Johnnie Carwash, une amitié itinérante

Johnnie Carwash, une amitié itinérante

Le deuxième album de Johnnie Carwash est une histoire de route. Un trajet qui sillonne la France, pousse jusqu’aux coins de l’Europe et serpente de festivals en salles combles. No Friends No Pain est aussi un disque sur l’amitié. Celle aux fondations solides entre Manon, Maxime et Bastien. Celle qui se termine et blesse. Puis une troisième, intense et brève, qui nait entre les âmes dispersées rencontrées lors des tournées. Le trio exprime cette vie débordante dans son pop punk lumineux et sauvage, toujours aussi efficace.
Lors de notre rencontre sous un soleil printanier, ils parlent avec le sourire et la blague facile de l’essence du groupe : aborder tous les thèmes, de la débauche deI’m a Mess à l’anxiété deAha (it’s ok), avec de la légèreté et de la fête dans les mélodies. Cette formule qu’ils se sont appropriés, ils la maîtrisent maintenant parfaitement. Servie par un enregistrement et un mixage d’une qualité inédite pour les Lyonnais, elle laisse entrevoir toutes ses possibilités. L’expérimentation laisse place à des fondamentaux polis et à une musique resserrée sur les points forts du groupe. Une rareté qui donne au changement de tempo un impact renforcé. Ainsi, la douceur et l’entrain des harmonies de Waliag prennent à revers d’une belle manière. Un disque vivant et vivifiant, parfait pour accompagner la chaleur des premiers rayons, du retour de la belle saison.

Le premier album est souvent une source d’apprentissage. Comment avez-vous appréhendé le second ?

Manon : Je crois qu’on les a abordés de la même manière. No Friends No Pain n’est pas si différent du premier, juste mieux enregistré parce qu’on l’a fait dans un studio et pas dans une salle de concert.
Bastien : Le but, c’était de continuer sur la même lancée en faisant mieux. Il n’y a pas de rupture.
Maxime : C’est le processus de composition qui a été beaucoup plus concis. On a composé les dix titres d’une traite, en trois mois, avec très peu de recul, alors qu’on tournait encore sur le premier album. Puis on a fait ce qu’on devait faire. Mais en termes de production, il n’y a pas eu d’apprentissage par rapport au premier. Très franchement, on était peut-être même plus à l’arrache que sur le premier vu qu’on la fait plus rapidement. C’est un peu fou quand on y repense : on a annoncé la fin de la tournée et deux semaines plus tard, on annonçait un single. En fait, on ne s’est accordé aucune pause !

Justement, vous évoquez le fait de travailler entre les dates. Votre musique a toujours été liée à la scène et j’ai l’impression que c’est encore plus le cas avec ce second album. Quel a été l’impact de ce rythme de vie sur la construction du projet ?

Manon : Clairement, cet album parle de la vie de tournée. Quand tu rentres chez toi, que tes potes se sont vus cinq fois dans la semaine et que tu débarques sans savoir de quoi ils parlent parce que tu n’es jamais là. Ça a été influencé par ça, mais également par les groupes qu’on a pu croiser en tournée, leur musique, etc… Je pense notamment à Johnny Mafia, Mad Foxes, TH Da Freak, Animal Mort…
Bastien : Exactement, c’est en ça aussi qu’il est la suite de Teenage Ends. Il raconte finalement en filigrane ce qui s’est passé sur la tournée du premier album.

Revenons à l’enregistrement. Celui de Teenage Ends avait été réalisé en prise live. Comment avez-vous procédé pour No Friends No Pain ?

Bastien : De la même manière. On se regarde dans le blanc des yeux et on enregistre, souvent en pas plus de trois prises, à l’exception de l’habituel morceau qui te fait galérer et pour lequel tu en fais dix. Là, c’était WALIAG, le titre de clôture ! Il a nous a sortis de notre zone de confort.
Manon : Après, on fait quand même des voix, on ajoute des guitares, des solos, des percussions…
Maxime : Je trouve qu’on est bien allé à l’essentiel, on est moins parti dans tous les sens que sur le premier album. Bon, on a quand même mis du vibraphone, un Steinway, un orgue Hammond ! Il y avait même l’ampli guitare qui a enregistré Vertige de l’Amour de Bashung mais… on ne l’a pas utilisé ! On a trouvé qu’il ne sonnait pas bien. C’est pour l’anecdote. (rire)

Sur U’re a Dog, titre du précédent album, le synthé était mis en avant. Sur celui-ci, il est quasi absent. Vous souhaitiez rester sur vos fondamentaux ?

Manon : On ne l’a pas réfléchi, et si on l’avait fait, je pense qu’on aurait voulu en mettre plus. Ce n’est qu’à la fin qu’on s’est rendu compte qu’il n’y en avait pas tant que ça.
Maxime : Oui, dans le processus de composition, je me le suis dit plusieurs fois. On verra plus tard mais, en même temps, on ne va pas mettre du synthé pour mettre du synthé. Il y en a quand même un tout petit peu sur Sunshine, le tout premier morceau de l’album, ainsi qu’en live sur WALIAG.

La prise live, le trio guitare-basse-batterie… Ça me rappelle que vous venez des jams, où l’instantanéité et l’improvisation sont hyper importantes. Quelle place prennent ces paramètres chez vous, en studio et sur scène ?

Maxime : C’est vrai qu’on s’est rencontré dans les jams, mais on ne l’a jamais fait ensemble.
Bastien : En fait, on essaye mais ça ne prend pas (il regarde Manon).
Manon : Je suis le problème de la jam, je ne suis pas hyper forte pour ça. J’ai des idées parfois assez précises de ce que j’entends et de ce que je veux. Après, il y a quand même une certaine forme de jam dans le sens où chacun écrit sa partie, donc fait ce qu’il veut et teste des choses. Mais une fois que ça a été fixé en enregistrement, on joue ce que l’on a décidé au départ.
Maxime : On structure très vite aussi quand on compose.
Manon : C’est assez figé mais là, on fait des petites adaptations pour le live. On prend du recul sur ce qu’on a composé et enregistré hyper rapidement, et on ajoute certaines idées en concert.
Bastien : Après les jams, ça apprend quand même beaucoup la musicalité, à retomber sur ses pattes parce qu’il y a toujours des choses qui peuvent se passer.

Pour le processus d’écriture des textes, comment ça s’est passé sur ce second album ? C’est plutôt toi, Manon, qui lead ?

Manon : Sur Teenage Ends, c’était moi principalement. Là, on a beaucoup co-écrit avec Bastien, on s’est pas mal partagé les morceaux. Des fois, j’ai envie de dire des trucs mais je ne sais pas vraiment comment les formuler. Lui, il est super doué pour ça. Il reformule ce que je cherche à exprimer et j’aime bien, c’est un truc en plus dans l’idée de partage.
Maxime : Pour le troisième album, je vais rentrer dans l’équation et là… Ce sera le dernier album ! (rire). Non, je préfère avoir mon petit bureau de producteur.
Bastien : Au studio, il avait son tabouret de batterie et derrière, une chaise avec un bureau. Il envoyait des mails dès qu’il ne jouait pas.

L’amitié est un des thèmes centraux de l’album mais les paroles abordent des sujets plus sombres également comme la santé mentale et l’anxiété. C’est important pour vous de traiter aussi les moments plus difficiles de votre vie ?

Manon : Important, je ne sais pas, mais c’est ce qui sort naturellement. La santé mentale notamment, qui en a pris un coup pendant la tournée. Pour moi, le meilleur moyen d’aller mieux, c’est d’en parler. On nous a dit que cet album est plus déprimant que le premier, et ce n’est pas faux. Il y a moins de morceaux funs comme Public Toilet. Mais c’est plus déprimant si tu n’écoutes que les paroles. Moi, ce que j’aime avec Johnnie Carwash, c’est qu’on met une musique par-dessus et tout de suite c’est la fête. Ça, j’adore !
Maxime : Personnellement, je n’écris pas les paroles, mais je prends un plaisir fou à jouer les chansons et à chanter parfois avec un grand sourire, alors que ce que l’on dit est super déprimant. Ça, c’est trop bien.

Globalement, si le premier album traitait de l’adolescence comme période transitoire, j’ai l’impression qu’ici, on entre dans la vie de jeune adulte. Je pense notamment aux paroles de What a Life qui reviennent sur la période où vous plaquez tout pour vous lancer dans le rock.

Manon : Oui, c’est clair. Moi, finalement, je me dis parfois que j’aimerais bien retourner à l’adolescence. Tu te rends compte que la vie d’adulte, c’est beaucoup de responsabilités. Je ne dirais pas que tu es seul face à elles, mais tu n’as plus d’excuse. Maintenant, tu dois te prendre en main et c’est un peu compliqué à vivre. Voilà, je vous le dis !
Maxime : Pour ma part, je ne me prononce pas, je suis né adulte.

Je reviens sur le processus de composition. Vous écrivez les mélodies en fonction des paroles ou est-ce qu’elles viennent plutôt après ?

Bastien : On compose selon les paroles dans un sens musical seulement, c’est-à-dire qu’il faut que les mots tombent juste. Je m’en suis rendu compte après avoir enregistré l’album. En écoutant Simple Twist of Fate de Dylan, où les paroles et la grille font un espèce de film, ça raconte une histoire, les deux vont ensemble. Nous, ce n’est pas du tout ça. On fait un truc de fond avec le texte et par-dessus, on pose un truc lumineux.
Manon : Ça revient à ce qu’on disait tout à l’heure. J’aime bien cette association de paroles deep chantées sur un ton joyeux. C’est ce qui fait que les gens devant toi ne le recevront pas de la même manière et toi-même, à force de le chanter, tu changes la signification des textes dans ta tête.

Comme on le disait au début, Waliag dénote du reste de l’album. Il dégage une énergie plus contemplative et douce, portée par la mélodie et le chant en duo. Il est également plus long. Pouvez-vous revenir sur sa création ?

Bastien : Je l’ai écrit après une soirée avec Annabel Lee, en plein hiver à Hibernarock. C’était la deuxième fois qu’on les croisait et ça a matché direct. On a bu des coups jusqu’à trois ou quatre heures du mat. Je suis allé prendre l’air, j’ai sorti mon mémo et le morceau est arrivé comme ça. Après, on l’a juste un peu rebossé mais je ne pensais pas qu’on allait le jouer avec Johnnie Carwash. Finalement, il a trouvé sa place, et ça colle plutôt bien avec le contexte de l’album.
Manon : C’est vrai que c’est un beau point final.
Bastien : Oui, il est venu assez naturellement comme conclusion. Quand on faisait la tracklist, on avait Sunshine en premier et Waliag en dernier : c’était un peu les deux points d’ancrage.

Dans le morceau What a Life, vous revenez sur le moment où vous avez tout plaqué pour lancer le groupe, depuis le début des concerts jusqu’aux tournées aux quatre coins de la France. Il vous arrive d’avoir des moments de réflexion où vous vous posez pour penser à l’intensité de votre quotidien depuis quelques années ?

Manon : Oui, je me sens toujours hyper chanceuse de faire ce que j’aime dans la vie. Tous les jours, tu te lèves et tu sais pourquoi. Par contre, tu ne sais pas combien de temps ça va durer, donc il faut profiter.
Bastien : C’est vrai que c’est facile d’être la tête dans le guidon, en sortie d’album, sur les tournées, mais pour éviter le burnout, il faut savoir prendre une pause. C’est dans ces moments-là que tu te rends compte de tout ça.
Manon : Et puis, on a de la chance d’avoir toujours su ce qu’on voulait faire, même si c’est hors des sentiers battus. Il y a tellement de gens que je croise, qui ne savent pas où ils vont dans leur vie…

Vous êtes entourés des mêmes personnes depuis vos débuts. Vous vous êtes forgé un entourage solide dont certains sont engagés sur des sujets liés à l’industrie musicale. Ça prend quelle place dans votre groupe ?

Bastien : De notre côté, on n’est pas hyper revendicateur mais l’entourage est fondamental dans notre manière d’aborder notre vie.
Manon : Oui, ce n’est pas dans la musique qu’on va revendiquer nos valeurs, mais dans tout le reste. Avec qui on travaille, où est-ce qu’on joue, nos partenaires en général… Ça, c’est important pour nous. Ça fait partie du groupe et de ce qu’on veut véhiculer.
Bastien : Oui, on est assez stricte sur l’éthique, mais on ne souhaite pas le mettre en avant dans la musique.

Enfin, un de vos titre est I Wanna Be In Your Band. Si vous pouviez faire partie d’un autre groupe, ce serait lequel ?

Maxime : J’adore cette question ! Je me la pose souvent et je me dis : ‘moins j’ai de réponses, plus j’aime ce que je suis en train de faire et plus on est dans la bonne direction‘ !
Manon : Moi, j’aurais trop aimé être dans Decibelles et faire n’importe quoi !
Bastien : Un groupe qui n’existe plus, Girlpool ! J’ai appris qu’elles avaient arrêté pendant qu’on faisait l’album, j’étais dévasté.
Maxime : Franchement, j’aurais bien aimé être dans le backing band de Chuck Berry, mais qu’une seule fois parce qu’après, ras le bol ! Sinon, à part faire de la batterie dans Osees… Et encore, je ne ferais pas ça tous les jours. Non, finalement, je suis très bien où je suis !
Bastien : Et Johnny Mafia !

Il faudrait collaborer !

Bastien : On en parle à chaque fois qu’on se voit ! On se dit, allez, faisons un split. Un split, c’est bien, mais il faudrait faire un autre truc. Du coup, on ne fait rien !

D’ailleurs, l’idée de collaboration vous est déjà venue à l’esprit ?

Maxime : C’est vrai qu’on y a jamais pensé, on est toujours resté dans notre truc. On est quand même très resserré sur notre formule.
Bastien : Je pense aussi qu’on n’a pas eu l’impression d’arriver au bout d’un truc. On a déjà trop d’idées à nous trois pour en faire le tour. Après, on est quand même toujours curieux de savoir ce qu’il se passerait, ce que ça pourrait donner musicalement s’il y avait une quatrième personne. On se pose souvent la question.
Maxime : Mais ce ne serait plus le même groupe !
Manon : On n’est jamais fermé, donc on verra ! L’avenir nous le dira !

Photos : Non2Non

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