The Ocean, au gré de ses courants

The Ocean, au gré de ses courants

Depuis un peu plus de vingt ans maintenant, The Ocean n’a eu de cesse de faire évoluer son post-metal et de largement le diffuser aux quatre coins de la planète. Ce qui, à l’origine, consistait en un collectif impliquant de nombreux musiciens – une quarantaine depuis sa création – a progressivement pris la forme d’un line up stable, mais avec une constante : Robin Staps (guitare), à l’origine du projet, continue de mener la barque d’une main de maître. Un peu à la manière d’Aaron Turner (ISIS, Old Man Gloom, SUMAC, Mammifer), Staps se trouve être à l’origine aussi bien des concepts, des compositions que des artworks. Autre point commun avec son homologue américain, fondateur de feu Hydrahead Records : le Berlinois est depuis 2009 aux commandes de l’hyperactif label Pelagic Records. Autant dire que les sujets ne manquaient pas lors de cette discussion avec Robin et Loïc Rossetti (chant), à commencer par ce nouveau virage empreint de trip hop sur Holocene, leur nouvel album

Votre nouvel album, Holocene, a un côté très Massive Attack. J’ai lu que Peter Voigtman (claviers du groupe, ndlr) était à l’origine des premières idées de morceaux. Sachant que votre batteur, Paul Seidel, a récemment sorti un disque assez électronique, y avait-il une envie sous-jacente au sein du groupe d’intégrer ces ambiances trip hop ?

Robin : À vrai dire, on écoute pas mal de musique électronique. D’ailleurs, si tu jetais une oreille à ce qu’on passe dans le van, tu ne trouverais pas tellement de trucs metal ou avec de grosses guitares, même si on en écoute quand même pas mal. On est tous très fans de l’album Mezzanine, ou aussi de Portishead et de toute la scène trip hop et électro de la fin des années 90/début 2000, quand on a commencé à voir apparaître ce mélange plus marqué entre musiques électro et rock. Je trouve cette période très intéressante, surtout Mezzanine, qui a tout juste 25 ans. Ça faisait un bail que j’avais envie de faire un disque comme celui-ci, qui soit à la fois heavy et qui intègre aussi cette atmosphère trip hop. Mais ça n’était pas une décision consciente lorsqu’on a commencé à travailler sur les morceaux. Peter m’a juste envoyé ses quelques idées à l’Automne 2020 : elles m’ont beaucoup plu même si je n’étais pas sûr au début s’il s’agissait là d’idées pour The Ocean. Puis j’ai commencé à ajouter des parties de guitares et de batterie, des arrangements de cuivres, et après quelques semaines, nous avions finalement des morceaux qui sonnaient comme du The Ocean ! Et même s’ils semblaient assez différents du reste de notre discographie, nous avions déjà fait des choses assez proches sur la deuxième moitié de notre précédent album, Phanerozoic II… Par exemple, des morceaux comme celui que Paul avait écrit, ou également Oligocene ou Holocene s’aventuraient sur des terres électroniques assez sombres, le tout combiné au son heavy de The Ocean auquel notre public est habitué. Avec ce nouvel album, je dirais donc qu’il s’agit là plus d’une progression naturelle que d’un énorme changement.

Avec cette nouvelle évolution de votre son, n’aviez-vous pas peur de perdre une partie de votre public peut-être en attente d’un son plus heavy ?

Robin : Je pense que nos fans attendent que l’on fasse quelque chose de différent à chaque fois. On peut même dire que nous les avons un peu habitués à ça au fil des dix albums que l’on a sortis. D’ailleurs, quand Loïc a rejoint le groupe pour Heliocentric / Anthropocentric en 2010, beaucoup de gens se sont plaints que l’on ne joue plus du metal. Nous leur avions alors répondu que nous ne nous sommes jamais considérés comme un groupe de metal à part entière : nous nous sommes juste retrouvés affiliés à cette ‘scène’. Maintenant, le public s’est fait à cette idée d’évolution et attend même que l’on ne refasse pas le même disque sans arrêt. C’est un vrai privilège… On est dans une situation où l’on peut se permettre de tenter presque tout. C’est une vraie liberté qui nous enlève un poids de taille en tant qu’artistes qui souhaitent juste suivre leurs envies  ! Certains trouveront que ce nouvel album n’est pas assez heavy, ce qui est en partie vrai. Mais je dirais qu’ici surtout, le côté heavy vient plutôt des contrastes, des progressions. Il s’agit donc de dynamiques qui vont au-delà des simples morceaux. C’est quelque chose que l’on a appris au fil des années et qui se retrouve vraiment sur cet album qui, pour moi, est clairement notre meilleur pour l’instant.

Vous avez tourné de manière plutôt intense ces derniers mois, y compris en Amérique du Sud, ce qui n’est pas si commun pour les groupes, européens en particulier. Avez-vous pu déjà jouer certains morceaux d’Holocene sur scène ?

Loïc : On a tellement joué récemment que nous n’avons pas eu le temps de répéter ces nouveaux morceaux tous ensemble, d’autant que nous habitons tous plus ou moins dans des pays différents. Ce sera donc la prochaine étape pour nous : nous réunir pour jouer ces morceaux et préparer le set, y compris au niveau des jeux de lumières et des projections vidéo.
Robin : La façon dont on travaille peut sembler étrange vue de l’extérieur… C’est un processus qui peut se résumer ainsi : écrire, apprendre, puis oublier. En gros, on écrit le disque et on l’oublie, essentiellement parce qu’on part souvent en tournées durant lesquelles on joue d’anciens morceaux. Ensuite, on rentre en studio pour enregistrer les nouveaux, ce qui nous amène à les réapprendre. Puis, on les oublie à nouveau alors que l’album est mixé. Quand il sort enfin, un certain temps s’est écoulé, et on doit les réapprendre une troisième fois avant de partir en tournée… Pour nous, c’est un processus normal.

Depuis le début du groupe, c’était surtout toi, Robin, qui écrivais les morceaux. Mais depuis quelques temps, et encore plus avec cet album, j’ai l’impression que le processus d’écriture est plus collaboratif. Est-ce une évolution que vous souhaitiez depuis longtemps ?

Robin : Ça n’était pas vraiment un choix conscient, juste quelque chose qui a pris forme au fil du temps. Ce nouvel album est différent car chaque morceau provient d’idées proposées par Peter. Et même s’il ne s’agissait alors que de quelques parties structurées par morceau, elles étaient déjà assez détaillées. Peter a une manière d’écrire la musique différente de la mienne. Dans un premier temps, je me focalise pas mal sur les tonalités de guitares par exemple, alors que lui travaille assez vite de manière très détaillée sur les sons, et ce qu’il m’envoie est généralement de qualité studio. Il m’a donc proposé deux idées par morceau et pour moi, le fait de ne pas partir d’une page blanche, d’avoir une base qui me parlait était vraiment cool et inspirant ! C’est donc, effectivement, un album plus collaboratif. Mais je ne sais si c’est réellement le cas de manière plus large à l’échelle du groupe. En tout cas, notre façon de fonctionner change à chaque disque. On essaie de garder cela intéressant.

Tu mentionnais les arrangements de cuivre que tu avais toi-même intégré aux morceaux… Est-ce toi qui les as complètement structurés, ou est-ce que les musiciens qui ont enregistré ces instruments t’ont aussi fait des propositions ?

Robin : Non, ils ont surtout exécuté les parties que j’avais écrites. Je suis tombé amoureux des cuivres avec ce disque en particulier. Dès le début, je trouvais que ça collait bien avec l’atmosphère de l’album. J’ai donc très vite décidé de pas trop travailler avec les instruments à cordes pour mieux me focaliser sur les cuivres, et obtenir un son spécifique pour l’ensemble du disque. Ça a plutôt bien marché, je pense. La trompette et le cor ont été enregistrés à Berlin par quelqu’un qui a déjà été impliqué sur le double disque Phanerozoic : à la fois un très bon musicien de studio et un mec très cool. Et les parties de trombone ont été enregistrées à Londres par un musicien que j’ai pu contacter via Jo Quail, mais que je n’ai pas eu l’occasion de rencontrer. Au final, l’album sonne assez orchestral, un peu comme un ensemble jouant dans une même pièce, alors qu’il s’agit là de patchworks.

Chacun de vos albums repose sur une thématique bien marquée. Qui en est à l’origine au sein du groupe ? Plusieurs membres, ou essentiellement toi, Robin ?

Loïc : Tout vient de Robin, et ça ne changera pas, d’autant que nous avons des approches différentes, lui et moi. Il fait cela vraiment très bien, il sait parfaitement où il souhaite aller, ce qu’il veut décrire, les sujets qu’il veut disséquer. On fonctionne comme ça depuis le début, et ça marche très bien, il n’y a donc aucune raison de changer. The Ocean c’est un peu LE projet de Robin : il en a une vision vraiment complète. Et ça me va très bien comme ça, à vrai dire… (rires)
Robin : Le processus d’écriture des parties vocales et des textes est assez spécial avec notre groupe, je pense. Les paroles viennent en effet à la fin du processus d’écriture. On commence donc par l’écriture de la musique de manière complètement instrumentale. Ensuite, Loïc et moi, on se voit en studio pour bosser le chant, sans avoir encore les textes. On travaille d’abord les mélodies, et quand on commence à sentir qu’on tient des lignes de chant intéressantes, on les affine. Et ça n’est qu’ensuite que je commence à écrire les textes des morceaux, tout en m’assurant qu’ils collent avec ce que Loïc chante en termes de rythme, de phrasé, de rimes etc. Pour arriver à cela, j’aime bien avoir un cadre thématique, une base de laquelle partir pour ensuite développer plus profondément mes idées.
Loïc : La plupart des chanteurs ne partent pas de textes. J’avais d’ailleurs lu une interview de Dave Grohl qui disait cela aussi. Idem pour Maynard (James Keenan ndlr) ou Trent Reznor… Tu commences par chercher des mélodies, puis tu trouves des mots. Démarrer par le texte est trop limitant à vrai dire… Il y a plein de directions que tu ne pourrais pas prendre, ou de choses que tu ne pourrais pas faire.
Robin : Cette phase d’écriture des textes est en tout cas probablement celle qui prend le plus de temps lorsqu’on fait un nouveau disque. Et particulièrement pour Holocene, je dirais… Nous nous sommes enfermés tous les jours pendant plusieurs semaines pour bosser sur ce disque. Le processus est donc généralement assez compliqué, mais je crois qu’on a trouvé une approche qui fonctionne pour nous : entre de l’improvisation pour Loïc et quelque chose de plus ‘mathématique’ pour ma part.

Le temps, c’est un allié ou un ennemi pour vous ?

Loïc : La pandémie nous a laissé du temps pour essayer de nouvelles choses. Pour moi, c’était vraiment super de pouvoir laisser les compositions respirer un peu, puis de revenir dessus avec d’autres idées supplémentaires en tête. C’est une sorte de ‘luxe’ que nous n’avons pas eu sur l’album précédent, par exemple.
Robin : Je suis d’accord, mais c’est aussi en quelque sorte un puit sans fond… Personnellement, je travaille mieux quand je suis un peu pressé par le temps : tu dois boucler les choses et ça te force à prendre des décisions. Parfois, lorsque tu en as trop, tu peux essayer un paquet d’idées puis finir par ne plus savoir laquelle est la bonne. Par exemple, pour Holocene, on a demandé à pas mal de personnes différentes de nous proposer leur mixage. Au bout du compte, on a un peu eu l’impression de chasser un fantôme. On voulait obtenir un son à la fois plus brut et organique, mais aussi massif, qui soit harmonieux avec les parties électroniques mais qui explose par moments. On voulait aussi des sons de batterie qui soient parfois ambient… Bref… On s’est un peu perdu en chemin dans ce processus. Mais c’est vrai que, d’un autre côté, avoir du temps pour prendre un peu de distance est bénéfique par moments. Ce recul a permis aussi bien de remettre en question certaines idées que de nous rassurer sur d’autres.

Depuis un certain temps, vous proposez systématiquement une version instrumentale de vos albums. J’imagine que vous prenez aussi cela en compte lors de l’écriture, histoire que les morceaux fonctionnent aussi bien avec que sans chant ?

Robin : Ça se fait assez naturellement, vu que la musique est écrite en premier. D’ailleurs, il est parfois complexe d’y ajouter des paroles tant les morceaux fonctionnent toujours bien en version instrumentale. En revanche, en live, c’est plus compliqué… On l’a d’ailleurs constaté lorsque Loïc s’est cassé une jambe lors d’une récente tournée aux US. On a dû jouer nos sets en version instrumentale, et nous n’étions pas vraiment préparés à cela. C’était un peu comme si quelqu’un appuyait sur le bouton ‘mute’ pour la voix… (rires) Ça ne marchait donc pas forcément bien pour tous les morceaux.

Vous mentionniez ton implication centrale, Robin, pour la plupart des aspects du groupe. Est-ce toi aussi qui travailles sur les artworks ? Ou sinon, donnes-tu des consignes précises à des graphistes ?

Robin : Je suis, en effet, moteur à ce niveau-là aussi, même si je ne réalise pas ces artworks moi-même. Cela fait sept albums que l’on bosse avec Martin Kvamme. Pour Holocene, on a aussi impliqué une autre personne, Stefan Alt, que j’ai connu lorsqu’on a sorti avec Pelagic le vinyle The Other qui comporte des reprises de Lustmord enregistrées par divers artistes (dont Mono, Spotlights, Godflesh ou encore Steve Von Till ndlr). J’ai voulu les faire bosser ensemble pour voir si cela pouvait donner une collaboration fructueuse. Et le résultat nous a beaucoup plu… Stefan a fait le premier draft, et je dois dire qu’on l’avait trouvé un peu trop ‘conservateur’. On voulait un artwork plus moderne sans que celui-ci ne ressemble à un album de prog. C’était un gros challenge… Le deuxième draft était déjà beaucoup plus proche de la version finale. Martin a produit la plupart des éléments, mais Stefan s’est ensuite chargé des arrangements et des aspects plus techniques. Surtout qu’avec la sortie physique de l’album, on a prévu des choses assez spéciales : on a pas mal expérimenté avec différentes techniques d’impression, des encres métalliques, des contrastes mat / brillant, différents types de papier etc. Ce que j’ai beaucoup apprécié avec Martin et Stefan, c’est qu’ils ont vraiment cherché à aller jusqu’aux limites de ce qu’il est possible de faire avec une pochette de disque. Tout ça a pris plus d’un an… L’autre jour, j’ai vu qu’on avait échangé pas loin de 500 mails assez longs, et aussi pas mal de conf call ! (rires)

Si j’ai bien compris, La Société du Spectacle de Guy Debord est un ouvrage central derrière la thématique d’Holocene, avec en particulier les problématiques de surconsommation de la société actuelle, mais également de la surabondance d’images et d’informations, le tout avec son lot de théories du complot plus que jamais présentes pendant l’épisode Covid. J’ai même cru voir des références à la crise environnementale actuelle… Pouvez-vous nous en dire un peu plus là-dessus ?

Robin : Tous ces sujets se retrouvent de manière générale tout le long de l’album et de différentes façon selon les morceaux. C’est un album très ‘post-moderne’ dans le sens où il représente diverses idées et différents angles sur plus ou moins la même thématique, mais il s’agit peut-être du moins conceptuel des albums de The Ocean étant donné que chaque morceau traite d’un sujet en particulier. Boreal traite de théories du complot, Parabiosis parle du fait de vieillir puis de mourir… Nous sommes dans une société où l’on ne voit plus tellement de personnes âgées dehors. Beaucoup d’entre elles vivent assez isolées dans des maisons de retraites alors que, dans la rue, on voit plutôt des gens assez jeunes et en bonne santé. C’est étrange… Un autre sujet prépondérant est celui de la vitesse de la communication dans le monde actuel et des informations qui se perdent en chemin. Et c’est effectivement quelque chose que Debord avait traité dans son ouvrage de 1967, que j’avais lu lorsque j’étais étudiant et que j’ai relu lorsque j’ai bossé sur les paroles de ce disque. Quand tu le lis maintenant, on dirait qu’il s’agit d’un livre sur la société actuelle, que l’on pourrait qualifier de ‘société Youtube’ ou ‘Instagram’, où le pouvoir des images tend à prendre le dessus sur le vrai contenu, où la représentation semble plus importante que les discours. Et de manière assez ironique, ce livre a été écrit 50 ans avant les débuts de l’internet. Debord ne parle évidemment pas de cela, mais son livre revêt un caractère presque prophétique quand tu le lis maintenant. Je trouvais cela intéressant… On a d’ailleurs éparpillé plusieurs citations de Debord et de Raoul Vaneigem dans le livret du disque : j’ai en trouvé une plutôt appropriée pour chacun des morceaux. Ce genre de sujets est évidemment source de débats et discussions… Le sujet de la crise climatique est aussi un peu présent, mais on l’avait surtout traité avec Phanerozoic I & II. Pourtant, on revient un peu dessus sur Subatlantic qui vient clôturer non seulement l’album, mais aussi une trilogie avec les précédents : nous sommes arrivés à la fin d’un cycle en tant que groupe. Ainsi, quand Loïc chante ‘Prepare for departure‘ sur ce dernier morceau, ça nous concerne aussi : nous avons fait le tour des sujets inspirés par la paléontologie, et nous clôturons ici la thématique avec Holocene. Mais aucun des titres des morceaux ne fait directement référence à cette période critique au niveau climat : les liens sont plus métaphoriques.

Donc pas d’album Anthropocene à venir alors ? (rires)

Robin : (rires) À vrai dire, Holocene inclue déjà l’ère de l’Anthropocène, car tous les sujets sont tirés de cette ère où l’Humanité s’est développée. Et l’on pourrait qualifier la période actuelle d’’âge moderne’, ou encore de dernier chapitre de l’anthropocène. Les deux dernières années ont mis encore plus en lumière certains enjeux sociétaux. D’ailleurs, ce disque est clairement influencé par la pandémie : il a été écrit pendant cette période tellement étrange, une période pendant laquelle nous n’avons pas pu nous voir pendant un an, on ne pouvait pas faire de concerts, ni même répéter. Nous étions tous isolés les uns des autres, mais nous continuions à écrire de la musique, en particulier Peter et moi. Tout était complètement figé et il y avait comme une sorte de ségrégation sociale qui pouvait s’observer au sein de cercles d’amis : les gens se retrouvaient un peu divisés en différents ‘camps’ selon ce qu’ils croyaient ou non. Personne ne savait vraiment ce qu’il se passait. C’était une période vraiment bizarre, une période propice aussi à penser à tout un tas de choses. Et tout cela a vraiment beaucoup influencé les paroles et la création de cet album.

Loïc, sur Holocene, tu utilises beaucoup plus ton chant clair, et ta palette vocale semble plus étendue que jamais. Est-ce quelque chose que tu as beaucoup travaillé pour cet album ?

Loïc : Non, pas vraiment… À vrai dire, j’ai toujours été plus attiré par le chant clair que par le chant ‘hurlé’. En tout cas, les nouveaux morceaux, surtout les quatre premiers, sont faits pour un chant plus mélodique : il n’y pas vraiment de place pour des cris même si, au final, tu fais ce que tu veux, il n’y a pas de direction à suivre à tout prix… Pour ce disque en tout cas, trop crier me semblait inapproprié, même si à la fin d’Atlantic par exemple, on sent qu’il y a besoin de faire monter l’intensité. Même chose pour ce qui est de la fin de l’album.

Depuis vos débuts en 2001, un paquet de musiciens (environ une quarantaine depuis le début, ndlr) ont contribué au collectif The Ocean. Mais, depuis quelques années déjà, votre line-up semble plutôt stable. Comment expliquez-vous cela ?

Robin : Je pense que c’est avant tout une histoire d’affinités entre les membres du groupe. C’est aussi probablement dû au fait que nous sommes plus âgés, que nous gérons donc mieux les conflits. Et puis, on apprécie tous être dans ce groupe. Quand on se prend la tête, il suffit que l’on prenne du recul en pensant à ce que The Ocean nous apporte de vraiment génial à chacun, et ça nous aide à passer outre. C’est un processus normal qui va de pair avec le fait de vieillir : tu te prends beaucoup plus la tête quand tu as 20 ans. En gros, on essaie de se focaliser sur les choses positives. Sans compter aussi que chacun d’entre nous amène avec son instrument ce dont le groupe a besoin, et que tout le monde aime vraiment tourner, voyager… C’est important d’avoir cet état d’esprit pour affronter certaines difficultés comme le manque de sommeil, le fait de tomber malade ou de chopper le Covid en pleine tournée aux US alors qu’on devait passer le frontière, et donc devoir gérer toutes les emmerdes qui vont avec. Tu peux arriver à faire ça seulement si tu en as vraiment envie.
Loïc : De mon côté, quand j’ai rejoint le groupe, voyager le plus possible hors de Suisse était ma première ambition. Je rêvais de pouvoir partir jouer à l’étranger. Robin et moi, en particulier, aimons jouer dans des endroits différents. Les dates en Chine étaient vraiment géniales, aller au Kazakhstan et en Arménie a aussi été une sacrée expérience… On aime bien jouer dans endroits où assez peu de groupes vont en général. Il y a quelques années, nous avions par exemple traversé la Russie, en passant par Irkoutsk ou Vladivostok. Quasiment personne ne va jouer là-bas parce que c’est super loin, pas franchement simple au niveau organisation et – évidemment – pas très rentable. Mais on adore bouger, découvrir de nouvelles cultures, la gastronomie locale… C’est vraiment ce que je trouve génial avec la musique.

Vous allez même de temps en temps jouer en Amérique du Sud où, là aussi, assez peu de groupes européens se rendent…

Loïc : Il y a vraiment un public pour nous en Amérique du Sud. Ça n’est pas forcément évident d’y aller parce que c’est cher et que ça suppose pas mal d’organisation logistique, mais ça bouge vraiment là-bas. Quand tu vois le monde présent aux festivals comme Rock in Rio ou Rock in Bogota, avec des mastodontes comme Foo Fighters ou Metallica, c’est vraiment impressionnant… Le public metal est peut-être encore plus important là-bas qu’en Europe…
Robin : Oui c’est clair qu’il y a une grosse scène metal. Elle est probablement plus mainstream, mais il y a quand même de la place pour des groupes plus ‘niche’, death metal notamment, que ce soit au Mexique ou au Brésil. Reste que si tu ne fais pas venir suffisamment de monde aux concerts, au moins 300-400 personnes, tu perds de l’argent. En tout cas, on adore y aller et on va y retourner, c’est sûr. Les gens là-bas sont tellement à fond ! C’est vraiment différent comparé à l’Europe. Parfois, quand on joue à Berlin, il y a pas mal de monde dans la salle, mais le public reste assez impassible, un peu comme des poissons dans un aquarium, avec presque des bulles qui s’échappent de leurs bouches… (rires) En Amérique du Sud, les gens sont surexcités et s’éclatent. Vu que peu de groupes européens passent dans ces coins-là en tournée, le public est hyper reconnaissant et profite vraiment du moment.

Avez-vous d’autres projets musicaux en dehors de The Ocean ? Même si j’imagine que le groupe, vos autres activités avec ton label Pelagic pour toi Robin, ou tes activités d’enregistrement dans ton studio pour toi Loïc, doivent déjà vous prendre tout votre temps…

Loïc : Je n’enregistre plus trop de groupes dans mon studio… C’est devenu un peu compliqué. Par contre, j’ai quelques compositions personnelles qui dorment dans un disque dur. Mais pour l’instant, je manque de temps pour les développer. Un jour peut-être, on verra ! (rires)
Robin : De mon côté, j’ai joué un moment dans un side-project qui s’appelait The Old Wind avec l’une de mes idoles quand j’étais adolescent : Tomas Liljedahl, ex-Breach et Terra Tenebrosa. J’en garde un super souvenir mais le groupe n’existe plus depuis un moment. Puis c’est sûr qu’entre The Ocean et le label, il ne me reste plus beaucoup de temps pour autre chose, malheureusement… (rires) D’ailleurs, la gestion du label est devenue une activité à temps plein. Il a pas mal grossi avec la pandémie, vu que les gens ont dû rester à la maison et ne dépensaient plus d’argent en billets de concerts ou en tournées dans les bars. Les commandes de vinyles ont alors beaucoup augmenté. Nous sommes à présent une équipe de huit personnes. J’aimerais beaucoup travailler sur des projets electro, mais je sais que je ne pourrais pas y consacrer suffisamment de temps pour arriver à quelque chose de satisfaisant, en tout cas pour l’instant…

En effet, je vois passer tellement de sorties d’albums de Pelagic…
Robin : Oui, nous avons tous ces super groupes qui ont aussi besoin de nous pour les aider sur leurs sorties. Je ne peux quand même pas les laisser tomber ! (rires)
Loïc : Tu es un peu leur papa ! (rire général)

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