15 Déc 09 Interview – Danton Eeprom entre en selle
Révélé en 2007 par le redoutable «Confessions Of An English Opium Eater», Danton Eeprom persiste et signe avec la sortie de son premier effort «Yes Is More», melting-pot dense et digeste qui confirme si besoin était l’habileté du Marseillais exilé à Londres. A l’occasion de son récent passage aux Transmusicales de Rennes, rencontre avec l’un des derniers ambassadeurs du haut-de-forme.
Tu te souviens quand a débuté la composition de «Yes Is More»?
En fait, je n’ai pas arrêté de bosser des maxis pendant la préparation de l’album, c’est juste que depuis un an et demi-deux ans, dès que je commençais à avoir des morceaux potentiellement intéressants pour un long format, je les mettais de côté. L’objectif, c’était d’avoir un tracklisting à la fois intéressant et pertinent sur la durée. Le choix s’est fait au fur et à mesure des compositions. Mais au moment de commencer un nouveau morceau, je ne pouvais pas savoir s’il serait destiné à un maxi ou à l’album. Je ne sais jamais à l’avance si ce que je vais composer sonnera plutôt atmosphérique, rock ou dancefloor et du coup, je n’ai rien changé à mes habitudes, j’ai continué de composer comme avant et la répartition album/maxi s’est faite par la suite.
Dès le départ tu étais parti sur une construction du disque en deux parties?
J’aime bien le côté cassette deux faces auto-reverse. De ce point de vue, le concept de l’album est très classique, c’est celui qui a toujours été suivi dans différents styles: j’ai essayé d’harmoniser du mieux possible une série de titres pour qu’ils racontent une histoire avec un début, un milieu, une fin. Le but c’était de rendre l’écoute cohérente et facile pour l’auditeur. Il y avait peut-être d’autres moyens d’y parvenir mais celui-ci me paraissait tomber sous le sens.
A aucun moment tu n’as été tenté de te lancer dans un «album-taillé-pour-les-clubs»?
Je ne trouve pas ça intéressant. Certains le font, mais j’imagine que c’est surtout par dépit. Le seul format long valable en électronique, c’est la mixtape: c’est fait pour être enchainé, c’est cohérent, ça raconte une histoire, ça zigzag et puis ça a une valeur en soit. En général, le format album ressemble plus à une pirouette commerciale pour pouvoir sortir un CD, parce que la seule raison d’être d’un morceau vraiment dancefloor c’est un maxi-extended avec une grosse intro pour le rendre mixable. C’est tout à fait le genre de chose que tu calcules quand tu prépares un maxi. Pendant longtemps, je ne l’ai pas fait, jusqu’à ce que Laurent Garnier me le reproche. Lors d’une soirée au cours de laquelle il mixait, je le croise et il me fait «Ah! T’es là toi, viens voir un petit peu. J’arrête pas de jouer ton morceau «Final Night» mais regarde, à la fin j’ai envie de faire ça», une boucle avec le lecteur CD. Il était obligé de faire une boucle parce que le morceau sortait trop abruptement. Je me suis contenté de lui dire «oui Mr Garnier» (rires).
C’est notamment grâce à lui que tu t’es mis à la techno, avant ça tu jouais du rock avec ton groupe Dust Art?
A l’origine, on faisait du rock progressif, et c’est par la suite qu’on a viré un peu machines, un peu indus, un truc à la Nine Inch Nails. A partir de là, je suis rentré dans les machines à part entière.
Tu as déjà une idée de la manière dont tu vas défendre l’album en live?
J’ai trois manières de le défendre. D’une part en Dj set – ce qui est assez nouveau pour moi – surtout pour défendre l’esthétique électronique que je prône plus que pour défendre l’album en lui même parce que ça reste du mixe. La deuxième manière, c’est en live électronique, seul aux machines, c’est celle que je connais le mieux car c’est comme ça que j’ai commencé, c’est un peu ma maison et j’ai mes repères. La troisième est plus risquée puisque je me produis en groupe avec un bassiste et un batteur, c’est une configuration beaucoup plus rock qui se prête bien aux morceaux de l’album, y compris des titres comme «Confessions Of An English Opium Eater» qui sont très acoustiques au final. Je pense que le résultat sera très intéressant, on travaille dessus en ce moment pour être prêts cet été.
J’ai lu que tu bossais également sur un mix à quatre platines…
En fait, je bosse en partenariat avec Native Instruments qui m’offre la chance de pouvoir tester leurs nouveaux logiciels, leurs différentes interfaces et manières de faire pour que le mix tout bête avec une platine évolue vers quelque chose de beaucoup plus libre qui respecte aussi la tradition du mix. J’essaie de développer de nouvelles méthodes en partenariat avec eux.
Ce soir par exemple, tu te produiras avec quoi sur scène?
Ce soir, j’ai un laptop, une carte son Native Instruments et une interface très ergonomique, avec de gros boutons, qui s’appelle Machine et dont j’ai participé à la conception. Elle permet d’aller très vite et de faire des choses infaisables à la souris ou avec le Control Mix/Control CD.
Jusqu’à présent tu avais sorti des maxis chez Virgo, Electrobot, Tsuba, Elektroluv… Comment s’est faite la connection avec Infiné?
Agoria s’intéressait à mon son dès le début, et c’est en se retrouvant ensemble sur scène à Lyon que je lui ai fait écouter de nouveaux morceaux, des trucs pas encore signés comme «Wings Of Death». Ça a débuté comme ça et, par la suite, il a convaincu le reste du label de miser sur moi. Pour l’album, même s’il reste une production de mon label Fondation, je leur ai fait une licence exclusive parce que j’avais choisi de bosser avec des gens expérimentés, habitués à traiter le format CD. En aucun cas «Yes Is More» est un album de commande. Certains artistes changent de style de morceaux selon le label qui le sortira, moi je ne fais pas de morceaux de commande. Mon son, c’est mon son, et après les gens choisissent de le prendre ou pas.
Rapidement tu as fait le choix de t’expatrier à Londres. Je crois que des personnes comme Andrew Weatherall et Ivan Smagghe t’ont pas mal aidé à te faire accepter d’un public exigent…
Andrew a joué un grand rôle dans le sens où il m’ a cautionné très vite à mon arrivée. A l’époque, je n’avais aucune crédibilité aux yeux du public, les gens ne me donnaient pas plus de deux mois, et c’est en partie grâce à lui que j’ai pu commencer à m’implanter solidement sur l’île. Par la suite, mes travaux avec Ivan m’ont aussi pas mal aidé.
Le label d’Andrew Weatherall faisait d’ailleurs partie des références que tu avais en tête au moment de lancer Fondation…
Ça a été un peu mal interprété. J’ai lu que mon label de référence était Rotters Golf Club alors que c’est surtout leur état d’esprit que j’aime, le côté «club fermé de gentlemen». Ce sont des personnes que je trouve intègres, qui fonctionnent essentiellement au bouche à oreille et qui sortent de la musique classieuse très bien produite. Sans avoir ni Dieu ni maître, disons que j’aime leur esthétique et que c’est un aspect que je trouvais important au moment de lancer Fondation. Je voulais quelque chose d’assez sombre mais qui ne soit pas non plus trop dark, quelque chose de relativement classique qui puisse servir de fondement aux mixes, d’où le nom Fondation. L’idée qui m’intéressait, c’était de pouvoir sortir des morceaux de base capables de servir en toute situation. La sortie du premier maxi était une manière de dire «voilà le concept de base, si vous vous retrouvez là-dedans rejoignez moi, on peut faire un bout de chemin ensemble». Et pour l’instant, ça se passe bien.
Tu peux nous en dire un peu plus sur les projets à venir?
Il y a pas mal de choses en gestation en ce moment, on change de distributeur, on développe pas mal de jeunes… Tout ça prend du temps parce qu’on a choisi de ne pas tapper dans les producteurs connus qui vendent du vinyl pour faire des maxis. On s’en fout, nous ce qu’on préfère c’est développer des mecs avec un univers très personnel, sans pour autant s’interdire de se rapprocher de gens respectés. On prépare en ce moment une collaboration avec Laurent Garnier et plein d’autres petites choses comme ça. Ca va être une année intéressante je pense.
Et s’agissant de La Horse, le duo que tu formes avec Ivan Smagghe?
Pour l’instant, on a sorti un maxi sur Fondation et fait deux remixes. La Horse, c’est un cheval un peu fou qu’on laisse galoper dans le champ – j’ai un peu une obsession avec les chevaux en ce moment. C’est un projet qui est là et pour lequel on ne s’impose aucun impératif, aucune pression et c’est ce qui rend le truc agréable à travailler. En ce moment, on a des choses en cours mais il est encore un peu tôt pour en parler.
Un mot sur les artistes que tu vas côtoyer ce soir, Mr Oizo et Popof?
J’ai des points communs avec les deux: Mr Oizo parce que c’est quelqu’un de très emblématique de cette scène Electro dont je fais partie, et Popof (ancien membre du collectif Heretik ndlr) parce que je viens aussi de ce milieu un peu plus dur. Donc quelque part, rien ne se crée, rien ne se perd et tout se transforme!
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