Interview : Channels (10-2004)

Interview : Channels (10-2004)

Jay Robbins monte Channels sur les cendres de Burning Airlines. Rencontre à Chicago avant leur concert avec Pilot To Gunner…

Pour commencer, est-ce que tu pourrais nous raconter brièvement tes occupations depuis la fin de Burning Airlines?

Jay Robbins (guitare/chant): Depuis que l’on s’est séparé, l’événement majeur a été l’achat d’une maison avec ma femme à coté de Baltimore! J’ai également beaucoup travaillé à enregistrer les albums des autres, mon vrai métier. On a commencé Channels il y a deux ans, mais c’était pas très sérieux au début. C’était avant tout pour le plaisir de jouer et, petit à petit, c’est devenu intéressant. On n’est pas le genre de groupe qui va passer sa vie sur les routes à faire des concerts comme ça a pu être le cas avec Jawbox ou Burning Airlines. A la base, c’était juste pour s’amuser et on essaye de préserver, tant que possible, cet objectif.

Qu’est ce qui a mis fin a l’existence de Burning Airlines?

Je venais juste de me marier, et j’en avais assez d’être perpétuellement sur les routes. Dans le groupe, il y avait une profonde division entre ceux qui voulaient faire grandir le groupe, le rendre plus populaire, et ceux, comme moi, qui se contentaient de ce qu’ils avaient, qui n’avaient pas envie d’aller plus loin… Enfin… Je ne sais pas… Les deux perspectives pouvaient se défendre. Un jour, on a juste décidé de faire un break, et ça s’est éternisé.

Inadéquation entre vie familiale et vie professionnelle?

J’étais trop souvent loin de la maison et ça posait problème… Tu sais, quand t’es jeune, que tu joues dans un groupe, c’est une bonne opportunité pour t’amuser, sortir, connaître de nouvelles expériences, te sentir vivant, c’est super! Mais, pour beaucoup de groupes, le problème n’est pas le fait que ça devienne un « business », c’est juste que tu rentres dans un circuit, tu es tout le temps en tournée et, résultat, tu fais tout le temps la même chose. Ce n’est pas très intéressant. Peut-être que pour certains, ça marche, et c’est ce qui fait que leur groupe devient important, mais pour moi ce n’est pas ça. J’ai besoin de me m’amuser, de me sentir en vie et, à la fin, avec Burning Airlines, on tournait en rond alors que, dans le même temps, dans ma vie perso, tout changeait: je venais de me marier, je m’installais dans cette nouvelle maison… Toutes ces choses qui paraissent bien normales pour la majorité des gens mais qui pour moi étaient nouvelles. C’est ce genre de division qui, je crois, a provoqué la fin des Burning. On n’en a jamais parlé ensemble. On a juste décidé un jour de faire un break, et six mois après on s’est juste passé un coup de fil pour officialiser la chose. Sans colère, sans rancune…

Tu peux nous parler de la création de Channels?

Ce n’est pas un projet qui a été prémédité, c’est venu assez naturellement. Janet et moi parlions depuis longtemps de faire de la musique ensemble. Elle a une voix magnifique, ressent et pense la musique comme moi, et on jouait souvent ensemble en chantant des petits trucs, mais c’était juste pour passer du bon temps. Ensuite Daren, que je connais depuis des années, et qui est non seulement un formidable batteur mais en plus un mec génial, m’a proposé de jouer ensemble un jour où il traînait à la maison. Ca faisait très longtemps qu’il n’avait pas joué dans un groupe et moi je trouvais génial l’idée de pouvoir se retrouver tous les trois pour jouer de la musique, ma femme et un de mes batteur favoris!…

Après Jawbox et Burning Airlines, Channels semble être un de vos projets les plus « accessible ». Etait-ce une volonté délibérée?

Vraiment?!! Cool!… Nan, c’est marrant que tu dises ça parce que Ken, avec qui on bosse chez Desoto Records, la première fois qu’on lui a donné une cassette avant même de savoir que Channels allait devenir un groupe, nous a dit que c’était le projet le moins accessible qu’on lui ait présenté. Mais nous, on a juste fait ce qui nous plaisait à un moment donné, donc il n’y avait aucune volonté délibérée de faire un album plus ou moins « accessible ».

Est-ce qu’on te fait insulte si on te dit que depuis Jawbox, tu ne sembles pas avoir la même implication dans tes projets? Cette période était elle la plus intense de ta carrière?

Je crois qu’avant tout c’est une question d’âge… Mais je ne pourrais pas dire que c’est plus ou moins intense, ou que je sois plus ou moins impliqué, c’est juste une approche différente. Avec Jawbox, j’étais avant tout membre d’un groupe et ça remplissait l’essentiel de ma vie. Spécialement avec Jawbox, où on était constamment en tournée et où la musique n’était qu’en fait qu’une partie de cette vie de groupe… Maintenant, on a tous plus de trente ans, chacun aime la vie qu’il mène en dehors de la musique, mais on aime la musique toujours autant. Même peut-être plus. Je ne sais pas si ce que je vais dire a un sens, mais j’ai l’impression aujourd’hui, avec mon mode de vie, d’avoir un esprit plus ouvert sur la musique, ce qui pourrait justifier que je l’aime plus encore. Au moment de Jawbox, j’avais la vingtaine, je ne savais pas encore qui j’étais, je me « cherchais », et Jawbox a été l’élément qui m’a stabilisé, qui m’a épanoui.

J’ai lu quelque part que vous cherchiez un quatrième membre pour la tournée. Qu’en est-il?

Effectivement on en a parlé, mais ça ne s’est pas fait pour des questions de temps. A trois, avec Daren qui habite pas loin de chez nous, c’était gérable. Mais, si on devait chercher quelqu’un avec assez de disponibilités pour nous suivre, c’était une autre affaire. On connaissait pas mal de personnes qui aurait été motivées pour se joindre à nous, mais on avait aucune chanson qui l’exigeait vraiment. On écrit à trois, on joue à trois, et on s’est rendu compte que si on avait besoin d’une quatrième personne, c’était pour quelques morceaux. Et encore… C’était difficile de mobiliser quelqu’un pendant trois mois tous les jours pour qu’il joue si peu. Et quand on a parlé sérieusement, on s’est juste rendu compte qu’on n’en avait pas vraiment besoin.

Changement de sujet: quelle est ton opinion, si tu en as une, sur les projets tels que ceux de Mickael Moore ou de Fat Mike (« Rock Against Bush ») qui se mobilisent contre l’administration Bush? Pourrais-tu participer à de tels projets?

Pour moi, toutes les formes de propagande qui pousseront Mister Bush vers la sortie est bonne à prendre. Toutes les voix qui vont dans ce sens ont mon approbation.

Après le 11 septembre, comment avez-vous assumé le nom « Burning Airlines »?

Très mal… Je pense même que c’était le début de la fin. On était en tournée quand ça s’est passé, une ou deux représentation ont été annulé à cause de notre nom, ou sinon ils changeaient le nom sur les façades des salles où on jouait. On devait à chaque fois passer un temps fou à expliquer d’où venait notre nom, à se justifier, à crier qu’on n’avait aucun lien avec Al-Quaida (rires). Mais, je pense que c’était le « début de la fin » parce que c’est à partir de ce moment là qu’on a commencé à se poser des questions existentielles sur notre travail, sur là où on voulait en venir. On n’allait pas changer le nom du groupe, mais on serait passé pour des mecs insensibles si on avait rien fait. Même si ce n’était pas intentionnel. Je crois qu’aujourd’hui je m’en taperais. Quand tu vois comment l’administration s’est comportée après cet événement, comment ils l’ont exploité, ça rend malade. Et quand je vois ça, je relativise la notion de « sensibilité ». Le seul bon coté, c’est que ça a mis fin à l’aventure et que, comme de toutes façons ça devait arriver, ça a accéléré le processus.

Est-ce que tu essayes de faire passer un message ou des valeurs à travers ta musique? Ou considères-tu que ce n’est pas ton rôle?

Pour moi la musique, c’est avant tout un moyen de communiquer entre celui qui la fait et celui qui l’écoute. Je ne me sentirais pas à l’aise si je devais faire de la musique purement commerciale. J’aime trop la musique pour ça, elle m’a sauvé plusieurs fois, surtout quand j’étais dans la scène punk-rock. Ce qui est intéressant depuis le 11 septembre, c’est de voir qu’un grand nombre de groupes a une approche différente dans son écriture, comme si il prenait enfin en compte ce qui les entoure.

Quels sont les projets pour le groupe?

Déjà, on est en tournée aux USA jusqu’à la mi-octobre, après on va un peu se pencher sur l’écriture, et surtout je vais devoir retourner à l’enregistrement d’autres groupes. Il faut bien que je gagne ma vie. J’ai quelques projets avec Daren, notamment l’enregistrement de l’album de Vic Bondie (ex-chanteur de Article of Faith). Ca fait très longtemps qu’il n’a pas sorti quelque chose et là, il vient d’écrire quelques morceaux et on va s’occuper de la production. Mais pour Channels, c’est plus détendu, on fait des morceaux quand ça vient, on ne se met pas de pression. On n’a pas envie de se sentir obligé de travailler, on veut préserver ce caractère ludique. Peut-être un album pour le printemps ou l’été prochain.

Je viens de prendre connaissance d’un projet monté par Two Sheds Music qui serait un hommage à Jawbox. Ton impression?

C’est plutôt amusant! Quand tu entends le disque, en plus, ça semble meilleur que ce qu’on pouvait faire avec Jawbox. C’est sympa. C’est un sentiment assez étrange et agréable de voir que des groupes décident de te rendre hommage après tout ce temps!

Le mot de la fin?…

Mmmmm…. Je vois pas… C’est pas évident… Je ne suis pas bon pour ça, désolé.


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