Temples, éruption auto-contrôlée

Temples, éruption auto-contrôlée

Les anglais de Temples étaient de passage à Paris en fin d’année dernière à l’occasion des 40 ans du label Rough Trade qui leur avait décerné en 2014 la palme du ‘meilleur album de l’année’ pour leur petite perle ‘Sun Structures‘. C’est à cette occasion qu’on a pu poser quelques questions aux sympathiques Thomas Walmsley (basse) et Adam Smith (guitare / synthé) sur leur nouvel album intitulé ‘Volcano’, disponible depuis le 3 mars 2017 sur le label londonien Heavenly Records.

Bonjour Adam et Thom, vous revenez d’une tournée aux USA qui a commencé au mois d’octobre dernier… Comment se sont passés ces premiers concerts et quelle a été la réaction des fans face à ce nouvel opus ?

Adam : Ce fût une tournée assez plaisante et assez rapide en fait. On a traversé le pays de d’Ouest en Est en seulement deux semaines et demi, du coup il y a eu pas mal de route. Nous avions seulement deux jours off, alors on a pas mal enchaîné les concerts, ce qui est finalement très bien, on était bien dedans. Je pense que le public a beaucoup aimé les nouveaux morceaux, pas mal de gens venaient nous voir après les concerts pour nous dire qu’ils aimaient beaucoup la façon dont sonnaient les nouveaux titres.
Thom : C’était également notre première tournée de l’année, donc c’était excitant de faire autant de concerts en aussi peu de temps pour la première fois en 2016.

Combien de nouveaux morceaux avez-vous pu jouer ?

Adam : Je crois que nous en avons joué cinq, mais à la fin de la tournée seulement quatre, je ne sais plus vraiment pourquoi. Mais oui, c’était environ un tiers de notre set qui, je trouve, se mariait bien avec le reste des morceaux. Cela ne semblait pas se détacher dans un mauvais sens, ça marchait assez bien.
Thom : Et puis c’était super de jouer quelque chose de nouveau, et de voir à la fois comment les gens réagissaient à ça, et comment nous y réagissions également.

‘Volcano’ va sortir au mois de mars prochain et, tout comme son prédécesseur, vous l’avez autoproduit. Quelle a été la raison qui a motivé cette décision ? Etant donné le succès rencontré par ‘Sun Structures’, des réalisateurs se sont-ils proposés pour cet album ?

Adam : (rires) Non je ne me souviens pas de coups de fil de producteurs, non.
Thom : Je ne pense pas que nous sommes allés suffisamment loin pour en arriver là, mais pendant une seconde ou deux nous avions eu l’idée que cela pourrait être intéressant de travailler avec quelqu’un d’autre. Il y a eu des idées de noms potentiels qui nous sont passées par la tête, mais je pense que dès lors que nous nous sommes réellement penchés sur le process, nous avons réalisé que c’était en quelque sorte notre responsabilité de le refaire nous-même. Etant donné la manière dont nous avons écrit cet album, c’était important de garder encore une fois la main sur la production. Et d’une manière générale, nous pensons avoir encore beaucoup à prouver. Tu sais, ‘Sun Structures’ avait un son particulier et, avec ce nouvel album, nous devions chercher à ré-établir quel était notre son ; je pense que si quelqu’un s’était chargé de cela, ça aurait été assez dur à gérer. Et puis dans un certain sens, c’était assez naturel chez nous de procéder ainsi.
Adam : Je pense que dans le futur nous pourrions penser à une collaboration, ça dépend juste d’où on en sera d’ici là… Les choses changent, pas vrai?
Thom : En fait, il y a toujours ce truc sur le second album, le fait que cela soit un obstacle pour tant de groupes. Je pense que c’est un obstacle pour nous aussi et, comme je te le disais, on a voulu redéfinir ce que devait être notre son après ‘Sun Structures’. Peut-être que laisser la production à quelqu’un d’autre serait une idée ‘confortable’ pour un troisième album. Mais avec ‘Volcano’, on a voulu montrer à tout le monde un aspect différent de nous, et cela devait se passer sans que quiconque soit impliqué dans la production de notre son.

L’album s’ouvre sur ‘Certainty’, titre sur lequel on remarque tout de suite une production plus synthétique, qui n’est pas sans rappeler parfois Tame Impala. Est-ce pour vous une réelle influence ?

Adam : Euh je ne dirais pas cela non…
Thom : Je pense qu’ils sont un de ces groupes, en ce moment, qui utilisent une palette d’instruments similaires aux nôtres.

Mais vous ne vous sentez pas musicalement proches d’eux ?

Adam : Pour être honnête, non. On nous compare à eux assez régulièrement… Ce n’est pas que nous n’aimons pas ce qu’ils font, c’est juste que ce n’est pas une influence directe pour nous. Je pense que pour ce titre en particulier (‘Certainty’), si nous avions fait n’importe quelle autre sorte d’arrangement dessus, cela n’aurait tout simplement pas marché. Ce morceau est fait pour ce genre de sonorités.
Thom : Ce morceau est une chanson-déclaration, et utilise ce type de sonorités spécifiques. Malgré le fait que cela soit le track n°1 de l’album, et également notre premier single, donc le premier morceau de ‘Volcano’ que les gens ont écouté, je ne pense pas qu’il définisse nécessairement le reste de l’album. Cela serait trompeur que les gens pensent cela de ce disque, qui est génial au passage ! (rires).

Vous a-t-on déjà posé cette question ces derniers mois ?

Adam : Oh non, c’est plutôt ces dernières années (rires)

La semaine dernière, deux versions remixées (respectivement par Franz Ferdinand & Grumbling Fur) de ce single ont été publiées sur votre Soundcloud. Celui de Franz Ferdinand surprend d’ailleurs tant il est étonnamment électronique. Pouvez-vous nous dire un mot sur ces collaborations ?

Thom : Je pense que nous apprécions tous les remixes, en tant qu’auditeurs. Ils sont un peu comme une sorte d’exercice parascolaire, une lecture approfondie de nos compositions. C’est toujours sympa d’écouter l’empreinte structurelle d’une personne sur les idées musicales que nous avons mises en place ensemble. C’est intéressant de voir quelqu’un d’autre faire ressortir quelque chose à partir de ton travail, et spécialement Franz Ferdinand, de voir comment ils sont arrivés à des directions inattendues. Je trouve ça assez amusant.

Les titres de l’album qui m’ont le plus marqué sur ‘Volcano’ sont ‘Mystery of Pop’ et ‘(I Want To Be Your) Mirror’, dans lesquels on retrouve les ingrédients qui ont fait le succès de Temples. A cela s’ajoute une production encore plus rodée que sur ‘Sun Structures’. Y a-t-il une volonté d’aller toujours plus haut chez Temples, au risque de décontenancer son public ?

Adam : Je pense qu’il y avait l’idée d’aller encore plus loin sur cet album, d’avoir un son de très haute-fidélité, de rendre la musique plus directe, et je crois que ces morceaux en sont un bon exemple.
Thom : Je pense qu’il y a moins de dépendance sur ce son particulièrement stylisé qu’il y avait sur ‘Sun Structures’, avec des reverbs et un son très acoustique. Cette fois, il y a beaucoup d’influences différentes et les lignes sont davantage floues entres elles… Les morceaux sont peut-être plus forts sur cet album car ils ne reposent pas autant sur le son que sur ‘Sun Structures’.

Vous affirmiez début 2015 vouloir revenir un peu dans l’ombre afin de vous consacrer pleinement à la composition. Avez-vous eu finalement le temps de souffler un peu pour l’écriture de ‘Volcano’ ? Comment s’est passée la composition ?

Adam : Oui, on a eu l’opportunité de rentrer chez nous et de prendre un peu de temps pour se concentrer sur la composition. On n’a pas vraiment l’intention d’écrire lorsqu’on est en tournée, je ne saurais pas dire pourquoi, on ne le fait juste pas.
Thom : On aime bien s’enfermer pour composer. Je pense que, quand tu sors et que tu fais ta petite étude sur le terrain, tu as le temps de réfléchir à pas mal de choses au moment de rentrer. Pour moi, c’est à ce moment-là que tu es créatif.

L’artwork de ‘Sun Structures’ vous faisait apparaître face à un monument assez mystique, situé dans votre ville d’origine, Kettering. Quel rapport entretenez-vous avec cette ville ? Est-ce un endroit spécial pour vous ?

Je suppose que l’ironie dans tout ça est qu’aucun de nous ne vit à Kettering désormais. J’imagine que chez toi, ça peut être n’importe où, dès lors que tu t’y sens bien, mais ce n’est clairement pas quand tu es en tournée. On a enregistré l’album pas très loin de Kettering, toujours en plein milieu de l’Angleterre, dans le studio de James, à son appart. Mais c’est toujours sympa de retourner là-bas. A chaque fois, donc occasionnellement, on ressent toujours un peu de nostalgie.
Adam : Je dirais que ce n’est rien de plus que ça, de la nostalgie. Ca n’a rien à voir avec la ville elle-même. Pour être franc, cette ville est assez sinistre (rires). Mais c’est toujours sympa de retourner là où tu as bâti des relations et rencontré tes potes, tout au long des années. En revanche, je ne crois pas que cela ait un lien avec notre musique, pour être honnête.
Thom : ‘Volcano’ a été écrit dans plusieurs endroits différents. Il y a eu plus d’écriture individuelle, puis nous nous retrouvions pour réunir le tout en tant que groupe. Mais en termes d’inspiration, Kettering, NO ! (rires).

‘Sun Structures’ avait été retravaillé sous la forme d’un magnifique album remix (‘Sun Restructured’), réalisé par Erol Alkan et Richard Norris, les deux membres de Beyond The Wizards Sleeve. Comment cette rencontre a-t-elle été possible ? Est-il prévu de faire de même avec ‘Volcano’ ?

Je pense qu’il y avait un truc du genre ‘on a assez de temps’ pour ‘Sun Structures’. Mais ça serait sympa de faire un truc différent si nous voulions refaire ce genre de collaboration. C’était en tout cas génial de bosser avec eux, on a toujours été des grands fans de Beyond The Wizards Sleeve et de leurs podcasts qu’on avait l’habitude de télécharger sur iTunes. Il y a de ça quelques années, j’ai découvert des supers albums en les écoutant. Donc en quelque sorte, on savait déjà qu’ils étaient de compétents érudits lorsqu’il a fallu choisir la direction prise sur cet album remix. Ils semblaient être les bonnes personnes avec qui faire ça.
Adam : Ouais, ils ont eu une très bonne imagination. Mais je pense que ce n’est pas forcément bien de faire deux fois la même chose.
Thom : Et puis ils viennent de sortir un nouvel album, j’aimerais penser que cette fois ce serait à nous de bosser dessus, qui sait ?

Vous dites avoir appris beaucoup entre ces deux albums, ce qui explique l’évolution de Temples. Pouvez-vous être plus précis quant aux enseignements acquis ?

Je pense que le plus grand enseignement a été de jouer en live, et d’alimenter cela. Le studio est toujours un environnement très contrôlé… Nous avons voulu intégrer l’intensité du live sur cet album, exagérer les sons, emmener les choses un peu plus loin, vers leurs extrêmes… C’est quelque chose que nous avons appris en jouant live. Reprendre le son que tu peux avoir en concert. Je veux dire, on ne voulait pas pour autant faire un enregistrement live, mais juste reprendre l’énergie sonique du live, sentir la puissance de la basse / batterie qui te prend au torse. C’est ça que nous voulions pour cet album.

Le premier album laissait entrevoir des influences assez classiques (Beatles, Byrds…). Y avait-il une volonté de prendre vos distances avec elles malgré l’inconnu que représente un deuxième album ? Avez-vous hésité entre rééditer une recette qui marche et afficher une personnalité de plus en plus affirmée ?

Adam : Je ne suis pas sûr qu’il y ait eu quelque chose d’aussi réfléchi que cela. Je pense que cela sonne naturellement autrement car nous avons écouté peut être différemment la musique, ou alors juste mûri. Je pense que le son de l’album y est pour beaucoup aussi. ‘Sun Structures’ avait un son spécifique, et peut être cachait ces références. Mais avec ‘Volcano’, tout est plus direct. En un sens, cela marche à l’envers car les références sont plus cachées dans cet album. Et je pense que nous nous dirigeons de plus en plus vers notre véritable son de toute façon.

Certains groupes font évoluer leurs morceaux en concert pour éviter l’ennui et la répétition. Avez-vous déjà été tentés de le faire, étant donné le nombre de concerts passés à présenter votre premier album ? Si oui, cela vous est-il arrivé de préférer une version arrangée pour le live à la version originale de l’album ?

Je pense que, surtout sur la dernière tournée, nous avons en quelque sorte rejeté pas mal de morceaux, on les rejettera sûrement ce soir encore (rires). Mais je ne pense pas que nous ayons fait ça avant l’enregistrement de ‘Volcano’, donc je ne sais pas si cela a eu une sorte d’influence subconsciente… Mais préférons-nous ces versions ? Peut-être, je ne sais pas, cela dépend du soir où nous jouons.
Thom : Je pense qu’on préfère le moment présent, parce que les morceaux évoluent presque constamment. Je pense que c’est surtout en rapport avec le fait d’être heureux et en accord avec la manière dont les morceaux sonnent, à un moment précis.
Adam : On a changé quelques arrangements, d’une certaine manière, sur plusieurs morceaux du set, et c’est assez agréable, comme tu dis, autant pour notre plaisir que celui du public. Ca garde les choses intéressantes, on peut un peu plus jammer. Peut-être qu’on jammera ce soir (rires).

Dernière question : quel a été votre meilleur et votre pire souvenir sur scène au cours de ces dernières années de tournée ?

Thom : Le meilleur… Récemment on a joué au festival Desert Daze, à Joshua Tree en Californie, et il y avait cette fantastique installation de projections de lumières liquides, le point de vue sur scène était juste incroyable.
Adam : L’artiste à l’origine de ce truc est un mec qui s’appelle Lance, mais il se fait appeler ‘Mad Alchemy’, et il a exposé ses œuvres un peu partout aux Etats-Unis, mais aussi en Europe, il y a environ un an je crois. Il utilisait ce type de projections développées dans les sixties, avec des sortes de draps, de… je ne sais pas à partir de quoi le mec faisait ça (rires). Enfin c’était juste magnifique vu de là où on était, et je pense encore plus beau vu de la fosse.
Thom : Au lieu d’installer ça derrière la scène, il l’avait également installé autour et au-dessus. Dans le désert californien, c’était juste incroyable.
Adam : Très différent de Kettering (rires). Après je ne sais pas si l’on a vraiment eu des mauvais souvenirs. Parfois tu te casses la gueule et tu crois que c’est la fin du monde, mais ça ne l’est probablement pas…
Mathieu (PIAS) : Il y a eu cette fois-là, à la Cigale, quand vous n’aviez plus de news de Sam au moment de faire les balances…
Thom : Ah ouais c’était chaud ça ! Sam avait complètement disparu la nuit d’avant, il était introuvable. Heureusement, il a fini par nous rappeler, il venait de se réveiller chez des gens qu’il avait rencontrés la veille, mais n’avait aucune idée d’où il était. Mais bon, tu apprends à chaque concert, c’est important de ne pas rattacher des concerts passés à des mauvais moments. Ils ont tous un objectif, tu vois ce que je veux dire ?


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