19 Jan 24 Nyos ne cherche pas à plaire à tout le monde !
Voilà presque dix ans que Tom Brooke et Tuomas Kainulainen se sont (bien) trouvés autour de leur passion commune pour la musique et nous assènent sans relâche – six albums au compteur déjà – leur post-math-rock percutant. Car comme bien d’autres formations (Hella, Chevreuil, Lightning Bolt…) l’ont déjà largement démontré par le passé, être un duo amène parfois à naturellement décupler les énergies en présence. Concernant Nyos, il suffit d’écouter quelques morceaux choisis de manière aléatoire au sein de sa discographie pour très vite saisir qu’un jeu de batterie dément couplé à un enchevêtrement de boucles de guitares sont la marque de fabrique des deux compères. Cet automne, à la veille d’une tournée européenne qui mettrait quiconque sur les rotules (24 dates d’affilée…), les Finlandais nous ont accordé un peu de leur temps depuis le studio de Tom, également QG du groupe.
Comment le groupe s’est-il formé ? Tom, qu’est-ce qui t’a amené à déménager du Royaume-Uni vers la Finlande ?
Tom (guitare): Pour faire court, j’ai suivi ma petite amie qui est finlandaise. Je l’ai rencontrée ici quand je jouais avec mon ancien groupe, je l’ai donc rejoint. Tuomas était un de ses amis. Elle m’avait informé qu’il faisait de la batterie et m’avait conseillé d’essayer de jouer avec lui. On s’est toute de suite très bien entendus, donc on a commencé à traîner ensemble. Ce n’est qu’après deux ou trois ans que nous nous sommes finalement décidés à faire de la musique !
Tuomas (batterie): Avant ça, j’ai vécu à Prague pendant un certain temps. Là-bas, j’ai eu l’occasion de voir l’un des anciens groupes de Tom, Khuda. Je ne connaissais rien d’eux. C’était aussi un duo instrumental et je disais à ma petite amie d’alors que j’aimerais aussi beaucoup jouer dans un projet de ce genre. Je n’ai même pas parlé à Tom ce soir-là… Et après toutes ces années, je l’ai retrouvé par hasard dans ma ville natale, à Sula, dans le centre de la Finlande. C’était vraiment marrant !
Tu as même fini par monter un studio ici, Tom. Avec quel type de groupes travailles-tu ? D’ailleurs, est-ce toi qui a produit tous les albums de Nyos jusqu’ici ?
Tom : Exact, nous avons tout enregistré ici et je me suis toujours chargé de la production. La Finlande est un petit pays, il n’y a donc pas beaucoup d’autres duos instrumentaux. Du coup, je travaille avec toutes sortes de groupes, dans des styles très différents. C’est aussi ce qui fait que mon boulot d’ingé son reste intéressant pour moi.
Quand j’écoute votre musique, en particulier toutes ces boucles de guitare hyper bien coordonnées avec la batterie, j’ai le sentiment que vous êtes super connectés tous les deux…
Tuomas : On a passé tellement de temps ensemble… (rires) De toute façon, quand tu es juste à deux, ça passe ou ça casse…
Tom : Nous sommes simplement très bons amis, et donc nous jouons bien ensemble. Et on n’utilise d’ailleurs pas de clic : tout est basé sur l’humeur du moment. Du coup, chaque concert est un peu différent, selon l’ambiance du jour. Si c’est une soirée plutôt punk et que nous avons un set court, alors nous jouerons plutôt vite et fort. Et sur une scène plus grande avec un peu plus d’une heure à remplir, il se peut que nous jouions un peu plus lentement, un peu plus détendus aussi.
En tout cas, la manière dont vous maîtrisez ces boucles de guitare et tous ces plans de batterie barrés me rappelle un peu Russian Circles…
Tom : Oui, c’est vrai que chez eux aussi, beaucoup de choses reposent sur les boucles.
Tuomas : Quand on a commencé Nyos, je ne connaissais même pas ce groupe… (rires) J’ai un background assez éloigné à vrai dire, plutôt punk-hardcore, du genre ‘in your face’… (rires)
En écoutant ton jeu, je pensais que tu avais aussi pas mal joué de jazz…
Tuomas : J’adore le jazz et j’essaie effectivement d’en incorporer dans mon jeu ! Donc c’est cool si ça s’entend un peu… Mais je n’ai jamais pris de cours. En fait, je travaille dans un magasin de disques : j’écoute donc beaucoup de musique, y compris du jazz. Et je pique pas mal d’idées ou plans dans ce style-là. (rires)
Et toi, Tom, tu parlais de tes anciens groupes. Quels styles de musique jouais-tu ?
Tom : Je suis en quelque sorte l’opposé de Tuomas, dans le sens où la seule chose que je sais faire est d’utiliser un looper avec ma guitare. Je ne connais aucun accord ou quoi que ce soit. Je joue juste ce que tu entends sur nos disques. C’est le style qui me botte depuis pas mal de temps maintenant. Donc oui, j’étais dans ce groupe avant, un duo instrumental avec pas mal de boucles de guitares et pas mal d’amplis aussi ! (rires)
Vous avez déjà songé à intégrer des musiciens supplémentaires ? Ou préférez-vous rester en mode duo ?
Tuomas : Non, on est tellement en phase tous les deux… Ce serait compliqué de rajouter ne serait-ce qu’une personne de plus.
Tom : En plus, j’aime ce challenge d’essayer de remplir l’espace sonore à deux. Je trouve ça fun ! Et il y a pas mal de façons différentes d’y arriver, toujours une nouvelle direction, une nouvelle pédale d’effet ou un nouvel angle à tenter.
Tuomas : Idem pour la batterie. Il y a pas mal d’espace à exploiter quand tu n’es qu’à deux musiciens. Je peux donc me permettre pas mal de choses et cela sans que l’on finisse par me demander de la mettre en veilleuse. (rires)
Sur vos premiers disques, votre musique sonnait assez noise / math-rock. Depuis Celebration, vous utilisez des sons plus synthétiques, voire électroniques, un peu dans le genre de Battles ou même Tortoise. Comment expliquer cette évolution ?
Tom : Ce qui a pas mal joué, c’est que maintenant plus que jamais, j’ai à disposition du meilleur matos… J’ai beaucoup plus de pédales d’effets, et puis je suis beaucoup plus exigeant sur le type de sons que je veux produire avec ma guitare. Cela a donc ouvert des possibilités supplémentaires. Mais ça me fait plaisir que tu aies remarqué cette intention d’évoluer vers quelque chose de plus ‘digital’, et peut-être aussi plus ‘hi-fi’ comparé à nos débuts qui étaient plus rock.
Tuomas : De mon point de vue de batteur qui n’y connaît pas grand-chose sur ce sujet, je peux te dire que Tom a démarré avec 3-4 pédales, et maintenant il a genre deux gros pedalboards sous les pieds !
Tom : J’ai toujours été un gros fan de trucs à la Don Caballero, plus d’ailleurs que de Russian Circles ! C’est par ce biais-là que je suis venu à jouer des trucs de post-rock et assimilés. J’étais donc moins axé sur le matos à l’époque. Mais je dois dire que ces pédales supplémentaires m’offrent plus d’options, d’autant qu’après toutes ces années, je maîtrise mieux mon instrument, ce qui aide aussi.
D’ailleurs, vous avez commencé le groupe en quelle année ? 2014 ?
Tom : Le premier concert date de 2015 et la première répète, juste six mois avant, en 2014.
Vous avez sorti pas mal de choses durant toutes ces années. En particulier Celebration l’an dernier, et maintenant ce nouvel album. Est-ce que certains morceaux datent des sessions de composition de Celebration ?
Tom : C’est vrai que ça s’est bien enchaîné, mais là on n’a plus rien en stock ! (rires) En fait, Celebration était déjà prêt il y a quelques temps, mais le Covid a beaucoup retardé sa sortie… En plus, entre temps, on a signé chez Pelagic Records, ce qui n’a pas arrangé les choses niveau timing. Si on s’était auto-produit, on aurait probablement réussi à le sortir plus tôt, probablement vers mi-2021. D’où ces deux sorties à un an d’intervalle…
Tuomas : Et puis, on a la chance de pouvoir enregistrer dans le studio de Tom, ce qui facilite notre travail créatif.
Tom : Et on répète ici aussi donc le process d’écriture a été super facile pour ce nouvel album. On avait pas mal d’idées, c’est le disque avec lequel on a pris le plus notre pied ! Le travail sur les sonorités, en particulier, m’a paru plus simple. J’ai d’ailleurs pas mal expérimenté avec mon laptop plutôt que juste avec mes pédales. Et Celebration était, d’une certaine façon, un peu plus expérimental, un peu moins fun vu qu’il y a beaucoup de changements et de ‘looping’. On avait même fait des boucles de parties de batterie ! (rires)
Waterfall Cave Fantasy, Forever semble plus varié et plus subtil…
Tom : Tant mieux si c’est le cas ! C’était notre objectif de départ… On y a intégré bon nombre d’idées qui nous trottaient dans la tête.
Vous avez pas mal tourné avec Zeal & Ardor. Qu’avez vous retiré de cette expérience ? Comment avez-vous été accueillis par leur public ?
Tom : On a tourné deux fois avec eux, en 2018 et 2019. Leur public est, sans grande surprise, très ouvert d’esprit. C’est comme ça que doit être le black metal… Ils ratissent plutôt large niveau influences et nous aussi, donc ça ne pouvait que le faire ! Ça a très bien fonctionné, même si ça n’était pas forcément toujours du goût de tous…
Tuomas : Oui mais c’est cool, on ne cherche pas à plaire à tout prix à tout le monde de toute manière… On n’est pas ABBA, même si ça plairait à ma mère ! (rires)
Tom : À la mienne aussi sûrement ! En tout cas, ces tournées étaient top, on a pu jouer dans des salles vraiment grandes, devant 800 personnes certains soirs. C’est très cool de leur part, vu leur niveau de popularité, d’emmener un groupe comme le notre en tournée. Ce sont des gens adorables, une belle bande de nerds bien cools. Une fois ces tournées terminées, on a repris nos concerts dans des squats devant 20 personnes… (rires)
Quels sont vos plans pour les prochains mois ?
Tom : On part très bientôt pour une assez longue tournée, puis on en refera une autre au printemps prochain, et enfin quelques festivals. On a eu de bonnes expériences en festivals donc on est chauds pour rempiler !
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