Psychotic Monks, la création pour l’inclusion des artistes invisibilisés

Psychotic Monks, la création pour l’inclusion des artistes invisibilisés

‘Contre-courant’, ‘loin des codes’, ‘talents à la marge’ : c’est par ces mots qui pourraient résumer mon enfance dans les Hauts-de-France que se décrit le festival Colis Suspect organisé par l’association Futur Composé. Son but ? Mettre sous les projecteurs des personnes atteintes de troubles du spectre autistique, à travers tout un tas de concerts et de collaborations uniques, objectif ô combien émérite quand on sait à quel point ces artistes se voient trop peu souvent ouvrir l’accès à la scène. Pour sa 4ème édition, Colis Suspect a donc invité les Psychotic Monks ainsi qu’Étienne, Markus, Enkhjin, Jean et Thierry afin qu’ils proposent, ensemble, un set exclusif fracassant les codes de la création artistique. C’est à cette occasion qu’on a tendu notre micro à Paul et Martin, ainsi qu’au claviériste Étienne afin d’obtenir un maximum d’informations et dire tout le bien que l’on pense de ce projet partagé.

Vous avez énormément tourné pour défendre Pink Colour Surgery, et vous en avez même proposé une version live. Est-ce que ce nouveau set exclusif arrive à point nommé pour sonner la pause ?

Paul : C’est sûr que ça arrive au bon moment. Cependant, ce n’est pas une pause créative car ça nous mobilise beaucoup de créer avec les cinq personnes que nous avons rencontré pour ce festival. Mais c’est bien parce que ça tombe pile poil dans la pause de tournée. C’est l’occasion de tester des nouvelles choses et de sortir un peu de notre zone de confort. On a commencé à jammer et improviser avec Étienne en mars. Ça s’est passé comme ça avec chaque personne : des impros sur des durées de 20 à 30 minutes, avant d’essayer de structurer un set qui implique tout le monde.
Martin : L’idée était de se détacher un peu de ce qu’on fait vraiment tous les quatre, et d’ouvrir ce projet à d’autres formes d’expression, d’autres manières de faire de la musique. Cette année, nous avions très envie de faire des collaborations et des actions culturelles. Il fallait pour cela mettre en pause les tournées et le côté carriériste que cela entraîne, chercher comment faire vivre en dehors de la tournée ce projet qui est là depuis presque dix ans…

Comment se sont faites les connexions pour concevoir ce set ?

Paul : Par le biais d’une amie du lycée qui est dans l’asso Futur Composé, et qui a donné mon numéro à Christophe, le programmateur de Colis Suspect. Il m’a demandé si ce projet me botterait… C’est comme ça que nous avons fait la connaissance d’Étienne, d’Enkhjin, de Jean, de Thierry et de Markus.
Étienne : C’était plus interactif que quoi que ce soit…
Martin : L’idée était aussi d’essayer de communiquer à travers la musique avec Étienne qui a une pratique instrumentale depuis des années maintenant. Mais aussi avec Enkhjin qui joue du yatga, un instrument traditionnel venant de Mongolie, et Markus qui joue de la batterie. On a voulu mélanger tous ces instruments ! Vu que nous connaissons bien le format jam et le fait de partir de rien, ensemble dans une pièce, nous avons essayé de faire en sorte que tout le monde se rejoigne peu à peu dans une unité cohérente, après avoir travaillé avec chaque personne individuellement.

Psychotic Monks a toujours été un groupe éminemment politique et militant. Ça vous tenait à cœur de bosser avec un festival comme celui-là, qui met en avant des artistes invisibilisés, atteints de troubles du spectre autistique ?

Martin : Ça avait énormément de sens pour nous de collaborer et de participer au fait qu’on visibilise les pratiques artistiques de ces personnes à qui on ne donne généralement pas l’accès à la scène mainstream. Ça devrait être normal !
Paul : La motivation du groupe est aussi d’utiliser notre reconnaissance au sein de notre niche rock expé indé pour offrir des plateformes aux artistes qui se sentent exclus, notamment sur les scènes de festivals.
Martin : On voit vraiment cela comme une collaboration où tout le monde est sur scène à part égale. C’est compréhensible que le nom Psychotic Monks soit utilisé mais on a pensé à appeler le projet autrement… C’est clairement un projet parallèle.

Quelles ont été les plus grosses difficultés pour mettre en place ce set ?

Paul : Nos agendas ! On se retrouve parfois à 10 sur scène, il faut donc bien s’organiser pour pouvoir faire 4 jours de filage avec tout le monde. Tout le reste a super bien roulé, on n’a pas eu trop de galères. Trouver la manière avec laquelle on allait communiquer ensemble a été assez intéressant… Par exemple, nous avons développé des signes avec nos mains avec Étienne. On se montre des accords et on arrive à parler un peu entre les morceaux pour se dire dans quelle direction on va. Réussir à avoir ces moments d’échanges montre que tout le monde s’implique. C’est très récompensant de voir les sourires sur les visages et de constater qu’il y a un miroir d’énergie. Tu as rencontré des difficultés, Étienne ?
Étienne : Je vous l’ai dit, j’ai vécu cela comme une interaction. C’était même plus proche d’une synchronisation. Après, je n’entends pas forcément ce que je joue.
Martin : C’est parce qu’il y a avait beaucoup de monde aujourd’hui. Au concert, tu t’entendras très bien avec les retours.
Paul : C’est vrai que c’est un challenge technique de se retrouver à 9 ou 10 sur scène avec des setups plus ou moins lourds et de réussir à trouver les bonnes places pour tout le monde…
Martin : Finalement, le plus gros challenge a été celui-ci. Il fallait que ça soit fluide et que ça joue ensemble. Je crois que certaines personnes se connaissaient déjà mais on a finalement eu très peu de moments avec tout le monde réuni.

Le plus compliqué était de gérer cette fameuse logistique ou d’accepter de se mettre parfois en retrait pour laisser totalement l’inconnu guider vos pas ?

Paul : Il y avait toujours une petite appréhension à l’idée de rencontrer quelqu’un pour la première fois, de réussir à communiquer et dialoguer, mais je pense que nous avons réussi à trouver un bon équilibre entre diriger la structure globale de la création et nous mettre en retrait lorsqu’il a fallu pousser les sensibilités des autres à s’exprimer.

D’ailleurs, comment se passait une séance typique de répétition et de composition ?

Martin : Jam ! On a enregistré toutes les premières séances, puis on écoutait et on prenait des notes. On essayait ensuite de structurer – avec des gros guillemets quand même – la temporalité et de recréer certaines ambiances qui avaient bien fonctionné. Il fallait absolument raccourcir le tout puisque nous avions une à deux heures de jam par personne. Le but n’était pas de faire un set de 12 heures ! Ca a été compliqué de réduire et choisir les meilleures parties tout en faisant attention à ce personne ne se retrouve sur le carreau.

Est-ce que ce projet vous a fait tirer des leçons pour améliorer votre songwriting ? Si c’est le cas, de quelles façons ?

Paul : Je ne saurais pas vraiment te répondre sur le songwriting. Créer et structurer un live, gérer les transitions, rendre le tout plus énergique ou plus posé, est un exercice auquel nous sommes habitués. Cette fois-ci, la nouveauté a été de renvoyer dos à dos le travail fait avec Étienne avec celui de Markus, et ainsi de suite… Ce n’est pas vraiment du songwriting mais de l’écriture de spectacle.
Martin : La leçon la plus importante a été l’expérience humaine. C’est la première fois qu’on travaille dans un cadre très extérieur au groupe. Pour des histoires de planning, on n’était pas forcément à quatre dans le processus de création. Artie a rejoint le projet un peu plus tard et c’est quelque chose que nous n’avions jamais fait. Mais c’était super intéressant justement ! Je pense que ce sont des enseignements que nous allons réutiliser. C’était aussi une occasion d’avancer sur la manière dont on approche notre son et nos instruments. Mais encore une fois, le but n’était pas vraiment de se mettre en avant !
Paul : La collaboration nous a aussi fait un bien fou dans le sens où on s’est dit que c’était ok d’oser faire des trucs méga clichés comme un enchaînement d’accord ou une descente harmonique. Ordinairement, ce sont des biais et des interdits qu’on se met puisqu’on est dans une recherche expérimentale et noise. Cette collaboration nous a justement fait réfléchir sur ces biais et nous avons adopté une philosophie : si ça marche bien, let’s go !

Ce projet a-t-il été la fois où votre quête de l’équilibre en le chaos et l’impro a été la plus aboutie jusqu’à maintenant dans votre carrière musicale ?

Étienne : Vous dites ça parce que le son est chaotique ? Essayez déjà d’écouter les Psychotic Monks et vous allez voir que mon son est chaotique de la même manière ! Je mets la noise à fond et bam ! Voilà, ça fait du son chaotique.
Paul : C’est toute la difficulté de donner l’illusion de chaos et l’illusion de la simplicité.
Martin : Je dirais qu’il y a peut-être plus une forme d’imprévisibilité que de chaos. J’ai aussi envie d’ajouter qu’Étienne, Enkhjin, Jean, Thierry et Marcus amènent des choses qui nous cadrent.
Paul : Lorsqu’on s’est rencontré, on s’est vite rendu compte qu’Étienne était fan de noise, de drone et d’ambient. Il aime rester longtemps sur un accord pour le faire évoluer. Il faut pouvoir être inspiré par les sensibilités et les goûts que l’on a en face.
Étienne : Certains Youtubeurs font de la musique drone. Et ils spamment des vidéos du genre. J’aime particulièrement Ambient Flow. Avec un nom pareil, c’était le plus simple possible. J’écoute et ça m’inspire tellement que je veux recréer des sons similaires. Je le fais sur mon téléphone mais c’est difficile.

Vous pensez avoir engrangé de nouvelles inspirations pour le futur proche des Psychotic Monks ?

Étienne : Je suis investi dans le futur des Monks ! C’est un plaisir de collaborer avec vous.
Paul : C’est un plaisir pour nous aussi ! On va retravailler dans d’autres formules. Nous avons fait des rencontres qui nous inspirent et nous donnent envie d’aller plus loin.
Martin : Pour l’instant, on se concentre à faire de la musique avec d’autres gens. On va laisser le mystère planer jusqu’à la fin de l’année…
Paul : Nous avions besoin de faire une pause sur la manière traditionnelle de faire de la musique à 4 et sur la dynamique de carrière qui te fait alterner enregistrements d’albums et tournées. On veut prendre des cafés, faire des films, prendre du bon temps avec des potes…
Martin : On arrive très bien à le faire en tout cas !

EN CONCERT LE VENDREDI 27 JUIN
PARIS – CHAROLAIS CLUB (PARIS 12)
concert gratuit sur réservation

The Psychotic Monks vont relever un défi inédit : concevoir un set exclusif pour le Festival Futur Composé. Pour ce projet hors norme, le groupe collaborera avec 5 talents issus de trois institutions accueillant des personnes avec TSA : Étienne de l’ESAT Turbulences au clavier, Markus de la maison Perce-Neige Alternote à la batterie, Enkhjin et Jean de la maison Perce-Neige Alternance Bourg-la-Reine respectivement au yatga (harpe mongole) et au chant, et enfin Thierry Dupont du groupe Ron Pon. Ces musiciens, à la pratique expérimentale et instinctive, entreront en résonance avec l’univers du groupe, où le chaos et l’improvisation trouvent toujours un équilibre. Une collaboration en coproduction avec Rock en Seine.
Toutes les informations sur le festival sont à retrouver en cliquant ici.

Photos : Anatheme (Instagram)


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