04 Nov 22 Sorry, Londres au tableau
Asha et Louis, les deux jeunes amis londoniens qui composent Sorry, avaient jeté un gros pavé dans la mare début 2020 avec 925, un album aussi éclectique que pointu, qui avait laissé quelques journalistes pantois. Si, effectivement, il était alors compliqué de coller une étiquette à leur groupe, il n’en reste pas moins que ce premier album avait mis tout le monde d’accord. Aujourd’hui de retour avec Anywhere But Here, suite moins électronique, Asha nous a offert l’occasion de revenir avec elle sur ces deux dernières années particulières, l’évolution du son de Sorry au fil des collaborations, et l’âge adulte qui nous atteint tous à un moment donné.
Votre premier album est sorti au début de la pandémie, lors du premier confinement, et vous n’avez pas pu le jouer sur scène pendant plusieurs mois. J’imagine que ça a été très particulier pour vous. Comment avez-vous vécu ce ‘challenge’ ?
Asha : Oui, c’était un peu triste de ne pas pouvoir faire de concerts, mais comme le monde entier traversait la même chose, il a fallu faire avec. Je n’y pensais pas vraiment à ce moment-là, tout était tellement bizarre ! Je n’étais même pas avec Louis au quotidien pour partager ça, mais je suis heureuse que nous ayons pu le sortir. Au moins les gens ont pu écouter ce disque pendant cette période particulière, ça les a peut-être aidés. Quand on a pu reprendre les concerts, je me sentais assez nerveuse, mais c’était surtout excitant de pouvoir jouer de nouveau. J’ai interprété ce retour au live comme une sorte de bénédiction. Puis ça coûte tellement cher de partir en tournée qu’on essaie de donner le meilleur concert possible, et de profiter au maximum de pouvoir le faire. On est donc revenus à la vie normale à l’occasion de quelques festivals, puis nous sommes partis en tournée aux Etats-Unis, et ensuite au Royaume-Uni.
Louis et toi avez commencé très jeunes à faire de la musique ensemble, en 2015 me semble-t-il. Quels goûts musicaux communs avez vous ?
On aime beaucoup de choses différentes, que ce soit ce groupe de rap, Pro Era, ou des figures comme Elliott Smith, les Beatles, Bob Dylan et autres artistes de ce genre. En fait, on jouait déjà de la musique ensemble à l’école, et on apprenait ce genre de classiques.
925, votre premier album, a été très remarqué pour ses influences très variées, et a un peu bousculé ceux qui voulaient à tout prix lui coller une étiquette. C’est important pour vous de pouvoir évoluer en dehors de cases prédéfinies de la musique actuelle ?
On essaie de ne pas y penser, avant tout parce qu’on ne souhaite pas être rangés de façon si précise. On écoute tellement de musiques différentes qu’on laisse les choses se faire naturellement. Puis toute la partie production joue aussi un rôle très important, d’autant que nous aimons expérimenter, y compris quand nous ne sommes qu’au stade de l’écriture d’ailleurs. Le genre d’un morceau se dessine seulement au bout de ce processus, en fonction des paroles mais aussi de la musique. On voit les choses comme ça, on ne s’impose rien.
Vous avez collaboré avec Metronomy sur le langoureux Out Of Touch. Cette expérience vous a-t-elle donné envie de remettre le couvert avec d’autres artistes ?
Bien sûr ! Metronomy m’avait envoyé plusieurs sons sur lesquels j’ai chanté. J’aime collaborer mais j’ai tendance à laisser les opportunités venir à moi. A vrai dire, je n’ai pas non plus de souhaits ou d’idées de collaboration très précises. Ah si, j’aimerais beaucoup travailler avec Mica Levi ! C’est un peu mon rêve. J’ai toujours envie d’apprendre de nouvelles choses.
Vous avez tourné aux Etats-Unis avec Sleaford Mods qui est un groupe très différent du vôtre. Comment se sont passés ces quelques jours ? Sur quels points le duo et Sorry se rejoignent-ils ?
Ca s’est révélé être une très bonne expérience, d’autant que les salles étaient bondées grâce à eux. Je pense que, Sleaford Mods étant considéré comme très anglais par le public, celui-ci a sûrement pensé la même chose de nous. C’est la plus grosse similarité qu’on puisse avoir avec Jason et Andrew. Du coup, les personnes présentes nous regardaient un peu avec curiosité, d’autant qu’ils étaient anglophones également. Mais contrairement à ce que nous pouvons voir habituellement, le public était assez calme. Les gens essayaient de comprendre, et appréciaient sans être trop démonstratifs.
Comment en être arrivé à travailler avec les producteurs Ali Chant et Adrian Utley de Portishead. Comment se sont-ils complétés ? Qu’est-ce que chacun a amené de particulier ?
On essaye toujours de trouver de nouvelles personnes avec qui travailler la production de nos albums. Nous savions que nous voulions avoir un son plus live que sur l’album précédent. On voulait aussi procéder à l’inverse de d’habitude, en incluant tous les petits détails qui font le son de Sorry. On a donc commencé par les trouver tous, puis on les a inclue ensuite aux morceaux. On a pensé que Portishead faisait ça aussi tant sa musique est très riche en détails également. Donc quand le nom d’Adrian est arrivé dans une conversation, on a tout de suite été emballé par l’idée de travailler avec lui. Quant à Ali Chant, il a fait office d’ingénieur du son tout en mettant aussi sa patte ici ou là. Tous nos morceaux étaient déjà quasi intégralement composés quand nous sommes entrés en studio, donc ils nous ont surtout aidés dans le choix de la bonne guitare, du bon micro… Toutes ces choses qui sont beaucoup trop techniques pour nous et qui contribuent aussi à la cohérence du son de l’album.
Ce nouvel album sonne beaucoup moins électronique que le précédent. Pourquoi s’être éloigné de ces sonorités qui ont fait le succès de votre premier album ? Est-ce que ça ajoute un peu de pression alors que l’exercice du deuxième album est souvent réputé comme périlleux ?
Oui, je pense que l’idée a été de fusionner un peu ces deux mondes. C’est d’ailleurs ce que nous avions déjà fait pour le premier album dont les morceaux sont plus imposants sur scène, grâce à leurs arrangements. C’est d’ailleurs de là qu’est venue l’intention de poursuivre dans cette voie, notamment en s’attardant sur la pré-production comme je viens de te l’expliquer. On n’a donc pas abandonné ces sonorités, on les a plutôt transformées. Je trouve que cet album souligne une plus grande maturité.
Quand on écoute Anywhere But Here, on a l’impression de se promener en ville avec vous. Quel est votre rapport avec Londres, et en quoi cette ville est-elle une inspiration ?
Nous avons tous vécu ici toute notre vie et, au cours des dix dernières années, nous avons grandi avec les mêmes amis. Peu de choses ont donc changé, si ce n’est que nos relations n’ont cessé de se renforcer. Nous vieillissons et Londres reste la toile de fond de nos vies. C’est une ville où il se passe toujours quelque chose, ou il règne beaucoup de diversité. On s’en prend plein la tronche tout le temps, et c’est cool ! C’est une vie très intense, grâce à laquelle on peut vivre beaucoup d’émotions rapidement. Sur le premier album, on abordait des problématiques qui sont restées non résolues. Ce deuxième album est donc une seconde peau qui dévoile un visage plus représentatif de ce que nous sommes aujourd’hui.
On y entend aussi quelque chose qui s’apparente à de la nostalgie suite à une rupture, peu importe la nature de celle-ci, et finalement une forme et fatalisme. Dirais-tu qu’Anywhere But Here est un album de passage à l’âge adulte ?
Oui, je le pense. Il s’agit surtout d’apprendre à lâcher prise et à laisser les choses telles qu’elles sont, même si c’est douloureux. C’est comme si on t’apprenait que la vie t’oblige à traverser certains épreuves. Quand on est plus jeune, on pense par naïveté que ça n’arrive qu’aux autres. Puis quand ça te tombe dessus pour la première fois, tu as ce sentiment nouveau de céder à la douleur, de ne plus jamais pouvoir te sentir aussi heureux qu’avant. Puis les choses redeviennent normales, tu renoues avec le bonheur, et tu retombes amoureux. C’est à la fois un soulagement, mais c’est aussi un peu triste car tu fais le deuil d’un sentiment que tu ne vivras plus jamais pour la première fois.
Tu dirais que cet album est en quelque sorte cathartique pour toi ?
Je crois que oui. Oui, sans aucun doute.
Vous écrivez les paroles ensemble, ou c’est plutôt toi qui t’en charge ?
Louis en écrit quelques unes mais, la plupart du temps, c’est moi qui m’en charge. Screaming In The Rain et Tell Me sont majoritairement de lui. En général, on écrit à deux quand on ressent le besoin d’une seconde voix, ou quand le texte s’apparente à une conversation.
Quels sont vos projets pour les mois à venir ? Avez-vous prévu une grosse tournée ?
Oui, on part en tournée. On a des concerts de prévus au Royaume-Uni et en Europe aux alentours de la sortie de l’album. On va faire une grosse date à Londres, puis on va repartir en Amérique pendant un mois en novembre pour une nouvelle tournée où nous serons en tête d’affiche. On est encore en train de décider du groupe qui fera notre première partie.
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