Rencontre avec Cocoon, le duo folk qui va sauver le monde en faisant des bisous

Rencontre avec Cocoon, le duo folk qui va sauver le monde en faisant des bisous

cocoon_polaNouvelle référence proclamée de la scène folk française, Cocoon sort un premier album très attendu depuis “From Panda Mountains“, un récent maxi unanimement accueilli. On y découvre un monde bien à lui, ou légèreté, naïveté, et mélodies font extrêmement bon ménage. Du coup, quand il a fallu aller au-devant du groupe pour le découvrir un peu plus, c’est d’un pas bien décidé que nous nous y sommes rendus. Et, plus que de rencontrer un groupe que l’on savait prometteur, c’est le plaisir de discuter avec ces deux personnages, les pieds sur terre, (trop?) modestes, et quelque peu dépassés par les évènements, qui l’a emporté. Cocoon est à nous pour une bonne demi-heure, et on a bien l’intention de ne pas raccourcir ce moment…


Vous êtes tous les deux très jeunes mais déjà très matures. Avez-vous toujours baigné dans la musique, où êtes-vous de parfaits autodidactes? Cocoon est-il votre première expérience à tous les deux?

Mark: Moi, j’ai appris la guitare tout seul, je n’ai aucune formation. Ce serait pas mal d’ailleurs, mais bon c’est trop tard. J’ai beaucoup écrit de chansons, tout seul de mon côté, et j’avais un groupe au lycée comme pas mal de gens.

Morgane: Moi, j’ai pris des cours de piano, pas au conservatoire mais avec une super prof qui m’a vraiment donné l’envie. J’ai arrêté, du coup j’ai un peu régressé. Sinon, avant je jouais dans des groupes, je chantais du rock, c’était absolument ignoble mais c’était drôle et ça passait le temps (rires).

Mark: En fait, je me suis aperçu que, en groupe, je n’y arrivais pas. J’étais pas sur la même longueur d’ondes que les autres qui faisaient vraiment ça pour s’amuser. Moi, je voulais vraiment me lancer, donc j’ai plutôt écrit seul ensuite. C’est là que j’ai mis une petite annonce disant que je cherchais une fille avec qui jouer. J’en ai rencontré plusieurs, mais c’est avec Morgane que ça a tout de suite collé. Il faut dire qu’entre nous, il y a tout un passé amical et familial qui a fait que ça a été beaucoup plus simple. C’était évident.

Votre maxi est sorti il y a quelques mois pour préparer la sortie de ce premier album. S’agissait-il d’un test avant de faire le grand saut, ou plutôt une stratégie marketing de la part de votre label?

Mark: Les deux. On avait déjà fait un mini Ep autoproduit pour se faire connaître, pour l’envoyer aux labels, aux Inrocks. Il s’appelait “I Hate Birds Ep”, on l’a ré enregistré, et c’est donc devenu “From Panda Mountains” avec d’autres chansons. On l’a sorti trois ou quatre mois après avoir gagné le CQFD pour maintenir un peu le buzz et pour que les gens puissent enfin avoir un disque de Cocoon. Mais l’album a été fait vite aussi, il était terminé en juin. On aurait aimé le sortir un peu plus tôt, mais octobre c’est pas mal non plus.

Justement, cet album a t-il été abordé dans le même état d’esprit que le maxi?

Mark: oui, parce que c’est les mêmes sessions.

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Ressentez vous une certaine pression, voire même quelques doutes, avant la sortie?

Morgane: Complètement, on est effrayé. On ne sait pas s’il va plaire, comment il va être accueilli.

Mark: On a de très bons retours de tout le monde, mais est-ce qu’on va en vendre? Là, on a les premières télévisions qui vont arriver, pas mal de radios… C’est un moment ou l’on se sent hyper vulnérable, à la merci des critiques et de tout le monde. On peut se faire bouffer tout cru, donc on a peur. Mais en même temps, c’est génial, on sort le bébé qu’on a fait ensemble, on le montre aux gens et on leur demande s’ils le trouvent beau ou moche.

Certains vont peut-être être déçus de ne pas avoir que des inédits. Pourquoi avoir resservi quelques titres du maxi et pas douze nouveaux morceaux?

Mark: Parce qu’on adore “On My Way”, et que c’est le single qui va rentrer sur toutes les radios. On était donc obligé de le mettre. “Tell Me”, c’était la chanson des Inrocks, et notre première de surcroît, donc c’était mignon de la remettre et puis si les gens ne l’aiment pas, ils la zappent (rires). Et “Hummingbird”, elle n’était pas prévue au départ, mais c’est celle qu’on préfère parce qu’elle nous résume bien. En tout, j’ai dû faire quatre-vingt morceaux parmi lesquels on en a choisi trente, et on a fait une sélection. Y aura donc sûrement des titres en cadeau sur internet, ou pourquoi pas un autre mini album. Mais vu que c’est notre premier album, on voulait vraiment mettre nos meilleurs moments, comme un best of de ces deux dernières années. Et puis, il y en a quand même neuf nouvelles!

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Le contraste est très présent dans votre album, surtout dans les thèmes abordés qui sont parfois à l’opposé de votre musique naïve et légère. Est-ce un choix ou un trait de votre personnalité?

Mark: C’est un trait de notre personnalité, on aime beaucoup le décalage. J’aime beaucoup les films de Miyazaki comme Le Voyage De Shihiro où il y a le parcours de la petite fille avec des gros monstres, des gros canards, avec cette mélancolie en fil rouge du film. On sent l’auteur qui transpire à travers le dessin. C’est vraiment ce qu’on voulait avec cet album, cette mélancolie omniprésente dans la musique et des côtés drôles où l’on peut parler de n’importe quoi, d’animaux, de mort, de blagues vaseuses, ou de passages de films pourris… Y a un côté trash aussi qui est important, parce que c’est nous. On voulait garder ce côté instantané. Quand tu fais une chanson qui s’appelle “Chupee”, tu ne peux faire que du second degré. On ne veut pas être les Henri Dès du folk. Si on était tombé là-dedans, on serait l’énième groupe de folk chiant et larmoyant sur sa guitare. Quand on a joué en Angleterre, les gens ont compris, ont rigolé.

L’accueil a t-il été le même qu’en France?

Mark: Non, ce n’est pas du tout pareil. Les gens en France sont tristes, touchés, et s’imprègnent de l’ambiance enfantine qu’ils connaissent, ce côté peluche qu’on aime bien et qu’on décline dans nos visuels.

Quels enseignements avez vous ramené de là-bas?

Mark: Qu’on était vraiment drôle en fait (rires). Et ça nous a rassuré. On aimerait bien y retourner, y jouer plus pour voir comment ça se passe sur le long terme, si on était juste des comiques de service ou si on peut vraiment y installer cet univers mélancolico-fantaisiste sur scène. Vous appartenez à cette nouvelle scène française qui comprend d’autres formations comme Hey Hey My My ou Stuck In The Sound.

Quelle relation entretenez-vous avec ces groupes? Est-ce une scène solidaire?

Mark: On a tous joué ensemble à un moment ou un autre. On est tous potes, on se retrouve aux mêmes endroits, aux mêmes festivals, on a le même label pour certains, le même distributeur (Discograph, ndlr). C’est une grande famille. Il y a un réel essor de la scène française chantant en anglais, et c’est bien de se décomplexer, d’autant plus que les radios en font de même. On arrive pile au bon moment parce qu’avant c’était mission impossible. On a d’ailleurs eu plusieurs propositions de labels qui voulaient nous faire chanter en français, tel un énième Raphaël. Cocoon, c’est en Anglais du début à la fin, et on ne fera pas de concession sur ce plan-là. On a essayé, parce qu’il n’y a que les cons qui ne changent pas d’avis. C’était pourri. Pour nous, l’Anglais c’est automatique, c’est musical. Si on devait chanter en français, pourquoi pas après en Espagnol ou en Roumain?

Le gros coup de pouce de votre début de carrière a donc été le CQFD des Inrocks. Ça a changé quoi concrètement pour Cocoon?

Mark: Une mise en avant nationale, les premiers concerts en dehors de ta région, des grosses scènes, les premiers articles, les premiers regards qui se posent sur toi. C’est le début de tout. Après, on a gagné le Printemps De Bourges, les Eurockéennes, là on vient de remporter le FAIR, ce qui est énorme. C’est un peu notre année. On a beaucoup travaillé pour arriver à quelque chose, et sans doute que sans cela, le CQFD n’aurait pas suffi. Surtout que maintenant ça va changer, ça va être trimestriel plutôt qu’annuel donc, heureusement pour nous, on a gagné la dernière édition “normale”.

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La France, comme d’autres pays, connaît un grand retour du folk. Pensez vous que le succès de Cocoon y est aussi dû? Comment voyez vous évoluer votre musique? Cocoon restera t-il toujours un duo?

Mark: Sûrement que le contexte nous a aussi aidé. Ça nous a permis de faire les premières parties des plus gros comme Cocorosie, Thomas Dybdahl, Beirut… Tous ces artistes influencent plus ou moins la nouvelle scène. Comme The Libertines, The Strokes, The Vines ont influencé les groupes de rock il y a quatre ans. C’est en train de disparaître, comme ce sera le cas pour notre genre de musique dans un futur proche. Il y a des vagues musicales comme ça. Mais, pour Cocoon, c’était évident que ça allait être du folk, rien que vis-à-vis de nos voix et de nos sensibilités. Le deuxième album sera, à mon avis, plus basé sur les rythmes. Je n’écoute que du hip hop en ce moment, et ça influencera peut-être le prochain disque.

Qu’écoutez vous exactement?

Mark: J’adore Blockhead, Sage Francis, Prefuse 73, Dj Shadow… J’écoute aussi un peu de folk mais en ce moment, c’est surtout cela. Je crois que je vais me nourrir d’autres choses que du folk que j’ai écouté toute ma vie. J’aime bien la pop aussi, les vrais refrains, les grosses productions… J’adore des trucs comme Nelly Furtado, Timbaland, il y a des choses géniales dans ces trucs-là. Et pour revenir à ta dernière question, on restera tout le temps tous les deux. Mais c’est possible que sur scène, quand on aura plus de moyens, on emmène avec nous des cordes, un batteur, un bassiste qui sont aujourd’hui remplacés par un clavier. On va d’ailleurs en avoir un nouveau, vu qu’on a touché un peu de sous.
Morgane
: On va tout faire pour se rapprocher au maximum du naturel, on va sampler les vrais sons de l’album. Ca tranchera peut-être un peu plus, on va voir…
Mark
: Là, on rentre dans une grosse phase de travail sur la fin d’année, avant que la tournée ne commence vraiment en janvier.

Qu’est ce que le fait d’être un duo mixte vous apporte à chacun? Selon vous, est ce que votre musique serait différente si ce n’était pas le cas?

Mark: C’est clair. Quand je compose, je pense toujours à Morgane et à de multiples instruments, et je pense que c’est réciproque. Maintenant, Cocoon est tellement un contexte, on s’est mis un cadre… C’est important dans la musique de se mettre des cadres parce que c’est comme ça que tu es le plus libre paradoxalement. Avec ce cadre, on a évité de s’éparpiller, et on a évolué comme on voulait à l’intérieur.
Morgane
: Moi, je compose un peu plus au piano, donc ça va peut-être être différent, il y aura certainement plus de piano dans le deuxième album.

Comment se traduit votre collaboration? Quel est le processus type de composition?

Mark: J’écris beaucoup et très vite généralement, je les fais écouter à Morgane qui me donne son avis. Elle a un rôle de tampon. Je lui enregistre ça sur un vieux Mac avec un son de cassette pourri, et elle rend tout cela très beau. Morgane, c’est un peu comme un four: je fais une pâte à pain, elle fait cuire le truc et une demi-heure après, t’as un gâteau tout beau et trop bon. Elle apporte aussi beaucoup le côté pop, parce que moi je suis super exigeant, je suis tout le temps en train de chercher des nouveaux trucs, j’achète beaucoup de disques. Elle, elle supporte la radio, elle écoute beaucoup de pop. C’est moi qui lui ai fait écouter du folk.

Morgane: Pourtant, j’adorais ça, mais je n’en écoutais pas. J’écoutais plus Archive, Radiohead. Du coup, je découvre plein de choses, mais je suis un peu en retard. Il y a comme un décalage, parce que j’ai pas le temps d’ingurgiter la musique aussi vite que Mark.

Mark: Et puis au bout d’un moment, quand tu écoutes un album, tu arrives à savoir très rapidement si c’est bien ou pas. C’est triste, mais au final, c’est un peu comme un livre ou un film. C’est un peu mon cas. J’ai par exemple été assez déçu par les derniers Devendra Banhart et Beirut, mais j’ai adoré le dernier José Gonzales qui est une tuerie, ou le dernier Gravenhurst qui est magnifique.


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A quoi vont ressembler les prochains mois de Cocoon?

Mark: La route, la route, la route… Le premier clip qui va arriver, qui est tout en animation, avec des pandas… Ça va être rigolo. On a les télés aussi, ça va être cool. Mais là, on est tout démuni, on attend, on est tout nu, attaché, les poings liés, sur des rails avec un train qui va passer d’un moment à l’autre. Et tu sais pas s’il va s’arrêter au bon moment ou s’il va te passer dessus. Mais, en même temps, c’est excitant, on est beaucoup aidé. On va même être habillé par Zadig & Voltaire (rires). Ce qui est super aussi, c’est qu’on va sortir l’album en objet collector. Moi, je suis très fétichiste, j’adore les beaux disques.

Le mot de la fin?

Mark: J’adore Bokson (devenu mowno, ndlr), je vous lis tous les jours avec notre graphiste. On est fan de ce site, donc c’est vraiment cool de nous interviewer. C’est vraiment la classe. (ndlr: Promis, on avait aucun billets en poche ce jour là…)

Morgane: Moi, je connaissais pas trop, mais je n’ai pas trop la culture magazine.

Mark: Sinon, allez sur notre Myspace, on essaye de répondre même si c’est un peu chaud. Mais Morgane, elle ne répond pas aux commentaires…

Morgane: Mais si, mais si, mais j’ai du retard. Mais, c’est mignon mais quand tu réponds aux gens, ils te renvoient un message, donc ça n’en finit pas.

Mark: Tu ne réponds pas aux réponses, ça ne sert à rien… Par contre, arrêtez de nous demander quand est ce qu’on joue ici ou là, c’est marqué sur l’agenda. En plus, on a une toute petite voiture, donc on ne pourra pas vous emmener. Sinon, on va sortir ce disque en toute humilité et si ça ne marche pas, tant pis, on en fera un deuxième qui sera mieux. Et si ça marche bien, on n’en fera plus parce qu’on sera riche. On fera comme Patrick Hernandez qui vit sur “Born To Be Alive” depuis quarante ans.

Lire la chronique de “My Friends All Died In a Plane Crash

Ecoutez un extrait sur le myspace de Cocoon par ici


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