Interview – Fuck Buttons, l’essentiel est de participer

Interview – Fuck Buttons, l’essentiel est de participer

Il s’est passé beaucoup de choses dans la vie des Fuck Buttons depuis leur album “Tarot Sport”: une participation musicale à la cérémonie des Jeux Olympiques de Londres, mais surtout la préparation de “Slow Focus“, nouvel opus au cours duquel le duo de Bristol démontre plus que jamais son affection pour l’electronica aussi radicale qu’hypnotique. Celui que Andrew Hung et Benjamin John Power sont venus défendre à Saint Malo, à l’occasion de la dernière édition de La Route du Rock, laissant le public subjugué par le choix délibéré des deux de privilégier la transe répétitive au défouloir club. Rencontre en coulisses avec Benjamin John Power.

La question WTF pour commencer… Fuck Buttons a participé à la cérémonie d’ouverture des J.O. de Londres en 2012. Comment cette opportunité s’est elle présentée?

Benjamin John Power: Le mec qui était chargé de la musique pour la cérémonie de Danny Boyle était Rick Smith du groupe Underworld. Il a écrit la plupart des musiques de l’événement, et s’est occupé aussi du casting de musiciens qui allaient interpréter leur propre morceau pendant le show. Il nous a tout simplement appelé par téléphone. A ce moment là, on pensait que tout le monde avait déjà reçu son appel, et puis finalement on s’est rendu compte que non, que tout le monde n’avait pas été appelé. En plus de cela, il voulait non seulement utiliser un morceau de Fuck Buttons, mais aussi de mon projet solo Blanck Mass. Que te dire… Ça a été un réel privilège pour nous, la chanson de Blanck Mass a été réenregistré par le London Philarmonic Orchestra à Abbey Road, un truc inimaginable pour moi. C’était intéressant de voir comment un tel ensemble de cordes pouvait réinterpréter mon titre.

Les J.O sont le symboles de l’ouverture, de l’acceptation de l’autre, et donc maintenant de l’acceptation des noms de groupes commençant par Fuck?

Eh bien pas tout à fait: on nous a annoncé comme s’appelant F*** Buttons. Mais pas de soucis, on comprend, c’est un événement mondial et familial, on n’avait pas envie de choquer certaines personnes avec notre nom. Ça n’est pas important.

Pensez-vous que cette exposition mondiale grâce aux J.O. vous a ouvert de nouvelles portes?

Disons que, pour nous en tant que groupe, ça n’a rien changé. Evidemment, il y a certainement plus de gens qui nous connaissent maintenant, mais cela n’a pas provoqué de révolution interne, les choses restent les mêmes. On n’a pas non plus essayé d’en tirer partie, on ne compose pas désormais une musique ciblant une plus grande audience. Quand cette proposition nous est venue, on était en plein processus d’écriture de “Slow Focus”, et cela n’a eu aucune influence sur notre boulot ou sur l’évolution qu’a pu connaitre notre musique. En résumé, ça a été pour nous un interlude très chouette, qui certainement aussi boosté notre égo.

Quatre ans sont passés entre vos deux derniers albums. On imagine que pas mal de choses ont du changer ou évoluer pour vous en ce qui concerne votre approche de la musique ou le processus d’enregistrement. Est-ce le cas?

Nous évoluons constamment étant donné qu’on accumule de nouvelles machines au fil des ans. Ça a donc naturellement une incidence directe sur notre son. Après, on voit toujours la musique – tout du moins la notre – de la même manière. Un morceau naît toujours d’une idée discutée en commun dès la première seconde, c’est ça Fuck Buttons!

Dis moi si je me trompe mais je trouve que “Slow Focus” est un album plus obscur que son prédécesseur…

Je ne pense pas que tu te trompes, je crois même que tu vois plutôt juste en effet…

L’artwork semble également dégager un aspect plus sophistiqué du groupe…

Tu as raison. Dans l’ensemble, on peut dire que ce que nous faisons est maintenant plus sophistiqué. Sur ce disque, nous nous sommes occupés de tout de A à Z, nous l’avons produit nous-mêmes, et je pense que cela se ressent. Il est certainement moins chargé, on a pu contrôler chaque nappe de son, et chaque nuance est le fruit de notre volonté. On n’avait pas vraiment de deadline pour le livrer au label, donc ça nous a permis d’attacher de l’importance à tous les détails qui font “Slow Focus”. Au final, on est très content du résultat, c’est notre meilleur disque à ce jour.


Le dernier titre du disque, “Hidden Xs”, est peut-être celui qui se rapproche le plus de l’ambiance de “Tarot Sports”. Il est plus lumineux, moins dark que les autres… Es-tu d’accord avec ça?

Ta remarque est intéressante. Pour moi, “Hidden Xs” est très certainement la chanson la plus mélancolique du disque. Après, tout est évidemment une question d’interprétation. C’est parfait que tu ressentes autre chose en l’écoutant, car il n’y a pas un code qui dit que tu dois ressentir ceci ou cela en écoutant notre musique…

Justement, je trouve que se plonger dans vos morceaux, c’est comme se plonger dans plusieurs court-métrages dont les scénarios peut évoluer à chaque écoute, en fonction de l’état d’esprit dans lequel chacun écoute votre musique…

C’est ce qui fait la beauté de la musique instrumentale. L’absence de parole fait que chacun se crée sa propre histoire à l’écoute d’un morceau, chacun va percevoir les sons de manières différentes, ce à quoi on a toujours aspiré en tant que groupe. On est très heureux d’entendre ce genre de choses, ce que chacun ressent, même si c’est parfois très différent. Mais c’est toujours très personnel et c’est ce qui compte.

D’où est venue la décision de vous produire vous-mêmes pour cet album?

Ça s’est fait de manière plutôt naturelle puisqu’on a maintenant notre propre studio d’enregistrement Donc, évidemment, ça simplifie pas mal les choses. Puis c’était devenu comme une étape logique pour nous de passer à la production.

Crois-tu que l’auditeur doit-être dans un contexte particulier pour écouter Fuck Buttons?

Pas du tout, je n’aime pas l’idée de penser qu’il faudrait être dans tel ou tel état d’esprit pour écouter notre musique, ou même dans un endroit particulier. Fuck Buttons s’adapte à n’importe quel contexte, moment ou lieu… C’est une fois de plus quelque chose de personnel, chacun aura une envie différente par rapport à notre musique. Le plus souvent, les gens nous disent qu’ils aiment nous écouter seuls, au casque. Ça me semble parfait!

Existe t-il une grande différence entre Fuck Buttons en studio et Fuck Buttons sur scène?

Quand on compose nos morceaux, on le fait presque dans des conditions live. On ne s’assoit pas devant nos ordinateurs. Nos titres partent d’une sorte de jam assez primaire, puis on l’améliore comme on le fait en live. Donc quand un morceau est terminé, on l’a forcément déjà joué en condition live. Ça explique aussi que cela peut évoluer lors de nos shows. C’est toute la richesse de l’humain, on peut faire évoluer nos propres créations sur le moment, en live.

D’où vient Fuck Buttons musicalement parlant?

Pour ma part, j’ai grandi en écoutant du punk et du hardcore. Andy, de son côté, est arrivé un peu plus tard que moi à la musique, mais il était plus branché trip-hop, musiques électroniques. On s’est connu quand on avait 16 ans. En gros, on a déjà passé la moitié de notre vie ensemble (rire).

Vos morceaux durent en général au moins 5 ou 6 minutes, et vont parfois au delà des 10 minutes. Cela vient-il du fait que votre processus de composition se fait à base de jam?

Je ne crois pas que ça vienne forcément de ça, je ne crois pas non plus que l’on fasse exprès que nos titres soient souvent si longs. Je pense que ça s’impose à nous naturellement. Le fait d’avoir pu bosser sur ce disque autant de temps qu’on le voulait doit jouer également, on a pu développer chaque structure, chaque texture comme bon nous semblait et le résultat est celui-là. Plus tu passes de temps sur un beat, une texture, plus il est difficile d’en sortir mais il en découle à la fois de nouvelles choses. C’est ce qui nous intéresse au final.

Penses-tu que toutes ces idées ou textures pourraient loger dans un format plus pop de 3 minutes

Potentiellement oui, c’est faisable, mais je crois que ce qui fait la force de nos compositions, c’est cette progression qui se fait au fil des minutes. Tu as le temps de rentrer dedans, de t’y installer, et de te faire envoûter. Comme je te disais auparavant, ce n’est pas un choix, ce n’est surtout pas pour le plaisir de faire durer, cela s’impose tout seul.

Les paroles aident souvent à tirer une thématique d’un album. En l’absence de paroles, il est plus difficile de dire de quoi “traite” ce disque…

On n’a pas besoin de te dire de quoi est fait cet album, ni quel était notre état d’esprit au moment de le composer. On en revient toujours un peu au même, on préfère laisser libre cours à l’imagination de chacun, que tout le monde se l’approprie plutôt que de donner des explications sur ce qui a pu motiver ce disque. Les tracks ont certes un titre qui a une signification pour nous, mais c’est ensuite à chacun de se créer son histoire autour.

Fuck Buttons est plus Holy Fuck ou Fucked Up?

Les deux! Ce sont deux groupes vraiment très bons…

L’année prochaine aura lieu la Coupe du Monde de Football au Brésil. Quelle chanson de Fuck Buttons vont-ils choisir pour la cérémonie d’ouverture?

(Rire) Si cela devait être le cas, ce serait très certainement “Brainfreeze”. Il y a pas mal de percussions, ça pourrait le faire…

Ecoutez l’album “Slow Focus” sur Spotify


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