Zombie Zombie, synthés, gloire et beauté

Zombie Zombie, synthés, gloire et beauté

Voilà 10 ans que Zombie Zombie s’épanouit. 10 ans que le duo – devenu trio – grandit, développe et insuffle à ses machines le goût de l’expérimentation, du projet sans calcul, et de la recherche constante au sein d’un univers ou l’expression ‘zone de confort’ a été bannie depuis bien longtemps. Installé chez Versatile depuis ses débuts, le groupe a sorti cette année son cinquième album, Livity. Très éloignée des derniers projets qui s’orientaient vers un autre système solaire, cette nouvelle étape étoffe, par touches subtiles, toute la maîtrise dont Zombie Zombie est capable. Composé en sept jours, le disque alterne passages familiers et petites aventures qu’il a fallu éclaircir avec lui le temps d’une interview.  

Est ce que c’est le premier album que vous enregistrez aussi rapidement, en une semaine ?

Etienne Jaumet : Bah, on a toujours fait comme ça oui. On est allé plus vite sur celui d’avant : Slow Futur nous a pris 4 jours.
Cosmic Neman : Ouais, en général, on fait un morceau par jour. On ne met pas beaucoup de temps en studio, déjà parce que c’est un coût, surtout pour les derniers disques qu’on a enregistré. Ici, c’était pas tant le coût, mais plus une question de planning. On ne pouvait pas avoir plus de 7 jours, et je pense qu’on aime travailler vite. Puis on a jamais eu l’occasion de se retrouver 3 semaines dans un studio.
EJ : Le mixage est plus long que l’enregistrement.

Qu’est ce que vous retirez de cette contrainte du coup ?

CN : Je pense que c’est excitant de travailler comme ça. Personnellement, je pense que j’aurais plus peur de me perdre en studio, à vouloir refaire les choses. Après, chaque fois qu’on fait des prises, on est souvent satisfait par la première. Ce n’est pas souvent la plus parfaite, mais c’est celle ou il y a un feeling plus intéressant que quand tu veux refaire mieux, avec moins de fautes. J’ai l’impression que pour notre musique, ça ne sert à rien de chercher la perfection.

Et avec les années, j’imagine que ce feeling se perfectionne…

EJ : On fait des choses de plus en plus compliquées aussi. Avant, on était que deux, et avoir un feeling en duo est beaucoup plus facile parce qu’il y a moins de variables. Maintenant, nous sommes trois, donc c’est une variable supplémentaire. Mais ça a le mérite d’apporter les idées nouvelles de Jérome, qui ne sont donc pas les nôtres et qui nous poussent ailleurs.
CN : Ouais, c’est une autre forme d’interaction. Tu as un sentiment de groupe beaucoup plus fort en trio qu’en duo, ca implique beaucoup plus de partage. Jouer et se synchroniser avec les machines est forcément plus complexe.

Vous préférez la scène au studio ?

EJ : L’un sans l’autre, je pense que ça n’a aucun intérêt. Faire seulement du studio m’ennuierait je pense. Ce qui est intéressant, c’est de passer de l’un à l’autre non ?
CN : Nous, on enregistre en direct, en live, donc aller en studio, c’est un peu comme faire un concert. Je pense que, dans la manière, on est un peu comme un groupe de jazz, ou les mecs enregistrent de manière spontanée. J’imagine qu’il y a des groupes de jazz qui ont passé du temps en studio, mais à priori, c’est plus ça dans le principe. En studio, il y a cette énergie de l’instant qu’on aime, cette énergie de la prise.

Sur ce dernier album, j’ai trouvé que certains morceaux se rapprochaient toujours plus du club. Je me demandais si la présence d’I:Cube à la production avait quelque chose à voir avec ça…

EJ : Oui, je pense qu’il a apporté ce rapport à la rythmique qu’il maitrise, à la danse qui était présent dans notre musique avant. Là, il a rendu les choses encore plus efficaces.
CN : Dans le mixage aussi, dans la mise en avant de certains éléments, que ce soit le pied de la boite à rythme, ou le mixage des batteries. Je pense qu’il y a un truc que I:Cube a dans le sang, ça fait partie de sa touche.

Vous êtes sur un label qui est d’abord connu pour sa musique club. Quel rapport entreteniez-vous avec ça ? Est-ce que c’était parmi vos premières influences ou c’est venu sur le tard ?

EJ : Ca l’est devenu après. One ne vient pas de là à la base.
CN : On vient du rock indépendant à la base. La techno et autres sont des choses qu’on a découvert avec Gilbert, I:Cube… C’est pour ça que c’était intéressant de travailler avec eux. On a quand même pas mal de lacunes encore dans ce domaine. Les seules choses qu’on pouvait écouter, qui se rapprochaient de la musique électronique, c’était le krautrock, les pionniers de la musique électronique. Mais après, dans les années 90, on écoutait Sonic Youth ou les Pixies.

Vous avez vu votre musique se faire remixer, ça devait être assez marquants au début non ?

EJ : Oui, moi ça m’a fait bizarre. Surtout quand il y a des remixes qui sont fait majoritairement avec la musique du mec, et qu’il colle un élément de la tienne par dessus. Maintenant, je m’en fous un peu, ce n’est pas vraiment ma musique.

C’est quoi alors un bon remix ?

Un bon remix, c’est un bon morceau.
CN : Ce qui est amusant, c’est quand les gens utilisent des pistes du morceau original. C’est vrai que, des fois, on se demande si le mec n’avait pas un morceau sous la main, et s’en est servi pour remixer le tien. Après, ça peut être bien, c’est toujours amusant et intéressant de voir le détournement de ta musique avec des éléments qui ne sont pas les tiens.

En faisant des recherches, j’ai vu des sites très différents reprendre l’annonce de la sortie de votre nouvel album. Il y avait Boomkat et ensuite Metalorgie, un site metal punk. Selon vous , qu’est ce qui rassemble autant dans votre musique ?

Oh, je pense qu’on est un peu a la croisée des chemins de par notre carrière aussi. Et comme on te le disait, on vient plutôt du rock indépendant, on a signé sur un label de musique électronique, il y a tout ces mélanges qui se retrouvent un peu dans notre public, nos influences sont très variées. On a même joué dans un festival quasi métal, très seventies, aux Etats Unis avec Pentagram à l’affiche. Il n’y avait que des groupes à guitare, même si le côté prog nous rapprochait. On était les seuls à ne pas être tatoués, avec les cheveux noirs et longs. C’était amusant.

Vous pensez que votre public a beaucoup évolué en 10 ans ?

EJ : Les deux ont évolué, eux comme nous.
CN : C’est assez mélangé oui. Il y a des jeunes qui viennent pour le coté un peu club, des vieux parce que ça leur rappelle la musique des 70’s… Nous, on aime bien ce mélange. Si on faisait de la musique de kids, on ne durerait pas très longtemps.

Vous avez des retours de gens qui viennent d’univers musicaux très variés qui vous expliquent ce qu’ils aiment dans votre musique ?

EJ : Oui, les gens arrivent avec des références différentes, c’est ça qui est agréable. On nous dit que ça ressemble à Kraftwerk, que ça ressemble à Jean Michel Jarre… Et encore, ça c’est assez proche. D’autres nous rappellent CAN, et dernièrement Perturbator aussi. On ne connait pas, mais chacun a ses références, il n’y a pas de problèmes.

Vous avez composé la BO de Loubia Hamra, une autofiction avec des acteurs semi-pro qui était très éloignée de ce à quoi votre musique faisait penser. Quel impact cela a eu sur vous à l’époque ?

CN : En fait, je pense que ça nous a vachement plu de nous retrouver dans la musique d’un film qui n’est justement pas à l’évidence de notre musique, avec un autre univers. Je pense que c’est ça qui était intéressant. Ca aurait été trop évident si on nous avait demandé de composer la musique d’un film d’horreur par exemple. Je pense que c’était super de confronter notre univers avec quelque chose qui n’a rien à voir avec lui.
EJ : Et puis je trouve que ça marchait. On a essayé pour que ça colle, et on a vu qu’on en était capable.

Vous aviez changé des choses pour ce projet ?

CN : A priori non, on a vraiment joué et improvisé en regardant les images. La réalisatrice aimait notre musique, et on avait un peu carte blanche. Elle voulait qu’on joue notre musique, et ne nous a pas emmenés ailleurs. Il y a même des fois ou on voulait plus coller à son univers mais elle refusait. La seule critique qu’elle ait pu nous faire, c’était donc plutôt de nous recentrer sur ce qu’on faisait d’habitude, plutôt que de nous en éloigner.

Vous espériez travailler sur une BO ?

EJ : Exactement. Par expérience, on sait qu’il ne faut pas presser les choses. Ca doit venir d’une démarche du réalisateur, parce que c’est lui qui a une vision globale des choses. Parfois, provoquer les rencontres ne marche pas, il faut faire les choses comme on le sent. Cette intuition là, elle est essentielle. Et nous, on fonctionne de la même façon, à l’intuition que ce soit pour nos rencontres, pour composer, dans notre façon de jouer. C’est ça la clef : faire les choses avec le coeur et les sentiments.

Est ce que c’était une période ou l’image ‘musique de film d’horreur, John Carpenter’ vous collait à la peau ?

Ca n’a pas beaucoup évolué, on nous en parle toujours.
CN : Ah ça nous colle toujours à la peau oui. Pourtant, nous, on n’a pas trop surfé dessus. C’est aussi pour ça qu’on a fait d’autres choses. Dernièrement, on a fait la BO d’un spectacle de cirque contemporain, ça n’a pas grand rapport. Notre dernier disque ne parle pas trop de ça non plus. On est curieux de plein de choses, et effectivement le cinéma d’horreur et sa musique en font partie. Après, on a un peu joué avec ça vu qu’on s’appelle Zombie Zombie. Mais pour nous, c’était une chose parmi d’autres.

Ca a pu vous agacer ?

EJ : C’est toujours agaçant qu’on nous mette dans une boîte, alors qu’on ne veut pas trop y être.
CN : C’est juste dommage que, parfois, les gens ne se rendent pas compte qu’il y a autre chose dans notre musique.

L’artwork de votre album dégage quelque chose de plus agressif. C’est moins harmonieux que par le passé. Il y a des choses plus déroutantes aussi, je pense au morceau Looose notamment…

EJ : On voulait te faire un morceau un peu à la James Chance, du coup on est parti sur une ligne de basse, et tout s’est mis en place, avec des breaks un peu fous. On aime bien casser les structures.
CN : Ce sont des choses qu’on faisait un peu en concert, des moments un peu free, et qu’on n’avait jamais vraiment enregistré. Toute la période new york noise américaine du début des années 80, c’est quelque chose qu’on aime beaucoup, avec ce mélange de cuivres qu’on a avec Etienne et Jérôme. C’était un peu l’occasion de jouer à ça.

Et comment a évolué votre relation avec Versatile ? Vous y êtes depuis vos débuts ?

Moi, ce que je trouve intéressant avec Versatile, c’est que Gilb’r nous a toujours soutenu dans nos projets. C’est quelqu’un qui aime sortir des disques et qui est toujours partant pour des projets qui sont pas forcément évidents économiquement. C’est quand même assez rare. Je pense que c’est une raison qui n’est pas négligeable au regard de la conjoncture de la musique aujourd’hui.
EJ : C’est son enthousiasme qui me touche aussi. Il pense que le dernier qu’on a fait est notre meilleur. Ca fait plaisir, même si je ne suis pas d’accord avec lui. Le meilleur, c’est le prochain, c’est celui qu’on fera plus tard. C’est un artiste aussi, un directeur artistique, il a toujours envie qu’on aille plus loin. Et ça, c’est bien, c’est stimulant.

Il a pu vous orienter vers certaines choses ?

CN : Je pense que c’est un bon directeur artistique. Il suggère plus qu’il ne nous impose les choses. Il a su nous pousser dans d’autres directions, vers ce qu’il a en lui, dans sa culture musicale, sa capacité à allonger des morceaux. Il nous a toujours dit que c’était quelque chose qui semblait correspondre à notre musique, et je pense qu’on s’est pas mal étalé en longueur depuis nos débuts (rires). Il avait raison sur des choses comme ça.

Il y a des BO qui vous ont plu récemment ? Je pense à celle de It Follows ou ‘Good Times’ ?

EJ : Ah oui, celle de It Follows est très bien, mais ce n’est pas si récent que ça.
CN : Je n’ai pas vu Good Times, mais je connais la musique. Après, je pense qu’on a été plus intéressé par les BO de Mica Levi comme celle de Under The Skin ou Jackie. Je pense que c’est une des dernières BO vraiment marquantes, avec un traitement sonore très intéressant. Le dernier de SF aussi, Premier Contact.
Dr Schonberg : Dans Good Times, le son est à fond, tu le prends vraiment en pleine face.
EJ : Ah c’est bien ça, j’aime bien.

Quelle est cette énergie cosmique dont vous parlez dans la bio de Livity ? Vous pouvez nous l’expliquer ?

CN : C’est une énergie cosmique.
EJ : C’est lui le rastafari du groupe, avec les dreads qui poussent à l’intérieur.
CN : Au début, c’était pour brouiller les pistes. Après, on aimait bien le nom. C’est juste un concept de la religion rastafari qui désigne la force de vie, le mode de vie rastafari. Ca parle de fumer des joints entre autres, mais aussi d’un ascétisme dans la nourriture, de ne pas manger d’animaux, ce qu’on fait nous aussi. Ca, c’est juste le hasard. Mais ce qui nous amusait, c’est que ça sonnait comme un mot de science fiction, comme gravity. Ca aurait été un peu bête d’appeler l’album comme ça, mais après j’aime beaucoup la musique jamaïcaine, le vaudou, ces choses qui viennent de là-bas. On utilise aussi des machines dont ils se servent : du delay, le space echo… C’est aussi un petit clin d’oeil.

C’est quoi la pire question qu’on vous ait posé en interview ?

EJ : C’est celle-çi, merci, au revoir ! (rire) Ou alors, pourquoi vous vous appelez Zombie Zombie ?
CN : Comment décririez vous votre musique ? Je crois que c’est une des pires celle-là. Celle ou tu as envie de dire : ‘mais ce n’est pas ton métier ça ?‘. Nous on ne la décrit pas, on la joue. C’est un grand classique. Quand ça commence comme ça, tu sais que c’est mal parti.

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