Interview : Stuck In The Sound (02-2007)

Interview : Stuck In The Sound (02-2007)

Vous venez tous d’univers musicaux assez différents. A t-il été facile de vous accorder dans les premiers mois?

Nous avons en effet des influences assez différentes au sein du groupe. On les a souvent caricaturées ainsi: José (chant, guitare) en fan de pop eighties, Emmanuel (guitare) en fan des 90’s naissantes, pour Arno (basse) c’est le « classic rock » seventies, quant à François (Batterie) il assume les influences punk du groupe. S’accorder cependant n’a jamais été un problème et surtout au début, alors que nous étions tous fans de rock essentiellement, nous avons commencé, c’est étonnant, par jouer une musique très pop, presque atmosphérique. Cela était dû sans doute à nos conditions de répétition de l’époque, dans une petite cave aménagée à Montreuil, il n’était pas trop question de pousser les amplis et de se déchaîner. De plus, c’était à une époque où le rock semblait mort (du Néo-Métal partout…).

Stuck In The Sound

Bizarrement, ça ne nous est pas venu à l’idée dans un premier temps de jouer une musique vraiment en accord avec nos influences. Ce n’est qu’après nos premiers lives que nous avons commencé à lâcher la bride, ce fut comme une révélation, une évidence, nous avions envie de faire du rock et surtout nous nous en sentions capables. Nous voyons ce cheminement, et le fait que nous ne partagions pas exactement les mêmes influences, comme une vraie chance. Chacun a pu apporter ses idées et sa patte à l’ensemble mais avec une parcimonie due justement à nos goûts divergents. Nous avons vraiment pu construire ensemble un style qui nous convient à tous sans être précisément la musique dont nous aurions rêvé a priori et séparément.

Les Pixies sont peut-être le groupe qui plane le plus au-dessus de votre musique. Si on doit retenir une seule influence de ce premier album, doit-elle être celle-là?

Sans doute. En effet, les Pixies sont un groupe qui nous a énormément influencé et sur lequel nous nous retrouvons tous les quatre sans hésiter. A vrai dire, nous écoutions assez peu les Pixies avant de jouer dans Stuck. C’est justement au moment où notre pop du début a commencé à se débrailler que nous nous y sommes plongés plus précisément. Parce que nous nous y reconnaissions. Après, c’est vrai que nous avons été boulimiques et très influencés par les quatre ploucs géniaux de Boston.

Vous revendiquez également l’influence Nirvana, une parmi tant d’autres que les gens assument rarement. Quel est votre avis là-dessus?

Nirvana représente à peu de choses prêt nos premières sensations rock, quand nous étions collégiens. Et puis nous nous sommes pris la mort de Cobain en pleine face, à 13-14 ans tu te trouves un nouveau héro qui te semble mille fois plus cool que Michael Jackson, Sangoku et Jordan réunis, et puis il se tire une balle dans la bouche… Y a de quoi être marqué à vie, non?

***ck in the sound

Les journalistes fonctionnent souvent à coup d’étiquettes pour qualifier un groupe. Mélanger les influences comme vous le faites était-il une manière d’aller à l’encontre de cela et, en même temps, de vous démarquer des autres groupes?

Nous ne nous sommes jamais posés ce genre de questions. Il est normal que les journalistes étiquettent les groupes ou les comparent à d’autres, c’est un des seuls moyens dont ils disposent pour tenter de décrire une musique par des mots couchés sur du papier… Mais ça, c’est un problème de communication, ça ne nous concerne pas. Nous n’avons jamais pris en compte en amont un discours possible des journalistes lors de notre processus de création. D’autant plus que quand un groupe débute et se forge un style, il n’imagine pas sérieusement que des journalistes vont écrire sur sa musique, en tous cas ce n’était pas notre cas.

La voix de José est une des originalités de Stuck In The Sound, pourtant, il m’a fallu quelques temps pour m’y familiariser. Pensez vous qu’il faut obligatoirement bousculer les petites habitudes des gens pour marquer les esprits? Composez vous en ce sens?

Oui, nous composons en ce sens. Par ailleurs, malheureusement c’est sans doute plutôt les ritournelles classiques qui marquent les esprits dans un premier temps, et faire le choix d’une musique peu évidente c’est aussi faire le choix d’un public exigeant et courageux, parce qu’il est certain que notre disque ne s’apprécie pleinement qu’après plusieurs écoutes. Mais c’est une idée qui nous plaît. Un vrai rapport se crée entre la musique et l’auditeur, il faut une période d’apprivoisement, et le lien qui en naît n’en est que plus fort. Mais ce choix, quand nous composons, ne procède pas en vérité d’une telle réflexion. A vrai dire, on s’ennuie dès qu’on essaie de jouer des choses trop évidentes. C’est aussi bête que ça!

Quels sont les thèmes de prédilection des paroles de José? Stuck In The Sound s’est-il donné comme mission de faire passer un message? Lequel?

Il n’y a pas à proprement parler de message. Nos paroles sont essentiellement surréalistes, au même titre que celles des Pixies par exemple, elles se veulent plus évocatrices que véhicules d’idées précises. On y trouve aussi une touche romantique, voire exaltée, que nous devons sans doute à l’impact qu’ont eu sur nous certains textes des Go-Betweens.

La France entière commence à vous découvrir alors que Paris doit vous voir évoluer depuis quelques temps. Comment vous situez vous sur la scène parisienne? Stuck fait-il partie d’une clique? Laquelle?

En effet, nous avons la chance d’avoir vu l’éclosion à Paris depuis quelques années d’une véritable et excitante scène rock. Nous avons rencontré, depuis l' »âge d’or » du Bar Three, un certain nombre de groupes avec lesquels on s’entend super bien et dont on kiffe la zic. Pêle mêle: Nelson, Hopper, Neimo, British Hawaii/Hey Hey My My, Fancy, El Dia, Syd Matters, Underground Railroad, etc… Notre clique est informelle et surtout constituée de groupes qui se respectent mutuellement sans ressembler (musicalement et vestimentairement) à une armée de clones fraîchement sortis de l’usine. Et puis on a aussi eu l’occasion de faire de belles rencontres en Province: Adam Kesher, The Dodoz, Servo, Cocoon, etc…

Quel est votre avis sur cette nouvelle et jeune scène rock parisienne à la mode? Une de vos plus grandes craintes est-elle d’y être assimilé, notamment à cause d’une médiatisation quasi simultanée?

C’est vrai qu’on a parfois peur d’y être assimilé. On est de Paris et beaucoup de gens, de loin, à force de propagande « Rock n’Folkienne », assimilent la scène parisienne aux baby rockers. On est souvent forcés d’affirmer haut et fort l’existence d’une « autre » scène parisienne, qui ne partage guère plus avec eux que des lieux, des salles, des bars et des clubs où forcément on se croise. Par ailleurs, nous n’éprouvons pas de jalousie ou de rancoeur quant à leur médiatisation. En fait, quelque part, on les plaint! Se retrouver à 18 piges sur des plateaux télé en prime time, ça doit pas être facile… D’ailleurs ça se voit quand on regarde leurs apparitions, ils sont super mal à l’aise, ils ont tendance à répondre comme s’ils répondaient à une interrogation orale d’un prof. Ils sont un peu jetés dans la fosse aux lions. La surmédiatisation dont ils font l’objet fait qu’ils sont attendus au tournant par énormément de gens. On est très curieux de savoir comment tout ça va évoluer… Vont-ils trouver leur public? Lesquels vont finalement sortir du lot? Leur musique, ce n’est pas vraiment notre truc, mais peut-être y a t il là une source de renouvellement intéressante pour le rock français (dans la langue).

Stuck In The Sound en concert

Le certain engouement que vous suscitez vous fait-il peur? Stuck In The Sound a t-il toujours les pieds sur terre?

Nous appréhendons depuis le début notre évolution au fur et à mesure et avec la tête froide. Tout est venu sainement, étape par étape, depuis trois ans et on en est qu’au début!

Quels ont été les grands moments ou les principaux évènements qui ont fait de Stuck In The Sound ce qu’il est aujourd’hui?

Nous avons découvert la scène de façon sérieuse il y a trois ans grâce à un réseau départemental de salles de musiques actuelles (Le Pince-Oreille). Il y a deux ans, le CQFD des inrocks nous a apporté de la crédibilité, un nom, et la possibilité de jouer très régulièrement à Paris, de faire « monter le buzz » comme on dit. On a fait des premières parties prestigieuses (Dirty Pretty Things, The Kooks, The Organ…), on a même joué à Rock en Seine en 2005 avec Pixies et Queens Of The Stone Age! Nous ne remercierons jamais assez la Flêche d’Or, qui nous a accueilli à de nombreuses reprises à cette période, ainsi que notre manager Henri Jamet, à qui nous devons beaucoup, surtout pour ce qui sera la dernière étape de ce bref historique. En effet, de fil en aiguille, on a signé avec Discograph et trouvé notre tourneur (3c). La sortie de l’album et la très bonne réception médiatique qui l’a suivie ont vraiment changé les choses pour nous. On hallucine sur l’accueil qu’on a eu jusque là sur la tournée. Dans des villes où on a jamais mis les pieds avant, à des centaines de kilomètres de chez nous, les salles affichent complet et le public chante tous les morceaux de l’album. C’est très impressionnant et très nouveau.

Comment aborde t-on l’étape de l’enregistrement d’un premier album? Comment s’est elle passée?

Pour nous, ça s’est passé en famille, entre nous, avec des amis. Nous avons travaillé principalement avec Romain Della Valle, ami de longue date, qui nous suit depuis longtemps, avec qui nous avions fait plusieurs démos, notre premier album autoproduit et très confidentiel, il y a deux ans. C’est un ingé son jeune mais excellent, qui a du supporter toutes nos lubies, et qui a su gagner notre confiance. Nous avons vraiment travaillé main dans la main, et construit un son ensemble depuis plusieurs années.

Album “Nevermind The Living Dead”

Par ailleurs, les morceaux de l’album sont presque tous des titres que nous jouons en live depuis un ou deux ans. L’idée était d’arriver à capturer l’énergie des concerts. Nous sommes très contents du résultat. Le disque est vivant, il a un côté organique et foutraque qui nous plaît. Pourtant ça n’a pas été facile. En novembre 2005, nous avons complètement perdu une première version enregistrée instrumentale du disque à cause d’un crash de disque dur. On a dû tout recommencer, la mort dans l’âme. C’est un disque « mort-vivant ». Mais ce qui compte, c’est qu’au final nous pensons vraiment que c’est un bon disque, nous en sommes fiers. Et puis cette petite mort lui a fait un très grand bien!

Stuck In The Sound a, dès les premières écoutes, un réel potentiel pour s’exporter. Avez-vous déjà bougé à l’étranger? Est ce prévu pour l’avenir? Quels souvenirs ramenez vous et laissez-vous à chaque fois?

Ce sont de très bons souvenirs. Nous avons joué à Londres, à Manchester et aussi dans un festival en Hollande. A chaque fois, ça s’est très bien passé, l’accueil était vraiment bon. Mais un concert par ci par là, ça ne suffit pas, il faudra vraiment qu’on se consacre après la tournée française à de vraies tournées en Europe. Dans les mois qui viennent nous allons jouer à Amsterdam et à Nashville aux States, et puis au Paleo festival en Suisse cet été.

Vous êtes lauréats du FAIR. Qu’est ce que cela va vous apporter concrètement?

Une bourse pour s’acheter du matériel, des formations et une exposition médiatique non négligeable.

Vous venez de tourner votre premier clip. Pouvez-vous nous en parler? Que retiendrez-vous de cette expérience « de grands »?

C’était une super expérience. Nous avons eu beaucoup de chance qu’Olivier Babinet, le réalisateur, soit motivé pour ce projet. Nous pensons qu’il a bien saisi l’esprit de notre musique, ou en tous cas certains de ses aspects qui correspondaient à son univers, à ce qu’il avait envie de raconter. Le morceau l’a beaucoup touché, et nous, nous trouvons son clip très touchant. Et puis le tournage était très marrant. Il y a un making of, produit par April 77, qui va circuler sur You Tube d’ici très peu de temps.

Les morceaux de ce premier album commencent à dater pour qui vous suit depuis vos débuts. Avez-vous de nouveaux morceaux depuis et pour quand peut-on attendre un second disque?

Nous avons déjà plusieurs nouveaux titres, que nous jouons déjà en live pour certains; mais de là à penser à un deuxième album… Ce sera pas pour tout de suite! On va s’y mettre sérieusement d’ici un an sans doute. Mais d’ici là, il y a de fortes chances pour que des inédits sortent par ci par là.

Comment Stuck In The Sound se voit-il, à l’apogée de son succès?

Ouh là… T’es sur que tu veux entendre la réponse? Tu va nous forcer à révéler notre mégalomanie au monde qui nous prend pour des mecs « indie » et humbles… C’est pas bien.

Quels sont les projets à venir?

Un single vinyle va sans doute sortir bientôt chez le tout nouveau April 77 label. Et puis, il est probable qu’une nouvelle édition du disque soit pressée dans le courant de l’année, avec des bonus, des inédits, sans doute aussi des titres live ou unplugged. Et puis surtout, la tournée ne fait que commencer, le détail des dates est sur www.myspace.com/stuckinthesound et www.stuckinthesound.com!


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