Johnny Mafia n’a pas besoin qu’on lui montre la voie

Johnny Mafia n’a pas besoin qu’on lui montre la voie

La France ne peut pas plus dissocier le rock et le prénom Johnny que moi mon degré d’alcoolémie avec le kebab du quartier. Nouvelle preuve avec les Sénonais de Johnny Mafia qui reviennent avec un très bon quatrième album, 2024 Année du Dragon, et qui confirment savoir toujours allumer le feu (!) au bout de quelques secondes d’écoute seulement. On a pu interviewer Théo, William et Fabio dans un rade de Belleville, à Paris, pour discuter de cette actualité. Une rencontre placée sous l’énergie de stoner et l’impossibilité chronique de se prendre au sérieux, en privilégiant toujours la vanne.

Vous avez tourné quasiment trois ans pour défendre l’album précédent, Sentimental. C’est donc dans le van que vous avez composé vos nouveaux morceaux ? 

Théo : J’ai pas mal composé chez moi les jours où on ne tournait pas. Dans le camion, on dort, mais ce serait bien d’y avoir un studio d’enregistrement ! Pour ça, il faudrait investir dans un plus gros van mais, nous connaissant, on passerait quand même encore tout notre temps à dormir dedans. Ou à y faire la fête.

Vous avez choisi de bosser avec le producteur Francis Caste qui a beaucoup collaboré avec des groupes plus orientés métal. L’idée était d’avoir un son plus rentre-dedans et bourrin ?

William : Pas forcément bourrin mais avec un impact clairement plus marqué, c’est certain. Paradoxalement, en enregistrant moins en live, le but était de s’approcher de l’énergie des concerts. On voulait retranscrire la puissance des refrains lorsqu’on les joue sur scène, par exemple. Ce n’est pas du tout évident ! Après avoir écouté son travail, on savait que Francis allait y arriver.

Le son massif est donc bien présent mais sans oublier les bangers très pop dont vous avez l’habitude. Vous avez toujours recherché cette dualité ?

Théo : On voulait absolument un truc pêchu qui dynamite les morceaux. Mais aussi quelque chose de plus produit et pop. C’est la précision dans le son qui nous intéressait. Je pense que c’est notre album le plus travaillé et réfléchi.
William : Petit à petit, le chant et les compositions deviennent de plus en plus élaborés et fouillés mélodiquement. Ça ne peut que faire ressortir le côté pop.

Vous dites que Francis Caste vous a apporté beaucoup de choses, musicalement parlant, grâce à ses techniques d’enregistrement. Vous avez des exemples concrets à nous citer ?

William : Il nous a apporté sur tous les points ! Par exemple, il nous a amenés à alléger les batteries pour que d’autres éléments de notre musique ressortent plus facilement. Francis a une vision d’ensemble, sur tous les instruments.
Théo : On avait besoin de ses conseils parce que nous n’avons jamais réussi à obtenir ce résultat par nous-mêmes. Ce ne sont pas des changements énormes dans les compositions mais essentiels pour qu’elles sonnent correctement, que tout coule bien.
William : Johnny Mafia, c’est quand même énormément de sons de guitares et de cymbales. Ça joue à la croche et il n’y a pas beaucoup de silence. Il faut donc trouver la place pour que tout ça vive dans un enregistrement. Je crois justement que, étant donné notre style et notre façon de jouer, nous ne sommes pas faciles à enregistrer.

Vous ne touchez toujours pas votre bille niveau production alors ?

Théo : Je travaille dans un studio d’enregistrement municipal mais je n’ai pas du tout fait d’études dans ce domaine. J’apprends donc sur le tas depuis quelques années. Autant te dire que je n’ai pas trop ouvert ma gueule avec Francis ! De toute façon, c’est chiant d’avoir le nez dedans. Je ne sais pas si j’arriverais à la fois à composer, enregistrer et m’occuper de la manière dont ça sonne. Je ne suis pas assez vif pour faire tout ça.
William : Oui, c’est dur pour nous d’avoir assez de recul pour avoir un avis pertinent. Surtout quand t’es déjà crevé d’enregistrer toute la journée.

Les synthés et les percussions sont aussi nettement plus mis en avant sur cet album. La prochaine étape, c’est Johnny Mafia se lance dans la new-wave ?

Théo : C’est surtout que je trouvais que la présence des synthés et les arrangements de percussions de l’album précédent n’étaient pas assez assumés. Y compris sur le doublage des voix. Ça fait partie de mes regrets. Cette fois-ci, on a bien fait attention à ce que ça soit important dans le mix.
William : On ne voulait pas que ça soit uniquement un ressenti mais qu’on entende distinctement les pistes.

Le nouvel album s’intitule 2024 Année du Dragon. Vu que vous avez respecté le calendrier Chinois, quelles sont vos bonnes résolutions pour cette année ?

Fabio : Pour une fois, j’en ai ! Passer moins de temps à regarder YouTube et faire du sport.
Théo : Je n’ai pas de résolution personnelle vu que ma vie est parfaite. En revanche, j’en ai pour les autres : faire encore plus de concerts, si possible à l’étranger ! C’est ce qu’on a toujours aimé faire. On va d’ailleurs faire une résidence à Angoulême en février pour travailler le nouveau set.
William : Il faut qu’on aille en Italie ! C’est le seul pays frontalier où nous n’avons pas encore joué.

J’ai lu que la série Vikings avait pas mal inspiré l’écriture de l’album. C’est votre dernier gros binge watching ou est-ce qu’il y en a d’autres ?

William : Olalala faut que tu demandes à Théo. J’ai essayé Vikings mais j’ai arrêté.
Théo : C’est vrai qu’il y a deux ou trois morceaux inspirés de Vikings. J’adore les séries de merde. Je n’ai pas honte de le dire : contrairement à beaucoup de monde, j’ai regardé Walking Dead jusqu’au bout.
William : Notre producteur Francis Caste est d’ailleurs un sosie du personnage Negan.

Je suis obsédé par la pochette de cet album. Du coup, je veux tout savoir. Qui ? Quand ? Comment ? Pourquoi ?

William : T’es au meilleur endroit pour ça puisqu’on a trouvé le nom de l’album et le chien de la pochette ici, sur cette place. Sa maîtresse habite dans le coin. C’est une petite famille de trois chiens. Lily qui est sur la pochette est la mère. On a pu la prendre en photo dans le studio photo de Francis qui est collé à son studio d’enregistrement. Ce sont les frères Tanchaud qui sont responsables de l’artwork. Ils viennent d’ouvrir un labo à Belleville qui s’appelle Sunbath.

Vous avez une réputation de slackers et de branleurs à la cool, mais vous passez votre vie sur la route en empilant les concerts et les kilomètres. C’est ça la contradiction Johnny Mafia ?

Théo : Les concerts, ce n’est pas vraiment du boulot ! On y va à fond et c’est appréciable. Nous sommes des branleurs mais pas trop à la cool. On est quand même là avant tout pour faire de la bonne musique.
Fabio : Tu m’apprends que nous sommes des slackers… Je ne vois pas bien de quoi tu parles… Répète un peu ?
William : On aime bien faire la fête mais ce n’est pas toute notre identité non plus.

Vous êtes à l’aise avec l’idée que Johnny Mafia est le fer de lance de la scène indie made in France ?

Fabio : Ah bon ? On vient de changer d’avis ? Nous ne sommes plus des branleurs, ça y est ?

Je vais écrire que tu as essayé de m’intimider…

Théo : C’est flatteur et ça fait plaisir. Sans fausse modestie, je pense qu’on est quelques groupes en France à porter une sorte de mouvement. Je suis content qu’il y ait une scène rock cool, avec un son distinctif. Ça peut sûrement donner des idées à d’autres. C’est grâce à des structures comme Howlin’ Banana aussi. Ce label est là depuis les débuts du revival garage des années 2010 et il continue à être dans un bon filon.
Fabio : Tom de Howlin’ Banana a pour but de proposer une sorte de photographie du moment du rock en France. C’est un historien. Je trouve ça vraiment cool comme vision. Mais je ne pense pas qu’il y ait absolument un mouvement à porter… Mine de rien, je ne sais pas si les groupes ont besoin de modèles. Le plus essentiel reste l’entraide. Nous n’avons pas besoin de quelqu’un qui nous montre la voie.
Théo : Et puis on ne fait pas encore de tournée américaine et on ne vend pas des tonnes de disques à la FNAC…

Sur l’album Sentimental, le morceau Trevor Philippe était une référence à un personnage de GTA V. Du coup, vous êtes hypés par l’annonce récente de GTA VI ?

William : Putain ouais. J’ai la PS5, je suis en feu et je n’attends que ça.
Théo : Nous ne sommes pas très geeks. Ce n’est pas trop notre lore.
William : J’ai quand même plein d’heures sur Fortnite sur mobile. Sinon ce serait un bel accomplissement que Johnny Mafia soit sur une radio de GTA…

Vous dîtes que le groupe tente, avec toujours plus de confiance et d’assurance, ce qu’il n’osait pas tenter auparavant. Johnny Mafia, c’est le seul groupe indie rock français sans anxiété sociale ?

Théo : On a plein d’anxiété !
William : À force de faire, ça va forcément mieux… En enregistrant l’album précédent à Lyon, on pensait être audacieux et puis on a vu Johnnie Carwash faire des gros trucs de fous dans tous les sens en répétitions, et ça a été une énorme claque ! Là, on s’est dit qu’on était nuls et que personne n’allait se rendre compte de nos audaces à nous. Mais finalement, ça a aussi libéré Johnny Mafia dans la volonté d’enregistrer des trucs différents.
Fabio : On a aussi tendance à se vanner dès qu’on sort de notre registre habituel. Trois harmoniques de guitare et on pleure de rire ! Alors que tout le monde s’en bat les couilles si on fait du tapping par exemple… ! Mais il faut que ça serve la musique, sinon ça m’agace.
Théo : Nous sommes dans le troisième degré en fait.

Photos : Maxime et Valentin Tanchaud, Non2Non, Perrine Lamazère

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