Les 100 disques de la décennie (Pt.2, 2014-2019)

Les 100 disques de la décennie (Pt.2, 2014-2019)

Relever le défi de sélectionner 100 disques marquants de la décennie 2010-2019 ? Et pourquoi pas ! Malgré ses airs d’usine à gaz, l’expérience s’est révélée passionnante et n’a pas manqué de réveiller quelques moments de nostalgie. Comment ne pas se souvenir de cet été 2011 où bon nombre d’entre nous ont certainement et inlassablement dansé sur les tubes du English Riviera de Metronomy ? Comment ne pas se souvenir de cette année 2012 qui aura vu Kevin Parker et son groupe Tame Impala révolutionner tout un pan de la musique psychédélique avec le majestueux Lonerism ? Comment réécouter Dolziger Str.2 des bordelais d’Odezenne sans se rappeler que ce disque est sorti un triste 13 novembre 2015 ? Comment analyser une œuvre aussi dense que Damn de Kendrick Lamar sans y établir des connections avec l’élection surprise de Donald Trump survenue quelques mois avant ?

Voici donc, non pas un classement, mais une sélection qui tâche de ratisser large pour représenter au mieux la diversité musicale, les sujets de société ainsi que les changements importants de notre époque. Partagée entre découvertes, évidences notables, et véritables coups de cœurs devenus finalement nos intemporels, cette sélection est notamment portée par un hip-hop superbement représenté, tant par ses inconditionnelles têtes d’affiches que par ses têtes chercheuses les plus radicales. Une sélection marquée également par le psychédélisme sous toutes ses formes, que ses penchants soient rock et acoustiques, expérimentaux et électroniques, ou bien portés sur le jazz. Durant toute cette décennie, nous avons aussi assisté à l’ébullition d’une scène française, qui n’a cessé d’afficher sa bonne santé et ses envies d’en découdre, comme ses envies de révolutionner la pop. La scène britannique n’est pas en reste non plus, elle qui a vu émerger ses dernière années une floppée de nouveaux groupes, ravivant ainsi la glorieuse flamme du rock 100% british. Une sélection qui n’oublie évidemment pas non plus la musique folk ou bien encore l’électronique et ses variantes techno. Et pour finir cette décennie qui fut aussi marquée par les affaires et la libération de la parole féminine, elle est ici représentée par quelques unes de ses plus emblématiques et talentueuses ambassadrices.

Cette sélection ne contentera évidemment pas tout le monde, les absents notables étant au moins aussi nombreux et importants que ceux sélectionnés. Mais il y en a pour tout le monde et pour tous les goûts au sein de cette liste subjective et chronologique, faite avec le cœur, la passion, et le déchirement de devoir trancher. Au fond, nous gardons l’intime et humble conviction qu’elle vous permettra de (re)découvrir certaines des œuvres qui ont marqué de leur empreinte cette décennie qui s’achève, et cela, avant de s’attaquer à la nouvelle que nous avons déjà hâte de découvrir et de partager avec vous.

TY SEGALL
Manipulator
Drag City – 2014

Manipulator se présente comme le parfait melting pot de tout ce que Ty Segall a pu faire de mieux dans sa discographie. Un joyeux fourre-tout garage, psyché, punk et folk, ayant pour trait d’union le son saturé des guitares. Le contraste est saisissant, d’autant plus qu’il est exécuté de main de maître, le musicien excellant dans bien des domaines et se permettant toutes les excentricités possibles.

FREDDIE GIBBS & MADLIB
Pinata
Madlib Invazion – 2014

Mélomane semblant trouver peu d’échos dans les milles et une nuances du hip hop contemporain, Madlib réalise ici ce qui restera peut-être comme l’une des ses plus passionnantes productions, et sur laquelle Gibbs éblouit sans mal de tout son talent. Un terrain d’entente parfait où deux pontes de la culture hip hop se complètent pour aboutir à une fascinante et jubilatoire osmose.

WARPAINT
Warpaint
Rough Trade – 2014

Ce deuxième album des californiennes présente un visage tourné vers le Bristol de la fin du siècle dernier, et affiche sa volonté bien réelle de sublimer autrement leurs voix aériennes par un esthétisme et une rythmique trip-hop, ce qui permet non seulement à la formation de prendre une dimension sonore plus dense, mais aussi de placer l’œuvre sous le signe évident de la clairvoyance.

OUGHT
More Than Any Other Day
Constellation – 2014

Galvanisée par l’esprit de rébellion qui entourait le Printemps d’Erable à Montréal en 2012, cette jeune et attachante formation québécoise, emmenée par le musicien et poète Tim Beeler, a publié en 2014 un véritable cyclone de fraicheur et d’enthousiasme. Un disque humble et introspectif qui ravive l’énergie post punk vigoureuse de The Ex et la richesse rythmique des Talking Heads.

FOLLAKZOÏD
III
Sacred Bones – 2015

Kosmische musik de Cologne ? Psychédélisme de Californie ? Il y a un peu de tout ça chez Föllakzoid, et ce même s’il est en réalité originaire du Chili. Avec ses guitares au psychédélisme d’école et ses bidouillages électroniques qui font écho à la techno minimale, le trio convoque des décennies de psychédélisme pour donner lieu à un album majestueux et diablement passionnant.

VINCE STAPLES
Summertime ’06
Def Jam – 2015

Sur Summertime ’06, le jeune rappeur met à mal les clichés et les fantasmes qui collent à l’image des gangs californiens, au travers d’une narration dense et profonde marquée par le deuil et le deal. Image après image, Staples retrace, par le biais d’un réalisme cru, l’envers du décor des trafics qui prennent place à l’ombre des palmiers et des surfeurs du nord de Long Beach.

PREOCCUPATIONS
Viet Cong
Jagjaguwar – 2015

C’est entourés de Scott Munro et Daniel Christiansen que Matt Flegel et Mike Wallace – tous deux anciens membres de Women – vont trouver une nouvelle marque de fabrique cohérente au sein de Preoccupations, entre divagations post punk, courants bruitistes expérimentaux et ficelles tubesques volées à Paul Banks et Interpol. Un premier album imprévisible, grinçant, brumeux et dissonant.

TAME IMPALA
Currents
Modular – 2015

Kevin Parker revient avec un disque révolution, un changement de cap radical qui réussit la prouesse de rester fidèle à une certaine idée du psychédélisme tout en versant dans la pop la plus absolue. Finies les guitares fuzz et les trips à la Beatles façon Tomorrow Never Knows de InnerSpeaker et Lonerism : Currents fait la part belle aux synthés, aux rythmiques disco et même au vocodeur !

GIRL BAND
Holding Hands With Jamie
Rough Trade – 2015

Au milieu de cette passionnante cacophonie, les dinguos dublinois tentent de nous raconter comment ils aimeraient nous faire danser avec les mauvais outils mais avec les bonnes intentions. Girl Band s’applique à affuter sa propre personnalité, entre éclatements et dérapages bruitistes, entre pas de travers et allégeance aux anciens, dans ce qui restera assurément l’un des plus beaux déraillements de 2015.

JACCO GARDNER
Hypnophobia
Full Time Hobby – 2015

Le hollandais signe ici un deuxième album hypnotisant et humble, plus mélancolique et rêveur que ne l’était son prédécesseur. On y retrouve ses harmonies psychédéliques tordues, mais aussi son chant éthéré et une pléthore de sons vintage, le tout servi par une production estampillée 1967. On pense évidemment aux Beach Boys, aux Zombies, à Syd Barrett, voire même à François de Roubaix.

KENDRICK LAMAR
To Pimp a Butterfly
Interscope – 2015

Le rappeur de Compton livre un album engagé et complexe, indéniablement tourné vers le jazz des 70’s, la musique de Funkadelic et celle de Parliament. Soucieux de s’inscrire dans une tradition noble de la black music, Kendrick Lamar s’entoure ici des meilleurs (Flying Lotus, Thundercat, Kamasi Washington) et s’impose comme une des voix les plus talentueuses du hip-hop contemporain.

ODEZENNE
Dolziger Str.2
Universeul – 2015

Le disque du changement pour un groupe qu’on ne peut désormais plus étiqueter tant est il est devenu unique et singulier, le point commun des grands artistes paraît-il. Avec ses poésies incisives et sa diversité instrumentale, Dolziger Str.2 est l’un des albums français les plus réussis et novateurs de la décennie, chef d’œuvre intemporel d’un trio devenu le meilleur observateur de notre époque.

SUFJAN STEVENS
Carrie & Lowell
Asthmatic Kitty
 – 2015

Suite au décès de sa mère Carrie, et de son beau-père Lowell, Sufjan Stevens livre un disque de deuil sensible, au songwriting épuré, lumineux et intense. Loin des expérimentations électroniques et des orchestrations en fanfare du passé, Carrie & Lowell est un véritable chef d’œuvre irradiant d’une clarté sereine et paisible, une douce prière jetée au ciel dans un élan d’amour.

GOAT
Requiem
Sub Pop – 2016

Avec ce virage à la Tinariwen version suédoise allumée, Goat confirme qu’il fait partie des formations qui savent mieux que quiconque comment orchestrer une orgie sonore, une montée en puissance et une bouffée de délire au timbre strident et à l’allure décomplexée. Sur Requiem, le groupe relègue son côté heavy subtilement au second plan, et s’essaie à un registre plus docile et contemplatif.

ANDY SHAUF
The Party
Anti – 2016

Entré par la petite porte dans une cour parsemée des habituels Kevin Morby et autres Chris Cohen, Andy Shauf en est devenu aujourd’hui l’un des personnages principaux avec ce disque où l’intime se fond dans le sublime. Sur The Party, le canadien déroule des petites perles pop folk portées par des orchestrations et des arrangements d’une quiétude et d’une délicatesse sans égal.

KATE TEMPEST
Let Them Eat Chaos
Fiction – 2016

Avec puissance et brio, la poétesse anglaise déballe treize titres habiles et accessibles de spoken word mariant fictions et critiques acerbes des principales dérives de notre société. Considérations sociales, écologiques et politiques forment ainsi la sève de ce Let Them Eat Chaos qui s’affiche comme le représentant définitif d’un hip hop qui n’appartient désormais qu’à elle.

MODERAT
III
Monkeytown
– 2016

En insufflant à sa musique toute la maturité, la sobriété et la retenue dont l’absence lui faisait parfois défaut, Moderat signe le chapitre le plus humain de sa discographie. Si Modeselektor et Apparat ne parvenaient jusqu’alors pas à mettre en stand-by leurs univers respectifs, ici leur fusion fait plus que jamais sens et affiche enfin une identité propre. Une symbiose sidérante de justesse.

RADIOHEAD
A Moon Shaped Pool
XL – 2016

Source d’inspiration inépuisable pour ses contemporains, Radiohead livre là l’un de ses disques les plus maitrisés, limpides et cohérents, signe d’une maturité et d’une remise en question perpétuelle. Un œuvre parmi les meilleures de ce groupe fascinant, sans doute l’un des plus importants de ces 20 dernières années, et qui continue de poursuivre son chemin vers l’éternité.

CORY HANSON
The Unborn Capitalist From Limbo
Drag City – 2016

Porté par de jolis arrangements de cordes et des mélodies soignées, ce disque de folk sensible et fragile avance tout en équilibre dans un contraste saisissant de beauté. Entre banalités de la vie et violence relative à l’introspection, le leader de Wand creuse ici son propre sillon jusqu’à déterrer quelques influences sixties et réveiller les souvenirs de Love, Nick Drake ou Simon & Garfunkel.

DANNY BROWN
Atrocity Exhibition
Warp – 2016

Exigeant, Atrocity Exhibition prolonge le geste amorcé sur son prédécesseur Old, tout en allant bien plus loin dans l’expérimentation et l’absence de compromis. Pas de tubes ici, mais le portrait en clair obscur d’un artiste définitivement à part, qui a construit son œuvre la plus fascinante au contact d’une noirceur qu’il accepte et dont il tire le meilleur.

ANGEL OLSEN
My Woman
Jagjaguwar
– 2016

Lorgnant à la fois du coté des 60’s, du rock 90’s, voire même de la soul, My Woman est un véritable jeu de pistes dans l’histoire musicale de l’Amérique. Comme si les Shangri-Las montaient en voiture avec Liz Phair et Diana Ross pour évoquer chacune leur rapport complexe aux hommes. Le disque impressionne grâce à la voix d’Angel Olsen, plus affirmée et aventureuse que jamais.

JAMES BLAKE
The Colour In Anything
Polydor – 2016

Album pour le moins généreux avec ses 17 pistes et ses 76 minutes, The Colour In Anything poursuit subtilement l’entreprise de James Blake à vouloir rallier dubstep et musique pop plus accessible. Véritable ascenseur émotionnel, le disque est frappant de justesse et de cohérence, et permet une fois de plus au britannique d’éclabousser de son talent et de sa maturité musicale.

A TRIBE CALLED QUEST
We Got It From Here…
Epic – 2016

C’est un retour que l’on n’attendait plus. Exit les doutes et les tensions internes, la cohésion prime pour cette bande bien décidée à reprendre une dernière fois le chemin du studio suite aux attentats de Paris. Tout ici respire la créativité et la maîtrise absolue d’un rap malin pratiqué depuis le début des 90’s. Accompagné d’une pléiade d’invités, le groupe tire ici sa révérence en majesté.

PERFUME GENIUS
No Shape
Matador – 2017

Si sur son précédent effort Mike Hadreas hurlait sa colère contre une Amérique puritaine incapable de reconnaître ses enfants hors-normes, l’icône queer semble aujourd’hui un peu plus apaisé avec ce No Shape qui traite du sentiment de liberté qui se cache en chaque instant éphémère. Doux et euphorique, l’américain s’affirme comme un compositeur doué et un ambitieux créateur pop.

KING KRULE
The Ooz
XL
– 2017

Du haut de ses 25 ans, Archy Marshall a déjà tout d’un grand. En allant piocher dans le punk, le hip-hop, le free jazz et la new wave, le britannique offre ici un voyage dans son esprit tourmenté où il dépeint les problèmes existentiels de son pays et de toute une génération qui est la sienne. Un voyage intense, passionnant et complexe dont on ne ressort indéniablement pas indemne.

CANNIBALE
No Mercy For Love
Born Bad – 2017

Empêtré dans un son chaud comme un été sans fin, No Mercy For Love est un album moite et soigné qui convoque Timber Timbre et Nick Cave autour de rythmes indolents tout droits venus d’Amérique Latine et d’Afrique. Avec une aisance de jeune premier qui pousse au regard un peu perdu et à l’applaudissement nourri, Cannibale a réussi à poser sa marque indélébile sur cette décennie.

KENDRICK LAMAR
Damn.
Interscope – 2017

Contemporain, sombre et tourmenté, Damn raconte les Etats-Unis, dénonce les violences policières, évoque Dieu et l’amour, la notoriété et les angoisses qui en découlent, l’argent et le racisme. Un album coup de poing, en forme de doigt d’honneur lancé à la face de Trump, et dont la complexité profonde vaudra à Kendrick Lamar d’être le premier artiste hip-hop à remporter le prix Pulitzer.

JAMES HOLDEN & THE ANIMAL SPIRITS
The Animal Spirits
Border Community – 2017

James Holden est un électron libre. Il le prouve une fois de plus avec The Animal Spirits, un album singulier dans lequel il tente d’explorer et de retrouver toutes les connections et les racines qui existent entre la musique électronique qui lui est chère, et d’autres genres comme la folk, le free jazz ou encore le psychédélisme. Un album enregistré live pour un résultat encore plus transcendant.

AQUASERGE
Laisse Ca Être
Almost
– 2017

Sur Laisse Ça Être – traduction de Let It Be, en bonne blague franchouillarde et francophile – les toulousains exploitent tout leur talent pour mélanger le jazz et le rock progressif à la traditionnelle chanson française dont les inspirations vont de Gainsbourg à Stereolab, de François de Roubaix à Bertrand Burgalat. Un tour de force savamment harmonieux et magique.

IDLES
Joy as an Act of Resistance
Partisan – 2018

Et si la joie, aussi anodine soit-elle, pouvait constituer un acte de désobéissance civile ? Avec une rhétorique protestataire que n’aurait sans doute pas reniée Thoreau, le disque oppose une résistance farouche aux maux et aux travers de la société sur des thèmes tels que la masculinité ou encore l’immigration. Un sentiment d’urgence et un peu d’autodérision : c’est ça la recette Idles !

BEAK>
>>>
Invada – 2018

Même si l’on retrouve ici tous les ingrédients habituels à leur recette – à savoir une énergie alimentée par des riffs circulaires, une basse omniprésente, une batterie hypnotisante et de sombres synthés – ce troisième album des anglais se distingue singulièrement de ses prédécesseurs par la finesse de sa production et la diversité de sa palette musicale. Sans conteste le plus abouti de leur discographie.

AMEN DUNES
Freedom
Sacred Bones – 2018

C’est un Damon McMahon solaire, inspiré et aérien que l’on retrouve ici. Le musicien y délaisse ses explorations krautrock et psychédéliques du passé au profit d’un album plus mélodique, homogène et équilibré. Surf-pop, balades folk sensuelles et instants plus groovy ont la part belle, opérant un changement radical pour un artiste qui rentre désormais dans une nouvelle dimension.

FLAVIEN BERGER
Contre-Temps
Pan European
– 2018

Flavien Berger signe avec Contre-Temps un disque plein de groove, de fantasmes et de justesse. En combinant la pop et l’expérimentation, et en s’inspirant d’univers cinématographiques, il navigue entre les temps et les modes, donnant l’impression d’avoir trouvé la combinaison ultime, et faisant défiler un cortège de plans-séquences dont la part d’onirisme n’est plus à démontrer.

PUSHA-T
Daytona
Def Jam – 2018

Figure incontournable du hip-hop US, Pusha T signe le plus joli coup d’éclat de sa carrière avec ce troisième album solo à la dimension quasi baroque. Grâce à une production signée Kanye West, et dans une configuration réduite à seulement 20 minutes et 7 titres, il condense ici toutes ses obsessions dans une forme de lyricisme redonnant à la drogue et à l’illicite toute sa poésie.

IT IT ANITA
LAURENT
Vicious Circle – 2018

Hommage à leur ingénieur du son, à qui l’album emprunte nom et visage, les liégeois livrent ici le feu sacré de la radicalité. En esprits rebelles, ils mêlent le rock bruitiste de Sonic Youth avec les rondeurs de Grandaddy, dans un disque solide, intense et mélodique, où l’allure provocatrice du punk bienveillant cohabite à merveille avec un post-rock aux sillons ravageurs.

DAUGHTERS
You Won’t Get What You Want
Ipecac – 2018

Apocalyptique et oppressant, le noise rock enivrant du groupe de Providence donne le tournis, et plante le malaise aussi profondément que la curiosité qu’il suscite. Avec une intensité des plus malsaines, l’album sonne comme la bande son intense et bruitiste du pessimisme qui enveloppe notre société. Vous y trouverez là de quoi vous faire les dents. Avant de les perdre.

PARQUET COURTS
Wide Awake!
Rough Trade
 – 2018

Parquet Courts repousse ici les limites de sa créativité sans jamais tomber dans les travers d’une expérimentation poussive voire inaccessible. Avec l’aide de Danger Mouse, producteur de Gorillaz et The Black Keys, les américains sortent de leur zone de confort sans jamais perdre l’authenticité et l’énergie qui sont la leur. Résultat ? Le disque le plus engagé, fun et diversifié de leur discographie.

PETER KERNEL
The Size of the Night
On The Camper – 2018

Fort d’une signature musicale aussi têtue que personnelle qui ne cesse de faire des émules, le duo a pris ici le temps de reconsidérer son approche musicale, faisant de The Size Of The Night un parfait exutoire exposé dans la simplicité des émotions, et où chaque mélodie s’inscrit pour durer et résonner dans sa profondeur abyssale. Un chef d’œuvre subtil et brillant, débordant d’humanité.

TROPICAL FUCK STORM
A LAUGHING DEATH IN MEATSPACE
Joyful Noise – 2018

Non content d’avoir le meilleur nom de groupe, le meilleur titre d’album, et la meilleure pochette, ces australiens ont aussi eu la bonne idée de sortir, en guise d’excellent premier album, un condensé fiévreux et erratique de tout ce que la musique sans laisse se doit d’être. Une dérive malpropre, décousue et jouissive, qui rappelle autant les Melvins que le Birthday Party de Nick Cave.

SHAME
Songs of Praise
Dead Oceans – 2018

En s’inscrivant dans la tradition post punk de The Fall, Shame incarne non seulement cet esthétisme 100% british, mais aussi cette hargne guerrière qui caractérise les rockeurs d’outre-manche. Ici, on chante la bave aux lèvres, on reste censé entre deux crachats, et on joue fort mais intelligemment pour mieux se faire entendre. L’une des pépites rock les plus jouissives de cette décennie.

DANIEL BLUMBERG
Minus
Mute
 – 2018

Tantôt écrit, parfois improvisé, Minus est un véritable choc frontal d’indie folk, qui peut certes laisser hagard, mais avec quand même ce sentiment bien vivant qu’il vient de se passer quelque chose qui va à jamais marquer notre existence. Chaque instrument est ici déposé avec justesse, et trouve sa place dans des interprétations de haute volée rappelant sans mal le regretté Vic Chesnutt.

BODEGA
Endless Scroll
What’s Your Rupture? – 2018

Voici un album capable de résumer à lui seul plusieurs décennies de rock n’roll. Produit par Austin Brown de Parquet Courts, Endless Scroll transpire le meilleur de New York et de l’Angleterre, des années 80 à aujourd’hui. Un large spectre que ce quintet de Brooklyn a su parfaitement digérer avant de le recracher au fil d’un premier album marqué par une maîtrise limpide et une diversité dingue.

THE COMET IS COMING
Trust In The Lifeforce…
Impulse – 2019

C’est rien de moins que le renouveau du jazz dont il est question lorsqu’on évoque la nouvelle scène londonienne foisonnante dont est issue The Comet Is Coming. Leur capacité à pouvoir imbriquer ici divers genres musicaux leur permet d’envisager le 21ème siècle comme un jazz spirituel quelque part entre Alice Coltrane et Blade Runner. Allo Houston ? La comète est arrivée.

FONTAINES D.C.
Dogrel
Partisan – 2018

La déferlante punk rock britannique de 2019 fût donc irlandaise. Avec son phrasé à peine chanté et son accent complètement assumé, le jeune et charismatique Grian Chatten interpelle et dénonce l’abrutissement au travail, les idées toutes faites et les ambitions des petits chefs. Difficile de rester de marbre devant l’efficacité et l’intelligence des onze titres de ce volcan d’énergie pure.

THOM YORKE
Anima
XL
– 2019

Ce nouvel effort est l’œuvre contemplative et contemporaine d’un Thom Yorke à l’ère de la surconsommation, des réseaux sociaux, de l’isolement, de l’individualisme et de l’aliénation. La noirceur y est indéniable mais elle demeure plus hypnotique et passionnante que jamais. Un coup de maître somptueux pour l’un des musiciens les plus inspirants et hors-norme de notre époque.

DIIV
Deceiver
Captured Tracks – 2019

Aux prises avec ses batailles personnelles, Zachary Cole Smith délivre inconsciemment ici l’album que nous rêvions surement tous d’écouter à 15 ans. Marqué du sceau de la mise à l’épreuve, et doté d’un son plus noir et plus épais, Deceiver dévoile une multitude de paysages shoegaze et 90’s, qui explorent avec un regard dur la psyché d’un groupe qui a clairement eu plus d’un combat dans sa vie.

BIG THIEF
U.F.O.F
4AD – 2019

U.F.O.F. marque un tournant dans la carrière du groupe new-yorkais. Il y a ici cette magie des compositions dont la qualité réside dans la rareté, de ces titres qu’on considère comme des compagnons dès la première écoute et de ces arpèges à peine entrevus incarnant la promesse d’être des amis de longue date. Un conseil : laissez-vous chaleureusement guider par cette main tendue.

JPEGMAFIA
All My Heroes Are Cornballs
EQT – 2019

Cet album est au hip-hop ce que Centipede HZ d’Animal Collective est à la musique expérimentale, à savoir une œuvre inclassable à l’esthétisme singulier, bourrée de folie, et dont l’assemblage inouï rappellerait avec passion la maitrise et les meilleurs faits d’arme de Madlib ou bien encore de Kanye West. Un disque à écouter d’urgence, car il n’en sort que trop rarement comme celui là.

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