Mascis semble plutôt évidente, l’intervention de Chuck D de Public Enemy sur Kool Thing l’est beaucoup moins : celle-ci illustre bien la volonté d’ouverture de Sonic Youth, à une époque où la frontière entre rap et rock semblait particulièrement établie.

Cette approche avant-gardiste se traduit aussi par un souci d’actualité et de contexte : de nombreuses références à la pop culture sont présentes tout au long de l’album, à commencer par la pochette iconique. Celle-ci, réalisée par Raymond Pettibon, artiste punk et ami de Thurston Moore, illustre à la manière d’un cartoon la photo de David Smith et de sa femme prise à la sortie du procès du couple de serial killers Hindley qui bouleversa l’Amérique au milieu des années 60.

Mais le véritable tour de force de cet album – outre quelques mélodies imparables (Dirty Boots, Titanium Expose), les larsens, les bends, les drones rageurs et les guitares ciselées qui invitent à une sorte de transe incantatoire et bruitiste (Disappearer) et demeurent, en filigrane, l’identité de Sonic Youth – réside sans doute dans l’hymne shoegaze de Tunic (Song for Karen). Le titre, chevauchée nébuleuse de dissonances savantes, rend hommage à Karen Carpenter, génie de The Carpenters, qui décéda des suites d’une anorexie mentale et de son état dépressif, liés, entre autres, à la pression de l’industrie musicale et de l’image publique. En forme de lettre ouverte, Tunic (Song for Karen) dénonce le culte de la personnalité et interroge la place de la femme dans une société américaine décadente, porté à la perfection par la voix brisée et languide de Kim Gordon.

Avec Goo, Sonic Youth, à la manière d’autres formations originaires du circuit alternatif des années 90, Nirvana en tête, actait l’enracinement de l’identité underground dans la culture pop. À l’épreuve du temps, au fait de cette architecture complexe de l’authenticité artistique, le quatuor new-yorkais semble cependant être un des rares à avoir su conserver une sincérité et une forme de subversivité intacte. Goo, certainement, est la clé de voûte de l’édifice. Ecoute intégrale à l’occasion de ce trentième anniversaire.

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