19 Sep 10 Interview – Band of Horses au grand galop
Band of Horses n’est plus seulement ce sympathique groupe indie américain à la renommée grandissante. C’est un fait, si son public n’a cessé de s’agrandir à chaque album, beaucoup de choses ont changé depuis peu chez la bande de Ben Bridwell: un nouveau label assez costaud pour lui assurer une promotion à la hauteur de son statut, un troisième album que le groupe s’est lui-même chargé de produire, et surtout une nouvelle approche beaucoup plus démocratique de la composition. Le groupe ne se cache donc plus derrière son charismatique barbu: désormais, chacun à son mot à dire, sa propre note à jouer. Sorti en février aux Etats Unis, « Infinite Arms » déboule seulement maintenant en France. Pour l’occasion, le combo foulait les planches de Rock en Seine tandis que se présentait à nous l’opportunité de poser quelques questions à Ryan Monroe (clavier/chant) et Creighton Barrett (batterie). Histoire de goûter enfin au Band of Horses nouveau.
Sur vos deux premiers albums, la voix de Ben était au centre de toutes les compositions, comme sur « Window Blues » ou « No One’s Gonna Love You » par exemple. Cette fois-ci, il semble se fondre un peu plus avec le reste du groupe, avec des chansons plus arrangées, plus pop, comme « Dilly » qui privilégie l’énergie à l’émotion. Maintenant que votre line-up est consolidé, était ce devenu une obligation de rendre le travail du groupe plus collectif?
Ça n’a pas été une obligation, ça s’est fait de manière tout à fait naturelle. Pour la première fois, le songwriting ne reposait pas uniquement sur les épaules de Ben; Ryan, Tyler et Bill sont également de très bons compositeurs, avec leur propre vision des choses. Il a juste fallu savoir utiliser tout ça de la meilleure des manières. Quand ces gens sont ensemble, tout est possible, il fallait donc seulement savoir en tirer le meilleur. On avait tous ce besoin d’être sûr que la voix de chacun puisse être entendue, et ça a évidemment été le cas.
Si nous reprochions quelque chose à « Infinite Arms », ce serait certainement son perfectionisme, dans la production notamment… Est-ce inévitable lorsqu’un groupe grandit et qu’il prend en charge la majeure partie de la production?
Étant donné que s’est presentée cette possibilité de produire nous-même ce nouveau disque, on avait ce sentiment que l’on pouvait faire absolument tout ce que l’on voulait. Je ne sais pas si c’est la perfection qui a été recherché. On voulait aller loin, essayer plein de choses, des choses assez folles, d’autres que l’on pensait bonnes et que nous avons finalement jeté. Avoir la possibilité de tester beaucoup de choses nous a plu. En plus, à l’époque, nous étions entre deux labels, donc il n’y avait aucune pression venant de l’extérieur. On était juste en studio, à essayer de faire le disque qu’on voulait tous. Comme dans tout processus, il a evidemment fallu s’arreter à un moment. Quand tu produis, tu pourrais continuer indéfiniment mais, arrivé à un certain point, il faut savoir considerer que le boulot est fait, et qu’il est très bien comme ça.
Justement, comment sait-on que c’est fini, qu’il ne faut plus toucher à rien, qu’on a ce qu’on voulait?
C’est une décision très compliquée à prendre. Tu sais, on pourrait être encore au studio aujourd’hui même! On avait beaucoup de chansons prêtes, on en a finalement éliminé certaines pour ne conserver que celles qui nous satisfaisaient tous totalement. Quand tu en arrives là, tu peux considérer que c’est fini.
Est-ce difficile justement de jeter des chansons?
Ça l’est en effet. Mais, à un moment donné, on se rend compte que certaines chansons sont bien plus puissantes que d’autres. Le problème n’était pas que certaines ne soient pas assez bonnes pour figurer sur le tracklisting du disque. Il s’agit plutôt d’une sensation générale qui fait que, parfois, certains titres ne se retrouvent finalement pas sur l’album.
Utiliserez-vous ces enregistrements pour d’éventuelles face-b ou autres projets?
Oui, très certainement. C’est là l’un des avantages pour nous d’avoir eu cette possibilité de choisir parmi beaucoup de chansons. On a pu participer ainsi à la bande originale de « Twilight » en y faisant figurer un titre inédit. Les gens nous demandent très souvent cela pour certains projets. Grâce à ce surplus de chansons, on en a maintenant six ou sept que l’on peut proposer dans le cadre de collaborations.
Phil Ek, le producteur de vos deux premiers albums, n’a pas pu participer à la production de « Infinite Arms ». Était-il naturel pour vous de vous charger de la production en son absence? Comme si, d’une certaine manière, personne d’autre que vous et Phil pouvait s’en occuper?
On a eu un problème d’agenda avec Phil et, dans le même temps, on a également senti qu’on avait les armes pour pouvoir faire face à cette absence et produire le disque nous même. Bill, notre bassiste qui est ingénieur du son à la base, avait déjà une grande expérience de la production. On s’est donc lançé en essayant de faire avec ce qu’on avait. Ca nous faisait un peu peur, puis finalement ça s’est révélé plus qu’excitant pour nous. Quand Phil s’est retrouvé dans l’impossibilité de diriger la production, on n’a pas cherché à trouver quelqu’un d’autre, on a décidé de se lançer. On avait rencontré Bill au studio ou l’on avait enregistré notre deuxième album, soit le même que celui utilisé pour « Infinite Arms ». Il était donc plus que familiarisé avec le matériel, ce qui simplifiait également les choses.
N’est-ce pas compliqué de conserver une certaine distance avec votre travail quand c’est vous qui produisez?
C’est vrai que c’est une chose très compliquée. Tous les jours, on se posait des questions, on pensait qu’on emmenait peut être les choses un peu trop loin, que c’était peut-être un peu fou. En même temps, ce sont des questions qu’il est bon de se poser. Quand vous avez beaucoup de possibilités qui s’offrent à vous, et des gens talentueux impliqués, il est certain qu’il est difficile de considérer tout ce boulot de manière objective. C’est quasiment impossible, même si tu es bourré ou un peu stone (rires)…
Vous parliez tout à l’heure de cette période de transition entre vos deux labels. Pensez vous que cet album aurait été différent si vous étiez restés chez Sub Pop?
Non, je ne pense pas. Les changements sont plutôt dus à une demarche personnelle du groupe. Même si on n’avait pas encore de label, on avait à s’inquiéter de rien. On adore Sub Pop, c’est un peu notre famille mais, en même temps, on a eu cette chance d’avoir pas mal de succès avec nos deux premiers disques, ce qui fait qu’il y a maintenant une grande attente autour de nous. Les gens voulaient écouter ce disque, ils l’attendaient. On veut toujours faire le maximum pour que nos albums plaisent au public, c’est la volonté de tous les groupes. Mais, cette crainte de l’éventualité de ne pas avoir de label nous a peut être poussé à donner encore plus finalement, à être encore meilleur.
Le groupe vit une période de transition importante, passant d’un statut plutot indie à un autre plus mainstream. On a notamment pu observer ça au SXSW 2010 ou vous étiez le groupe le plus attendu du festival. Considérez vous que votre mue a atteint son apogée, ou vous considérez vous encore en pleine gestation?
On est toujours en évolution. Pour ce disque, tout le monde a été impliqué, et il est certain que cela sera encore plus le cas pour le prochain. Franchement, on n’a pas envie d’être un groupe installé, on a vraiment besoin que ça change, que ça évolue constamment. Le groupe vivant de ça, ce serait tellement facile de ne pas bouger et de refaire des choses déjà faites. On n’a pas envie de ça.
« Infinite Arms » est finalement un album beaucoup plus democratique que ses prédecesseurs, mais est-il un album plus collectif? Avez vous bossé en groupe pour la composition de ce disque?
Oui. En fait, on a beaucoup composé en studio, c’était quelque chose de nouveau pour le groupe. On vit tous dans des villes et des endroits différents donc, dans un premier temps, on bosse beaucoup à coups de ProTools, de Garage Band, et on s’envoie des idées comme ça. On pourrait presque dire que les idées principales ont été écrites séparémment, mais que les chansons ont vraiment pris forme une fois que nous étions tous en studio. Les ponts, les riffs sont des choses qui viennent naturellement, en partageant nos idées. On amène des idées en studio, puis elles changent au point de prendre parfois une toute autre direction. Tout cela fait que la réunion du groupe en studio a pris beaucoup d’importance puisqu’on y a énormément partagé. Ça a été très enrichissant à tous les niveaux pour le groupe.
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