Musical Écran, les documentaires favoris des organisateurs

Totalement d’actualité puisque la chanteuse sera de passage à Paris deux jours après l’avant-première bordelaise du film en séance d’ouverture du festival, Courtney Barnett – découverte mondialement à la sortie de Sometimes I Sit And Think, And Sometimes I Just Think enregistré dans sa chambre et publié en ligne – nous livre un monde à la fois drôle et caustique. Connaissant les réticences de l’intéressée en matière d’interview, le réalisateur Danny Cohen a donné à l’australienne un dictaphone et lui a demandé de parler dans celui-ci alors qu’elle parcourait le monde pour soutenir son célèbre deuxième album Tell Me How You Really Feel. Ses demi-pensées, à la fois banales et profondes mais toujours sincères, sont ainsi capturées en 16 mm dans Anonymous Club. Autant d’observations profondément personnelles qui finissent par ressembler à des actes de générosité, tout comme l’est sa musique. Un film que les fans de l’artiste vont adorer, et qui ne manquera pas de séduire ceux qui ne le sont pas encore…

En octobre 2008, Lilly Creightmore a eu la chance d’être invitée à participer à une tournée avec les Black Angels lorsqu’ils ont pris la route pour accompagner le fondateur des 13th Floor Elevators, l’inspiration ultime et le grand-père de la musique garage psychédélique, Roky Erickson. Trip! est un récit intime réalisé par la photographe et cinéaste documentaire, qui capture l’histoire d’artistes comme Brian Jonestown Massacre, Tess Parks, Sonic Boom ou Night Beats, qui ont influencé une résurgence du son d’inspiration psychédélique. Le film comprend des performances live, dont certaines au milieu du désert Californien (Levitation et Desert Daze) et des séquences intimes en coulisses de groupes et de musiciens des États-Unis, du Royaume-Uni, d’Islande, d’Europe et d’Afrique du Sud. Un témoignage sur une époque où l’idéal capitaliste commençait très visiblement à s’effondrer, un moment où quelques personnes de cette génération étaient à la recherche d’une alternative au corporatisme de l’industrie musicale.

Ce film est une expérience unique ! Il n’y a pas de narration, pas d’interviews… Shannon Hoon, le chanteur du groupe Blind Melon, a méticuleusement documenté sa vie de 1990 à 1995 à la manière d’un journal intime. Il a tout filmé : sa famille, son processus créatif, l’ascension de son groupe, sa lutte contre la dépendance… jusqu’à quelques heures avant son décès. Sans le magnétisme de Shannon Hoon – et les mains expertes des réalisateurs – le film aurait pu être décevant. Il en ressort une légèreté et une obscurité, une tension, un équilibre heureux entre une inclination à la mélancolie et un désir d’espoir, une sorte de libération. Un documentaire maintes fois primé dans des festivals internationaux, qui mérite d’être vu, entendu et vécu.

Un portrait original d’une pionnière britannique de la musique électronique d’avant-garde. Une femme qui travaille dans un environnement qui n’a pas été conçu pour elle, ce qui entraîne un épuisement inévitable après avoir été usée par la minimisation de sa contribution, et jamais reconnue à sa juste valeur si ce n’est pour la composition du thème de la série britannique culte Doctor Who en 1963. Le film, basé sur la récente découverte de 267 cassettes audio et d’archives dans un grenier, dévoile les légendes et les vérités qui entourent Delia Derbyshire à travers un récit fantastique où l’intéressée, incarnée par la réalisatrice, est une voyageuse du temps, qui arrive dans le présent avec une collection d’objets, de sons et de souvenirs. Un voyage immersif aux frontières du rêve. L’histoire d’une vie racontée par le son, utilisant à la fois les propres morceaux de musique de Delia et une bande sonore construite à partir d’échantillons choisis par Cosey Fanni Tutti.

Au seuil des années 80 émerge à Nancy – avec le groupe Kas Product et sa chanteuse Mona Soyoc, puis avec Gerard Nguyen et son label Les Disques Du Soleil et de l’Acier – une scène electro punk incroyablement prolifique. De 1963 à 1983, Jack Lang avait dirigé un célèbre festival mondial qui invita l’avant-garde du théâtre, de la danse ou de la performance. Cela va définitivement imprégner la production de musique, de cinéma, d’arts plastiques et de performances des artistes Nancéiens. Un mouvement Do It Yourself, dont la caractéristique notable est une présence quasi paritaire de nanas aussi énervées qu’actives et inspirées, va ainsi y croître de façon débridée. Un son original voyageant entre la no wave, la cold wave, la musique industrielle, le punk à l’avant-garde de l’explosion de la musique électronique à venir va y naître. Otomo, artiste, performeur, metteur en scène et auteur du film, a personnellement vécu cette aventure.