20 Avr 00 Interview : At The Drive In
Nous avons créé le groupe en 1994 juste dans le but de tourner et de sortir des disques. Plusieurs personnes se sont impliquées dans l’histoire mais depuis deux ans et demi la formation reste inchangée. Auparavant, certains des anciens membres n’appréciaient pas trop le fait de tourner…
Est-ce que « At The Drive In » est porteur de message?
Le nom du groupe vient d’un morceau du groupe Poison qui disait « At The Drive In Is My Whole Name For It ». Un jour, nous étions dans un restaurant et ce morceau est passé. Il y a un morceau des Bad Brains qui s’appele At The Movies; on avait opté pour ce nom et Poison nous a fait changer d’avis. Il n’y a donc aucun message à chercher derrière.
Comment qualifieriez-vous votre musique?
C’est du rock. Nous jouions avant dans des groupes punk et certaines personnes sont restées là-dessus et nous qualifient ainsi. Nous composons tous ensemble, chacun amène ses idées et influences;c’est pourquoi nous préférons dire que nous jouons du rock pour éviter d’être étiquetté maladroitement. De toutes façons, le plus important pour nous est de faire ce que l’on veut. Si nous voulions faire un disque de hip-hop, nous en serions totalement capable. Nous ne voulons pas faire constamment les mêmes disques, nous voulons évoluer, avoir de plus en plus d’influences différentes. Nous faisons beaucoup de sacrifices pour vivre notre expérience, nous ne souffrons d’aucun contrôle donc nous vivons pleinement notre carrière.
Vous avez partagé la scène avec Rage Against The Machine et Gangstarr. Etes-vous toujours en contact avec eux?
Nous sommes assez bons amis avec RATM alors que nous ne connaissons pas vraiment les mecs de Gangstarr. Nous avons juste fait quelques trucs avec eux sur scène mais ce n’est pas les mêmes affinités qu’avec RATM dont les membres vivent à Los Angeles. Nous avons tous passé une semaine et demie ensemble à se regarder jouer et c’était presque comme une famille. Tout le monde était ouvert et sympa, il n’y avait pas d’attitude à deux francs ni d’égo trop développé. Peut être que nous ferons plus de concerts avec Rage dans le futur mais c’est assez dur aux USA de jouer avec des groupes comme cela car les organisateurs de concerts ne sont pas vraiment ouverts d’esprit et ne laissent pas la chance à des groupes de notre aura.
Seriez-vous intéressés de partager une expérience discographique avec des artistes hip hop comme Zack De La Rocha a pu le faire avec KRS One par exemple?
Je ne sais pas, nous n’y avons jamais véritablement pensé. Nous avons rencontré une fille à Austin qui produit des jeunes artistes hip hop qui sont intéressés par le rock et il se pourrait que l’on fasse des choses avec elle mais pas sous le nom de At The Drive In. Nous sommes fans de hip hop, nous en écoutons beaucoup et ca nous plairait beaucoup, je pense.
Votre prochain album est déjà enregistré. Pouvez-vous déjà nous en parler?
Nous avons passé sept semaines en studio à essayer beaucoup de trucs que nous ne pouvions faire avant. Les sons sont un peu différents, il y a un morceau avec Iggy Pop. Il était hyper cool, pas du tout la grosse tête, on n’avait vraiment pas l’impression d’être en face d’une telle star. Pour en revenir au disque, nous n’avons jamais eu la chance jusque là de passer plus de quatre jours en studio donc on en a profité. On avait une petite maison juste à côté ou nous logions et ou nous pouvions nous détendre… On a donc vécu en quasi-autarcie. Nous avons vraiment travaillé dur, les enregistrements duraient parfois jusqu’à trois heures du matin et nous avons du avoir que deux ou trois jours de repos en sept semaines. C’est aussi une expérience humaine: nous nous connaissons tous très bien à force de tourner mais vivre comme cela les uns sur les autres peut aussi être un test. Ce nouveau disque sera en tous les cas différents des précédents mais nous en sommes très satisfaits et pensons que c’est sûrement le meilleur. C’est Ross Robinson qui l’a produit. Certains ne l’aiment pas du tout et nous critiquerons parce qu’ils nous considèrent comme un groupe punk et pour eux, un groupe punk ne doit pas travailler avec un producteur de renom. Nous voyons déjà les critiques venir à cause de cela et des tournées avec RATM mais cela nous importe peu. On a joué dans des groupes punk pendant dix ans et nous savons ce que c’est. Personne ne va nous apprendre cela. Nous évoluons, devenons de plus en plus importants et je ne vois pas pourquoi nous refuserions une proposition d’un mec comme Ross Robinson juste parce qu’il a enregistré Korn par exemple. Nous avions refusé au départ puis notre label nous a soumi l’idée d’enregistrer un morceau avec lui en guise de test. Ross est hyper cool, hyper énergique et c’est vraiment enrichissant d’enregistrer avec un producteur de ce cran qui t’apprend des trucs et t’aide à mieux apprécier ta première longue expérience de studio. Nous ne nous attendons pas à ce que tous ceux qui nous appréciaient avant continuent de nous cautionner.
Quand est-il prévu?
A la fin du mois de juillet 2000. Il sortira en même temps aux USA et en Europe. On devrait avoir un distributeur européen si tout se passe bien. Et si quelqu’un n’aime pas ce disque, qu’il sache que ce sera entièrement de notre faute et pas de celle de Ross Robinson ou du label.
Vous êtes maintenant sur un label, Grand Royal, lui-même chez BMG (aux USA…). Pourquoi ce choix?
Je ne sais pas comment tu peux savoir cela car cela s’est fait il y a une semaine et moi je ne le sais que depuis trois jours. Bref, nous cherchions un label plus important que Fearless pour nous assurer une promo plus importante et que plus de gens connaissent le groupe. Nous ne perdons pas le contrôle du groupe, nous sommes juste mieux appuyés. Notre but n’est pas de vendre des millions de disques mais de pouvoir sortir nos albums plus facilement. Les mecs de Grand Royal nous ont appelé en nous disant que nous garderions un contrôle total sur le groupe. Grand Royal est un label indépendant distribué par BMG mais dont les responsables sont très humains et gérent leur truc comme une petite famille. Nous admirons et apprécions cela. Ces gens font un label parce qu’ils adorent la musique et croient en des groupes. Ils se foutent des ventes et ne voient que par la musique. MTV les a contactés pour utiliser un de nos morceaux pour un générique d’émission très populaire « Road Rose »; nous avons refusé et ils n’ont pas contesté. Idem pour une proposition de Vans. Nous ne sommes pas hypocrites. Si cela avait été une émission que l’on aimerait tous regarder, il n’y aurait aucun problème. Là, ce n’était pas le cas, on ne l’a pas fait, et les mecs de Grand Royal ont compris. En sept semaines d’enregistrement, jamais ils ne sont venus mettre le nez au studio. C’est nous qui les avons invités. C’est la première fois qu’ils entendaient les nouveaux morceaux, ils nous ont fait confiance. Il faut se méfier des préjugés au sujet des gros labels. Nous sommes chanceux et tout groupe rêveraient d’avoir à faire à des gens comme eux.
D’où en êtes-vous avec votre propre label?
Un ami à nous a commencé ce label en sortant deux 45t puis il m’a passé le relais. J’ai sorti trois ou quatre 45t à mon tour et je l’ai laissé à quelqu’un d’autre. C’est en fait comme un label itinérant et il dure maintenant depuis six ou sept ans. Je crois qu’en ce moment le troisième cherche un nouveau repreneur. Ce serait cool que ce soit un européen qui le reprenne! J’ai maintenant un autre label « Restart Rds » sur lequel on a sorti un maxi de mon groupe de dub, Defacto, avec qui je joue en parallèle à At The Drive In, Nous sortons juste les disques que l’on veut, ceux des groupes avec qui on joue et qu’on aime bien comme « Universal Recovering » d’El Paso.
La différence entre les Etats-Unis et l’Europe est elle si flagrante qu’on peut le dire pour un groupe de rock?
Oh oui. En Europe, les conditions sont beaucoup moins difficiles qu’aux USA. Chez nous, on a aucune information sur le concert à venir et on se fait parfois engueuler parce qu’on est en retard alors que personne ne nous a donné d’heure. Ici, tout est organisé, tu as un planning horaire, tu as le petit dejeuner le lendemain. Aux USA, plus tu es connu, mieux tu es traité. En Europe, qui que tu sois, tu es bien accueilli. Au niveau du public on ressent aussi la différence: ici tout le monde a l’air d’apprécier la musique alors que chez nous, on a toujours à faire à la même communauté minoritaire.
Quels autres groupes conseilleriez-vous?
Less Savy Fav de New York. Ils viennent de faire un album « The Cat And The Cobra ». Sinon, Sunshine de République Tchèque, Eternals de Chicago et j’ai hâte d’écouter le nouveau Radiohead.
Arrivez-vous ou allez-vous réussir à vivre de votre musique?
Non, nous en sommes loin. En tournée, c’est plus facile parce qu’on a moins de besoin. Mais dés que l’on rentre aux USA, c’est très dur. On arrive parfois à s’en sortir avec ce qu’il reste de la tournée mais, rassurez-vous, pas de quoi s’acheter une voiture ou autre. Certains vivent encore chez leurs parents…
Le mot de la fin…
Sachez qu’être dans un groupe de rock nécéssite pas mal de sacrifices. La plupart des membres du groupe ont une petite amie, ont une vie à assumer. C’est pourquoi, nous faisons les choix qui nous semblent bons pour que l’on puisse vivre correctement, de ce que l’on aime, en sortant des disques que l’on aime. Pour l’instant, nous n’avons rencontré que des gens cools et intelligents et j’éspère que cela va durer et que nous ne subirons pas trop les critiques de gens qui ne veulent pas comprendre. Nous restons nous-mêmes, nous ne changerons rien, nous prenons nos responsabilités. Je pense que notre génération doit être à la hauteur et ne pas tomber dans les travers excessifs des générations précédentes.
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