Coups de bulles en Janvier – L’actualité BD

Coups de bulles en Janvier – L’actualité BD

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Votre Père Noël ne lit manifestement pas Mowno? Vous ne comprenez pas comment quelqu’un qui est censé vous connaître et vous aimer a bien pu vous offrir un album de Carla Bruni/Zaz/Cali/Tryo (rayez la mention inutile)? Vous avez déjà mis en vente vos cadeaux sur Le Bon Coin? A priori, vous êtes mûrs pour nos Coups de Bulles de Janvier. Au moins, vous ne serez pas déçus…

ville“Villerupt, 1966”
Baru
Les Rêveurs
20 x 26,50 cm
300 pages + 1 DVD

http://www.editionslesreveurs.com
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Si le Père Noël avait un tant soit peu de goût, vous auriez trouvé ce coffret dans vos baskets au pied du sapin. La maison d’édition co-fondée par Manu Larcenet et Nicolas Lebedel réunit trois albums de jeunesse de Baru, qui présidera dans quelques jours le Festival d’Angoulême. “Quéquette Blues” (1984-1986), “La Piscine de Micheville” (1985) et “Vive La Classe” (1987) avaient tout pour être compilés ensemble: mêmes personnages (le jeune Baru et ses potes), même lieu (les alentours de Villerupt, en Lorraine), même époque (le milieu des années 60). Un documentaire en DVD revient d’ailleurs sur les coulisses de ces trois albums, qui eurent l’effet d’un électrochoc pour toute une génération d’auteurs à venir (Larcenet en premier lieu). C’était en effet la première fois qu’un auteur s’y racontait à la première personne, en se basant sur des faits autobiographiques. Vous suivrez donc Baru et sa bande à la fin de l’adolescence, quand le rock’n’roll, les filles et la fête étaient la seule façon de ne pas trop penser à la mine qui les attendait pour les tuer à petit feu. On ne sait pas si Cédric Klapisch avait lu ces albums, mais son “Péril Jeune” traite finalement plus ou moins de la même chose, avec une tendresse et une drôlerie communes.

les-carres_couv“Les Carrés” – Tomes 01 à 03
Éric Adam & Olivier Martin
Vents d’Ouest
22,5 x 29,8 cm
3 x 48 pages

http://www.ventsdouest.com
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Le polar est un genre très (qui a dit trop?) représenté dans la bande dessinée. Cette trilogie a néanmoins trouvé un fil rouge plutôt original pour mener son récit. Kazimir Doen, un privé déprimé, est chargé par le Centre Pompidou de retrouver trois tableaux d’art contemporain disparus de la circulation pendant la Seconde Guerre Mondiale. Ce sont les fameux “Carrés” du titre, bien entendu : un noir, un rouge, un blanc. De la République Centrafricaine à la Russie en passant par San Francisco, Kazimir aura pas mal de pain sur la planche, croisant des dictateurs, des anciens nazis et des mafieux qui veulent tous lui trouer la peau. Les intrigues d’Éric Adam sont souvent plus complexes qu’on ne le croit au bout de quelques pages, et ses nombreux rebondissements astucieux font rapidement oublier les quelques grosses ficelles qu’il peut utiliser ici ou là. Et si le dessin d’Olivier Martin est plutôt classique, sa mise en case extrêmement nerveuse sert formidablement bien le récit. Un très bon divertissement, classique et original à la fois.

la-visite-des-morts_couv“La Visite des Morts”
Philippe Girard
Glénat Québéc
16,4 x 23,6 cm
84 pages

http://www.glenatbd.com
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Maurice est un homme terne, “transparent” nous dit-on. Il est fonctionnaire, a une petite vie réglée comme du papier à musique, sans aucune fantaisie. C’est un mort vivant. Un jour, pourtant, alors qu’il assiste à l’enterrement d’une vieille connaissance, il se surprend à prendre la parole devant tout le monde pour faire l’oraison funèbre du défunt. Il se découvre alors un véritable talent d’orateur, créant plus d’émotions dans la salle qu’il n’en avait jamais suscitées de toute sa vie. Maurice se sent soudain plus vivant que jamais. Et décide d’écumer les sépultures pour retrouver ce sentiment d’exaltation. Jusqu’à tomber sur le mauvais cadavre… L’idée de ce court album du Québécois Philippe Girard est vraiment excellente. On se laisse immédiatement embarquer dans cette histoire truculente et tragique à la fois, qui pousse même à réfléchir sur le sens qu’on donne à notre existence. Et ça se lit qui plus est en un rien de temps… Vous n’avez donc aucune excuse.

rorschach_couv“Rorschach”
Terreur Graphique
6 Pieds Sous Terre
21 x 27,5 cm
104 pages

http://www.pastis.org/6piedssousterre/
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Le test de Rorschach, vous savez tous ce que c’est. On vous montre des taches symétriques et vous devez dire ce que vous y voyez. A partir de quoi on commence à analyser votre subconscient. Lors d’une séance de psychothérapie, le dessinateur Terreur Graphique (que vous pouvez lire dans les pages de Fluide Glacial) va se plier à ce test un peu à contrecœur. A sa grande surprise, les taches le plongent dans son inconscient, peuplé de ses démons intérieurs, de ses pulsions refoulées et de ses cicatrices encore purulentes. Le problème, c’est que même sorti de chez le psy, la moindre tache lui fait toujours le même effet. Alliant humour caustique et hallucinations visuelles, Terreur Graphique trouve le ton juste pour parler de sujets sérieux comme le deuil, la famille, le sexe… Son dessin plaira peut-être davantage aux amateurs d’une certaine école américaine (de Crumb à Joe Matt pour faire large) mais ses trouvailles graphiques laissent le lecteur pantelant à la fin de l’album. Flippant!

desert-park_couv1“Desert Park”
Thomas Humeau
Manolosanctis
19,6 x 27,8 cm
94 pages

http://www.manolosanctis.com
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On pourrait croire qu’un Angevin sur deux est musicien (Zenzile, Hint, Pony Pony Run Run, Sexypop, Nouvel R, Daria… pour ne parler que de ceux qui sont sur Mowno). Et que l’autre est auteur de BD (Pascal Rabaté, Etienne Davodeau, Marc-Antoine Mathieu, Olivier Martin, Olivier Supiot…). Thomas Humeau vient d’ailleurs grossir les rangs de cette deuxième catégorie. Son premier album sort chez Manolosanctis que vous devez commencer à connaître si vous lisez régulièrement cette rubrique BD. Un type roule à toute berzingue sur l’autoroute, visiblement pas dans son assiette. De vieux souvenirs reviennent le hanter. Il y a des années. Ils étaient gosses. C’était les vacances. Ils s’étaient tous rencontrés dans un village vacance complètement sinistré après une énorme tempête. Finalement, ça faisait un terrain de jeu parfait, avec des piscines impromptues, des parties de foot dans des endroits improbables. Et puis il y avait la jolie Maria… Du haut de ses 23 ans, Thomas Humeau signe un bel album sur la préadolescence, quand les rêves innocents de gosses ont parfois du mal à s’accorder avec les tragédies de la vie.

chair-de-laraignee_couv1“La Chair de l’Araignée”
Hubert & Marie Caillou
Glénat
20,5 x 27 cm
80 pages

http://www.glenatbd.com
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Bon, décidément, je ne vous ai dégoté que des BD de gens qui ne vont pas bien ce mois-ci (moi, ça va, hein, au cas où vous vous en soucieriez). “La Chair de l’Araignée” traite d’un sujet finalement assez peu documenté dans les œuvres de fiction: l’anorexie. Un jeune garçon et une jeune fille se croisent dans la salle d’attente du psy. Ils ont tous les deux leur corps en dégoût. Et cherchent donc à le modifier en le sous-alimentant. Ce point commun va les rapprocher dangereusement. Les deux auteurs réussissent à parler du quotidien des anorexiques avec pudeur et pourtant sans tabou. Certaines scènes choc mettent réellement mal à l’aise. Il faut dire que les couleurs froides de Marie Caillou (dont le trait clair rappelle pas mal Chris Ware) collent à merveille avec l’ambiance mortifère du récit. Heureusement, le duo réussit à apporter suffisamment de poésie à l’histoire pour ne pas sombrer dans le voyeurisme malsain ou l’angélisme pleurnicheur. N’empêche… Je crois que je vais me reprendre une part de galette, moi…

Bonne lecture et au mois prochain !


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